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 - Docteur ès sciences

Auteur
Jean-François Bouvet, docteur ès-sciences, auteur (avec Corinne Lepage) de "Sans le nucléaire on s'éclairerait à la bougie - et autres tartes à la crème du discours technoscientifique" (Seuil, 2010)...

Oui, il y a une vie après le nucléaire


lundi 28 juin 2010

Sans le nucléaire, s'éclairerait-on à la bougie? Rien n'est moins sûr. D'autant que cette énergie, omniprésente en France, ne représente que 13,8% de la production électrique mondiale.


Jean-François Bouvet, docteur ès-sciences, est co-auteur (avec Corinne Lepage) de "Sans le nucléaire on s'éclairerait à la bougie - et autres tartes à la crème du discours technoscientifique" (Seuil, 2010)

C'est bien connu, «sans le nucléaire, on s'éclairerait à la bougie.» Censé légitimer irrévocablement l'omniprésence du nucléaire en France, ce souverain poncif fait partie du patrimoine national, au même titre que le TGV, la baguette de pain ou le bistrot du coin…

Ce qui ne l'empêche pas de rester contestable.

Est-il nécessaire pour s'en convaincre d'aller visiter les multiples pays totalement dépourvus de réacteurs nucléaires destinés à la production d'électricité (Australie, Autriche, Danemark, Grèce, Norvège, Portugal, etc.) ou qui n'en ont qu'un ou deux (Pays-Bas, Argentine, Afrique du Sud, etc.) ? Difficile de ne voir dans les habitants de ces contrées - Danois, Norvégiens, Portugais ou autres -, que d'irréductibles adeptes de l'éclairage à la bougie.

Et que dire des Autrichiens qui, dès 1978, votaient une loi sur la non-utilisation du nucléaire ? Que dire des Italiens qui, par un référendum de 1987, renonçaient au nucléaire? Que dire des Allemands dont le gouvernement Schröder signait en 2000 un accord avec les grands groupes énergétiques en vue d'un arrêt progressif puis total des centrales atomiques au plus tard en 2021 ?

Certes, l'Italie envisage pour l'avenir la construction d'un nombre limité de centrales, en principe opérationnelles à partir de 2020, mais elles ne fourniront qu'une faible part de l'électricité consommée dans la péninsule. Rien à voir avec la France, où 78 % de l'électricité est d'origine nucléaire - ce qui constitue un record mondial.

Certes, les législatives de 2009 ont porté au pouvoir en Allemagne une majorité défavorable à la sortie du nucléaire, amorce possible d'un retour en arrière. Mais l'énergie éolienne y est en plein essor. En 2008, elle représentait déjà 6,3 % du bouquet énergétique utilisé pour la production d'électricité, soit 27 % de la part du nucléaire. D'ici à 2020, elle pourrait couvrir une part beaucoup plus importante de la consommation d'électricité grâce à un vaste projet de parcs éoliens en mer… Trop ambitieux ? Du vent que tout cela ? Les voisins danois des Allemands en sont déjà à 20 % d'électricité d'origine éolienne !

À l'échelle de la planète, le nucléaire ne représente que 13,8 % de la production d'électricité (Donnée EDF, 2008) et seulement quelque 2,5 % de la consommation totale d'énergie. Et seuls dix-huit pays au monde dépendent du nucléaire pour plus du quart de leur électricité. Dire que sans le nucléaire, on s'éclairerait à la bougie, c'est donc résolument vouloir nous faire prendre les vessies pour des lanternes. Au total, centrales thermiques - au fuel, au gaz ou au charbon -, et énergies renouvelables - hydraulique, éolienne, solaire ou autre -, assurent plus de 85 % de la fourniture mondiale d'électricité.

Si les combustibles fossiles, dont on connaît les inconvénients majeurs en matière d'effet de serre, prédominent encore largement (environ deux tiers de la production électrique mondiale avec une position dominante du charbon), les énergies renouvelables sont en plein essor. À lui seul, l'hydroélectrique fournit davantage que le nucléaire et peut tabler sur un solide réservoir de croissance en Asie (en Inde et en Chine en particulier). Selon Christian Kjaer, directeur de l'Association européenne de l'énergie éolienne (EWEA), la puissance fournie par les éoliennes installées durant la seule année 2008 représente autant que celle produite par les centrales nucléaires mises en service en dix ans.  Quant au solaire, il reste encore très nettement sous-employé (moins de 1 % de la production mondiale d'électricité renouvelable) mais on enregistre quelques frémissements. En septembre 2009, la société américaine First Solar annonçait qu'elle allait construire en Chine une centrale photovoltaïque d'une puissance supérieure à celle d'un réacteur nucléaire… Anecdotique, le solaire ? Pour le moment, oui. Mais grâce aux nouvelles technologies du silicium, les dispositifs seront à l'avenir de plus en plus performants et de moins en moins chers. Et la filière conserve de larges marges de progression, en particulier en Chine, premier fabricant mondial de panneaux photovoltaïques.

Au total, pour les analystes de l'Agence internationale de l'Energie (AIE), la part des énergies renouvelables dans la production mondiale d'électricité devrait passer de plus de 18 % en 2006 à 23 % en 2030... loin devant l'atome.  Que l'on soit pour ou contre le recours au nucléaire est une chose ; prétendre que le nucléaire est l'alpha et l'oméga de toute politique énergétique en est une autre.

Bibliographie

ARMAGNAC (D'), Bertrand, CALLA, Cécile, KEMPF, Hervé, LE HIR, Pierre… : Bilan Planète, Le Monde, Hors-série, 2009. 

DANINOS, Franck et BARUCH, Jacques-Olivier : Les promesses des énergies renouvelables (Dossier), La Recherche, n° 436, décembre 2009.

EDF : http://www.edf.com/html/panorama/production/industriels/nucleaire/monde.html
 
5 commentaire(s)
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Commentaire par eric 56
lundi 28 juin 2010 10:36
Mensonge et irréalité sont les maîtres mots qui colle le plus a cet article :
A part le coût et les externalitée des moyens de production reste aussi a comparer les productions effectives pour parer a la consommation mondiale et la les productions des ENR mondiales à l’exception de la biomasse et l’hydraulique reste marginal .si on se reporte au dernier Baro Bilan d’Observ-Er pour 2008 :
Total production : 20169,2 TWh
Total conventionnel : 16406,6 TWh
Total renouvelable : 3762,6 TWh
Se décomposant comme suit :
Fossile : 13641,7 TWh soit 67,6%
Nucléaire : 2724,1 TWh soit 13,5%
Hydraulique : 3247,3 TWh soit16,1%
Biomasse : 223,5 TWh soit 1,1%
Eolien : 215,7 TWh soit 1,1%
Geothermie : 63,4 TWh soit 0,3%
Dechets non renouvelables : 40,7 TWh soit 0,2%
Solaire : 12,1 TWh soit0,2%

Comme vous pouvez le constater l’éolien ,la géothermie ,la biomasse, le solaire et les déchets non renouvelables ne contribue que pour 2,9% dans la production d’électricité mondiale.
La grande hydraulique ayant atteint ses limites dans les pays industrialisés et causant aussi par ailleurs de vastes problèmes écologiques .
De ce fait avec une demande croissante a l’échelon mondiale on ne peut que se demandé qui aura l’accès à des moyens de productions faiblement ou pas carboné ,

[Réponse de l'auteur]
En voilà donc une autre de tarte à la crème, et des plus indigestes : lorsque l'on est à court d'arguments, on traite son interlocuteur de menteur et d'irréaliste. Car finalement que m'opposez-vous essentiellement comme argumentaire ? Le simple constat de la situation actuelle. Comme si l'on n'y pouvait rien changer... Pas très imaginative votre démarche intellectuelle.
[2]
Commentaire par Candace
lundi 05 juillet 2010 22:22
Hum la Foi "énergiphobe" (je sais, c'est un néologisme...) a encore "page ouverte" à volonté dans les médias occidentaux... Ceux qui ont les pieds sur terre parlent besoins croissants - et gigantesques - en énergie non carbonée, pour ne serait ce que permettre le rattrapage du niveau de vie des deux tiers des habitants de cette planète qui lorgnent sur le nôtre et de l’autre côté, les Croyants répondent que la pénurie est Vertu puisque l’énergie nucléaire, c’est le Mal instancié sur la Terre... Gageons que partout dans ce monde où le confort et l’abondance hérités - sans travail - des générations précédentes n’auront pas anesthésié (euthanasié ?) le sens des réalités au profit de l’hystérie anti-scientifique que véhicule le bien-mal nommé “New Age” des enfants gâtés, on ne laissera pas la puissance de l’atome oisive sous le boisseau. C’est en les affrontant que l’on surmonte les difficultés, et non pas en les fuyant - tel un lapin devant son ombre - au nom d’un paralysant principe dit “de précaution”, le faux-nez de la couardise intellectuelle et morale de ceux qui aujourd’hui ne veulent rien se voir reprocher ou imputer, mais qui pleureront demain à chaudes larmes de s’être fait distancer - si ce n’est évincer - par plus clairvoyant qu’eux...
Uchronie humoristique : imaginons nos "Quakers de l’atome" instantanément transportés dans un monde où leur "principe de précaution" aura été rigoureusement appliqué aux découvreurs du feu...

[Réponse de l'auteur]
... Et tant qu'on y est imaginons un monde ou l'Homme se serait résolument refusé à seulement envisager une quelconque alternative à ses choix techniques : on goûterait sans doute encore le charme désuet de l'âge de la pierre taillée.
[3]
Commentaire par bbr
jeudi 15 juillet 2010 09:01
IL est incontestable que les éoliennes sont de plus en plus difficiles à installer en France et ce, justement à cause des mêmes qui sont aussi en général des anti nucléaires (ils sont en général anti tout !).
L'augmentation de la demande va être croissante et vu la quantité de surface photovoltaïque qu'il faut pour l'équivalent de la production d'une centrale nucléaire, ce n'est pas demain qu'on pourra se passer du nucléaire
Quant au photovoltaïque, justement, sachez que les aides se réduisent pour ne prendre qu'un seul exemple la région Nord/Pas de Calais vient de les réduire brûtalement (juste après les élections !) et elles seront désormais accordées sous condition de revenu.
D'autre part d'ici dix à quinze ans vous aurez un parc automobiles de quelques millions d'automobiles qui rouleera à l'électricité.
Sans compter sur le coup de frein du Grenelle de l'environnement, beaucoup de "niches" sont concernées, lire à ce sujet les échos du 9 juillet dans lequel on peut lire que J.L Borloo propose (déjà !) une réduction de 2 milliards d'aide.
Et derniere remarque, de plus en plus de pays pensent à installer un parc nucléaire on parle de l'Itale mais dernièrement le Mexique vient de déclarer son intention de développer un parc nucléaire. Et que dire de nos voisins qui n'ont pas de centrales atomiques mais qui nous achètent nos KWs !
Les poussières de charbon rejetées par les centrales thermiques sont cause de la disparition de centaines d'expèces animales
[4]
Commentaire par bbr
jeudi 15 juillet 2010 09:18
Ce que vous avez omis de dire dans votre article par rapport à la centrale solaire en Chine c'est qu'elle aura une surface au sol identique au 2/3 de celle de PARIS ! cette centrale aura une surface au sol de 64 km carré.
A signaler que first solar devrait installer en France une très grande usine de production de panneaux solaires en collaboration avec edf. Voici un lien vers planète infos: http://www.notre-planete.info/actualites/actu_2107.php
Précision : superficie de Paris : 10 500 hectares
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Commentaire par jymesnil
mercredi 21 juillet 2010 19:44
le nucléaire en France est un dogme, basé sur un mensonge ! "indépendance énergétique" veut dire que le Niger est un territoire français ! je blague mais si peu :-) par contre, le jour ou les industriels du nucléaire pourront nous chiffrer précisèment le coût du démontage d'une centrale obsolète, son retraitement, le jour ou ces opérations seront sérieusement provisionnées dans les bilans des producteurs d'électricité, le jour ou le taux de disponibilité et la productivité des centrales françaises aura rejoint un taux acceptable, ce jour là les choses seront plus claires...mais surtout comparons la courbe de rendement des énergies renouvelables depuis 20 ans et celle du nucléaire et on peut légitimement espérer pouvoir résoudre l'équation énergétique future ! notre pays centralisé au mains des préfets napoléoniens ne voit qu'une voie, alors que d'autres pays en voient de multiples ! les réseaux intelligents, le smart grid, etc...sont déjà en oeuvre et j'ai peur que d'ici 10 ans nous ne soyons totalement dépassés avec nos EPR en rade et dont nous ne savons pas retraiter les déchets !!!
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Jean-François Bouvet, docteur ès-sciences, auteur (avec Corinne Lepage) de "Sans le nucléaire on s'éclairerait à la bougie - et autres tartes à la crème du discours technoscientifique" (Seuil, 2010)...

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