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Economies d'énergie : pour un nouveau modèle de financement


mercredi 21 mars 2012

Maîtriser la demande énergétique est un objectif essentiel mais il implique de mettre en place de nouveaux mécanismes. Cer article a remporté le 2eme prix du concours "Génération Energies", organisé par "la chaîne Energie", SIA-Conseil et RTE.




Elle est désormais au cœur de l'agenda politique de la Commission européenne : la maîtrise de la demande énergétique. Que ce soit par la sobriété ou l'efficacité, il s'agit de réduire fortement et à très court terme nos consommations. Et si pour atteindre de tels objectifs en France, il fallait imaginer un autre modèle de financement ?


Des barrières au développement du marché des ESCO...


Malgré le consensus sur la nécessité de l'action à court-terme, il est peu probable que la France atteigne ses objectifs d'ici 2020. Le CIREDi met en valeur qu'au rythme actuel, la France ne réalisera qu'une baisse de 7% de ses consommations énergétiques dans le Bâtiment, contre l'objectif du Grenelle de 38%. Or, il existe en France des gisements d'économies d'énergies insuffisamment exploités alors que les technologies correspondantes sont déjà disponibles. Le programme Homes a ainsi mis en avant que des solutions de gestion active du bâtimentii peuvent générer de 20 à 55% d'économies d'énergies sur des bâtiments, et ce avec des temps de retour sur investissements courts.


Or, de nombreuses barrières au développement de ces solutions et du marché associé persistent notamment à cause d'un manque d'information et des difficultés d'accès au financement. L'AIE souligne ainsi que les PME et les particuliers, incapables d'engager leurs propres fonds, sollicitent souvent des institutions privées de financement. Or celles-ci sont souvent réticentes à financer de tels projets à cause d'incertitudes quant aux gains potentiels associés. Il s'agit alors de dépasser le modèle de financement actuel, et d'inciter les acteurs économiques à offrir des services d'efficacité énergétique et les utilisateurs finaux à en bénéficier.


Ce nouveau modèle de financement s'appuierait sur des contrats rémunérant les économies d'énergies. En France, le Contrat de Performance Energétique existe depuis 2009 : ce contrat, signé entre un utilisateur final et une entreprise, garantit un certain niveau d'économies d'énergies quantifiable et mesurable, et la société de services d'efficacité énergétique (ou ESCO, energy services companiesiii) est ensuite rémunérée grâce aux économies réalisées sur la facture énergétique du client. Ce type de contrat a l'avantage de garantir des résultats de performances et d'épargner à l'utilisateur final le coût de l'investissement initial. Pourtant, le CPE reste très peu opérationnel en France et n'a pas encore contribué de façon significative à la réduction des consommations énergétiques françaises.



















 



... A la nécessaire mise en place d'un outil de financement innovant


Alors que le CPE est une solution juridique promue à l'échelle mondiale et européenne comme un vecteur majeur de réduction des consommations d'énergies, il convient de favoriser sa généralisation par le renforcement du marché des ESCO. Ce marché, bien qu'encore embryonnaire, est en plein développement dans les pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil. La Banque mondiale a mis en avant le potentiel très important de réduction des consommations réalisée par ces ESCO, notamment en Chine. En France, l'émergence d'un marché concurrentiel de l'efficacité énergétique, incluant une multitude d'acteurs (PME, ETI, champions industriels), pourrait contribuer à la relance économique et à la réduction de la facture énergétique. En effet, une étude du cabinet Xerfi prévoit une croissance du secteur de l'efficacité énergétique de 5% malgré une conjoncture économique difficile. Ce développement du marché des ESCO doit être associé à un nouveau modèle de financement.


Il s'agit en effet de mettre en place un fonds souverain de garantie financière dédié au financement des ESCO. Ce fonds serait aussi un centre d'expertise mutualisant les meilleures pratiques (rédaction de contrat-type par types de bâtiments et de consommations par exemple) à l'échelle régionale, nationale ou communautaire. Ce fonds, communément appelé « Super ESCO »iv, pourrait s'inspirer du Fedesco belge. Fedesco est une société anonyme de droit public qui a permis de réaliser sur la période 2008-2012 plus de 150 millions d'euros d'économies nettes, soit 22% d'économies d'énergies sur l'ensemble des bâtiments traités. La mise en place de cet intermédiaire de financement permettrait de transférer les risques associés à la mise en œuvre des services énergétiques et ainsi de supprimer les barrières au développement du marché des ESCO. C'est également une façon d'éviter aux collectivités territoriales et aux entreprises privées de s'endetter dans un contexte de ralentissement économique.




































Des objectifs à l'horizon 2020 sont donc l'occasion d'assurer le développement d'un environnement économique stable sur le long terme. Seule la mise en place de ce « Super ESCO » associée au développement de services et d'opérateurs de services énergétiques pourra conduire à la réalisation d'objectifs environnementaux, économiques et sociétaux aussi urgents.



Notes :
I A ce rapport du CIRED, s'ajoute un rapport de la Cour des Comptes qui juge le Grenelle « trop ambitieux », « pas réalisable » et qui devra « être adapté à la nouvelle situation des finances publiques ».
II La gestion active du bâtiment est une gestion automatisée des consommations du bâtiment : chauffage, climatisation, ventilation, éclairage, eau chaude sanitaire.
III "ESCO are defined to include any company using performance contracting as part of energy efficiency investment transactions" (Taylor &co, p. 131).
IV "Super ESCO are defined as a type of ESCO established by a government; it functions as an ESCO for the public sector market, and also supports capacity development and project development activities of existing private sector ESCOs, including helping create new ESCOs." (AIE, p.74).
Sources :
  • AIE. (December 2011). Joint Public-Private Approaches for Energy Efficiency Finance. Paris. Disponible ici.
  • CIRED. (Novembre 2011). Evaluation des mesures du Grenelle de l'Environnement sur le parc des logements. Paris: Commissariat Général au Développement Durable. Disponible ici.
  • Cour des Comptes (Novembre 2011). Impact budgétaire et fiscal du Grenelle de l'Environnement. Paris. Disponible ici.
  • Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement (2011). Plan d'action de la France en matière d'efficacité énergétique. Paris. Disponible ici.
  • Taylor, R. P. (2008). Financing energy efficiency: Lessons from Brazil, China, Indian and beyond. Washington: World Bank.
  • World Bank (2008). Le programme d'efficacité énergétique soutenu par la Banque mondiale et le FEM est déployé en Chine. Disponible ici.
  • World Bank Environment Department (2004). World Bank GEF Energy Efficiency Portfolio Review and Prationners' Handbook. Washington. Disponible ici.










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3 commentaire(s)
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Commentaire par Lamer Gaëla
jeudi 22 mars 2012 10:57
Le Contrat de Performance Énergétique (ou ESCO) est le meilleur levier des projets d'efficacité énergétique. Aujourd'hui, les instruments de marché sont présents, marchés de carbone, les Certificats d'économie d'énergie, la production énergétique. Ils permettent aujourd'hui de monter des financements solides au travers des ESCO.Cependant L'ESCO est avant tout un mode de financement innovant qui demande une implication de nombreuses parties, telles que les assurances, ou les banques. Compte tenue de la conjoncture économique et financière actuelle, il est compréhensible d'observer un recul de ses institutions face à ces nouveaux projets. Il y a également une barrière psychologique qui se retrouve au travers de nombreux projets en énergie, qui est de payer pour réaliser des économies d'énergie. Cette idée même, a encore du chemin à faire. Par ailleurs, mettre en place un fond de soutien s'est bien mais il peut entraîner des dérives, il est généralement installé lorsque les institutions font défauts, comme dans les pays en développement. Former, informer, par des projets pilotes est également un axe à développer.
[2]
Commentaire par yt75
jeudi 22 mars 2012 16:16
Pour information aux sujets des nécessaires économies d'énergie, une tribune/appel aux candidats publiée aujourd'hui sur le monde.fr :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/22/mobiliser-la-societe-face-au-pic-petrolier_1673496_3232.html
Et possibilité de se joindre en ligne à cet appel :
http://tribune-pic-petrolier.org/
[3]
Commentaire par carlino
vendredi 23 mars 2012 12:49
le premier financement est de laisser des possibilités de financement aux français ....et c'est pas avec ces éoliennes industrielles et photovoltaïques qu'on va améliorer la situation . vendu a 2, 3 voir 5 fois le prix c'est autant de moyens qui sont soustraits des Français . c'est un truc qui enrichi quelque uns pour en appauvrir une majorité ....pour quel résultat ?...pas trés bon, aléatoire et surtout trés pervers à plusieurs titres... il semblerait !!!
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