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Interview : Christian EGENHOFER


Christian Egenhofer analyse les objectifs énergétiques de l’UE


mardi 08 mai 2007

Christian Egenhofer est professeur à l'université de Dundee, en Ecosse, et chercheur au CEPS (Center for European Policy Studies), basé à Bruxelles. Il analyse pour Scitizen.com les objectifs fixés début mars par l’Union européenne en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour la limitation du changement climatique.


default textQuels sont les grands ressorts du plan énergétique fixés par l’UE au Conseil Européen des 8 et 9 mars dernier ?

Il est important de noter que l’accent est mis sur l’énergie. La stratégie n’est pas présentée d’emblée comme une stratégie concernant le changement climatique mais comme une stratégie de réorientation de la politique énergétique.

Le premier objectif est d'améliorer la sécurité des approvisionnements, donc de réduire la dépendance vis-à-vis des importations. Il y a des risques (en hausse de 70 p.c., calcule-t-on) associés à cette dépendance. La plupart des importations viennent de Russie.
Dans le même temps, il y a le problème du coût de l'énergie, notamment le prix du pétrole qui a augmenté.
Le troisième élément est bien sûr l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le changement climatique.

Dans ce cadre général, l'UE a mis en avant un ensemble de mesures. Le point crucial est celui des énergies renouvelables.
Les renouvelables sont réputées accroître la sécurité des approvisionnements parce qu'elles sont des sources nationales. Donc elles réduisent la dépendance. En outre, elles nécessitent le développement de nouvelles technologies (traitement de la biomasse, technologie solaire, etc...) afin de réduire leurs coûts de production. Certaines sont très près d'être compétitives économiquement du fait des prix élevés du pétrole et du gaz, d'autres le sont moins. Mais, à l'horizon 2030-2050 , ce sont ces technologies qui nous permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Comment ces objectifs seront-ils répartis entre les 27 pays de l'UE ?

C'est la question clé. Nous devons d'abord regarder la hiérarchie des objectifs. Car les énergies renouvelables ne sont pas le seul objectif fixé par l'Europe. Il y a aussi un objectif pour l'efficacité énergétique, un objectif pour la réduction globale des émissions, un objectif  pour 12 centrales à charbon capables de piéger le carbone d'ici 2020, etc...

Ces objectifs doivent être répartis entre les Etats-membre et il y a là une question politique. Il faut d'abord considérer la capacité de chaque pays sur chaque ressource. Dans les pays où il n'y a pas beaucoup de vents, ce n'est pas la peine d'investir dans les éoliennes. De même que ceux qui n'ont pas beaucoup de soleil ne vont pas investir dans le solaire. Il appartient donc aux Etats de définir une stratégie nationale réaliste.

Un autre élément est la question du "qui paye?". Il y a des systèmes d'aides. Cela signifie que les pays un peu plus pauvres, notamment les nouveaux entrants, demanderont certainement et obtiendront probablement une forme d'aide des vieux états membres de l'UE, qui sont un peu plus riches.

Plusieurs pays européens, comme la France, veulent promouvoir l'énergie nucléaire pour atteindre l'objectif qui leur sera fixé. Quel rôle voyez-vous pour le nucléaire ?

C'est une question difficile. On ne peut y répondre pour l'Union européenne tout entière. L'acceptabilité économique et l'acceptabilité politique -les deux allant d'ailleurs de pair- seront très différentes d'un Etat à l'autre. Je serais surpris que certains Etats ne veuillent pas essayer la voie nucléaire. D'autres préféreront la voie « renouvelable » et ceux qui ont une politique fondée sur le charbon seront attirés par les perspectives du piégeage du carbone.

Les Français ont eu raison d'insister sur le fait que le nucléaire doit être pris en compte. Ce n'est pas simplement un problème de gouvernement, c'est aussi une affaire de marché. La question est de savoir si les investisseurs trouvent l'option nucléaire suffisamment attractive. On peut discuter sur le fait d'investir beaucoup d'argent sur 40 ans et d'avoir un retour sur investissement très lent. D'autres technologies ont un tel retour plus rapide, et sont donc moins risquées pour les investisseurs.

A été récemment lancé le Forum international des biocarburants. Les Etats-Unis et le Brésil ont discuté d'un partenariat sur la technologie de l'éthanol. L'Union européenne investit-elle beaucoup sur ces biocarburants ?

Il y a aussi un objectif de 10% fixé par l'Europe sur ce type de carburants. Beaucoup admettent que les biocarburants sont une part importante de la solution au changement climatique, mais aussi une part importante de la question sur le sécurité énergétique.

Ce qui est intéressant dans la position européenne, c'est l'affirmation claire de la volonté de promouvoir la seconde génération des biocarburants (ndlr : fondée sur le traitement des fibres et résidus de toutes les plantes), qui ont un bien meilleur bilan carbone que celui de la première génération, biodiesel ou bioethanol (ndlr : appuyée sur les huiles ou plantes sucrières). Les produits de la seconde génération réduisent l'émission de gaz à effet de serre dans une proportion double de celle des produits de la première génération. De ce point de vue, l'UE a choisi la bonne route. Mais le débat sur les biocarburants en Europe passe aussi par la nécessité de renommer les subventions agricoles destinées jusqu'alors à la production agricole nourricière.

Pensez-vous à ce sujet que la politique européenne des biocarburants devrait être liée à la politique agricole commune ?

Elle est déjà liée à celle-ci dans la mesure où les subventions pour les productions nourricières sont redirigées vers les productions agricoles énergétiques. C'est déjà ce qui se passe, et de façon encore plus claire, aux Etats-Unis.  Oui, la stratégie des biocarburants est très liée à la politique agricole.

Diriez vous que c'est un accord historique ?

Il l'est certainement dans le sens que c'est la première fois que l'UE a réussi à intégrer, au moins en termes généraux, le concept de sécurité énergétique et la dimension du changement climatique. L'UE ouvre aussi à l'horizon 2020-2030 des perspectives de solutions.

Bien sûr, c'est un début. Nous n'avons pas encore, comme souligné plus haut, un accord de répartition de la charge, ni pour la réduction des émissions, ni pour la part des renouvelables. Il faut que les mots soient suivis d'effets et que les Etats membres fassent ce qu'on dit les chefs de gouvernements. C'est une grande bataille, car il y a beaucoup d'argent et de forts intérêts en jeu. L'histoire nous attend.

Propos recueillis par Gilles Prigent et Christopher Le Coq

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