Par Romain Billy
- Sia-Partners
Auteur
Diplômé de l'Ecole Centrale de Nantes et de l'Université NTNU de Trondheim
en Norvège, Romain Billy est consultant en énergie et environnement au sein
du cabinet Sia Partners. Il y travaille notamment...
L'urban mining: une source considérable de métaux
Par Romain Billy
- Sia-Partners
vendredi 26 avril 2013
Les métaux sont indispensables au développement des technologies les plus avancées, notamment l'électronique et les renouvelables. Or la pénurie guette. Une solution : le recyclage.
Combien de métaux y a-t-il dans votre ordinateur ? En 1980, une carte mère ne contenait que onze éléments, dont trois seulement étaient métalliques. Aujourd'hui, ils sont plus de 60, dont à peu près 45 métaux. Alors que leurs usages ne cessent de se multiplier, les ressources métalliques apparaissent plus limitées que jamais. Heureusement, contrairement au pétrole, ils ne brûlent pas, mais se recyclent.
Les limites du rythme actuel d'exploitation des ressources minières
Le rythme d'exploitation des ressources minières disponibles affecte les quantités observées dans les gisements mais également leur qualité. Dans les gisements australiens, la concentration en minerai des principaux métaux a ainsi été réduite en moyenne d'un facteur 3 au cours du XXème siècle. Après s'être concentrée sur les gisements les plus accessibles jusqu'à leur épuisement, l'exploitation de ces précieuses ressources doit désormais opérer une transition vers des gisements plus profonds, de moins bonne qualité et moins concentrés... L'amélioration des technologies de prospection et d'exploitation compense pour partie cette augmentation des contraintes, mais la situation tend à se dégrader au fil du temps.
Le processus d'extraction minière est par conséquent de plus en plus complexe, coûteux, et énergivore. L'énergie nécessaire pour extraire la même quantité de matière première augmente continuellement, tout comme le coût environnemental imputable à cette activité. Aujourd'hui, l'extraction et le traitement des métaux consomment déjà entre 8 et 10 % de l'énergie primaire mondiale. (...)
Pour les pays développés, une deuxième contrainte vient s'ajouter au risque de pénurie globale : la diminution de leur influence sur les extractions mondiales au profit des pays émergents. Cette situation est d'autant plus critique en Europe occidentale, où la plupart des gisements ont été épuisés au cours du XXe siècle. Par exemple, la France était le premier producteur mondial de bauxite - précurseur de l'aluminium - en 1930, suivie par les USA. Cependant, la dernière mine française a fermé en 1991 ; aujourd'hui les leaders de ce marché sont l'Australie, la Chine, le Brésil et l'Inde.
Cette situation est encore plus critique pour certains métaux plus rares, mais néanmoins indispensables dans nombre d'applications de haute technologie. Par exemple, 95 % de la production mondiale de terres rares est issue de Chine, qui risque de profiter de ce quasi-monopole comme moyen de pression dans les relations internationales6.
L'Urban Mining s'impose comme une solution incontournable
Pour faire face à la raréfaction des ressources minières, les pays développés disposent d'une ressource rarement évoquée : les métaux contenus dans les produits en cours d'utilisation. Le concept d'urban mining consiste ainsi à voir dans les villes d'aujourd'hui les mines du futur. En effet, si les gisements naturels s'épuisent, la construction de bâtiments et d'infrastructures comme l'omniprésence des matériels électroniques tendent à concentrer de plus en plus de métaux dans l'environnement urbain.
Les qualités intrinsèques des métaux les rendent particulièrement adaptés au recyclage successif. Contrairement à d'autres matériaux comme le papier, ils se recyclent quasiment à l'infini : il est estimé que 75% de l'aluminium produit dans le monde depuis 1880 est toujours en utilisation aujourd'hui7. La multiplication des cycles de vie d'une même matière première diminue d'autant la pression sur les gisements naturels.
(...)
Le potentiel de l'urban mining dans les pays développés est considérable, car la quantité de métaux par habitant y est plus élevée qu'ailleurs. L'importance historique de ces pays sur la scène mondiale leur a permis d'accumuler des ressources dans les bâtiments et les produits au cours de l'Histoire. Par exemple, si les gisements de bauxite sont quasi-épuisés, le stock total d'aluminium présent sur le sol américain n'a cessé de s'accroître. La répartition mondiale des ressources prend donc une toute autre allure en comptabilisant ces stocks secondaires.
Toutefois, le développement de l'urban mining nécessite la mise en place de systèmes de collecte adaptés. Le différentiel de coût de main d'œuvre ainsi que des contraintes réglementaires moins fortes bénéficient aux pays émergents, qui captent une part toujours plus importante des flux de déchets valorisables. II y a donc aujourd'hui un transfert de ressources minières des pays développés vers les pays émergents, à l'inverse de la tendance majoritaire du siècle passé.
A l'échelle française, la loi de finances rectificative de 2011 interdisant l'achat de métaux en espèces a ainsi eu pour effet secondaire d'augmenter les exportations vers les pays émergents ou voisins, en particulier l'Espagne.
L'heure est donc à la prise d'actions sur cette démarche puisqu'un recyclage accru permettrait de réduire les importations en matières premières et donc le déficit de la balance commerciale. Les opérations de collecte et de tri sont aussi fortement demandeuses de main d'œuvre. Au vu de la situation économique actuelle de l'Europe, il apparaît peu judicieux de délocaliser à la fois les ressources en métaux et les emplois associés !
De nombreux défis à relever
L'un des freins majeurs au développement d'un recyclage efficace est la nécessité d'une collecte et d'un tri efficaces. Aujourd'hui, les taux de recyclage des déchets « post-consommation » restent relativement faibles, principalement à cause de la difficulté d'impliquer le consommateur final, et du caractère diffus de ces flux de matière.
Il existe de grandes disparités entre pays, même au sein de l'Union Européenne. En Europe du Nord, des politiques volontaristes (bouteilles consignées, bornes de collecte) ont permis d'atteindre des taux de recyclage supérieurs à 90 % pour les canettes en aluminium, alors que ce taux reste très faible dans l'Europe du Sud.
Un autre frein récurrent au développement de l'urban mining est l'importance croissante des stocks dits « en hibernation » : 44 % des téléphones portables hors d'usage seraient conservés par leur ancien utilisateur au lieu d'être recyclés. Diminuer le nombre de ces stocks inutiles passe principalement par une prise de conscience des consommateurs, qui peut être encouragée par la mise en place de consignes sur certains produits.
La miniaturisation et la complexité croissante des appareils électronique pose également problème : si les métaux sont en théorie recyclables à l'identique, la plupart des applications industrielles nécessitent des alliages très purs, difficiles à obtenir à partir de matériaux recyclés. Pour s'épargner d'éviter des processus de séparation complexes et onéreux il faut donc organiser le tri le plus possible en amont de la chaîne de valeur, et développer des filières de recyclage spécifiques.
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2 commentaire(s)
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Commentaire par Hervé
dimanche 05 mai 2013 01:35
Bon article mais vous avez omis un point important. La qualité du résultat obtenu. Si on recycle de plus en plus, il est extrêmement difficile voire impossible de trier les composants en fonction de leur composition exacte. De ce fait, on fond des alliages de nature differente, qui, une fois refondus ne donnent pas forcément un métal de qualité.
Ainsi le recyclage ne doit pas être compris par "qui redevient le meme produit" mais par "trouve un second usage". Il est toujours intererssant de le faire car un métal de mauvaise qualité peut servir a faire des piquets de cloture,... et soulage les appros miniers. Mais bien voir que pour beaucoup de matières premières, on est encore trés loin du cycle fermé
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Commentaire par Hervé
dimanche 05 mai 2013 01:44
Suite... Oupps, dslé vous l'évoquez un peu en fin d'article donc vous l'avez pas omis. Mais c'est une des principales difficultés du recyclage et le sujet est très complexe. Repérer les alliages de morceaux de milliers de produits différents (qui eux même en contiennent de multiples formes) s?avérera assez complexe à mettre en oeuvre. En fait les séparer efficacement est déja délicat. Et je crois qu'il y a pire que les métaux, pour les plastiques je crois que c'est vraiment pas brillant non plus.
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