Par Santa Torre
- Consultante SIA-Conseil
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Santa Torre est consultante chez SIA-Conseil
Gaz non conventionnels: l’Europe en a, mais à un coût élevé
Par Santa Torre
- Consultante SIA-Conseil
mercredi 09 février 2011
L’exploitation des gaz non conventionnels a déclenché en France un grand débat avant même de commencer. Comme les Etats-Unis, l’Europe est riche en GNC, mais leur exploitation risque d’être problématique, tant sur le plan technique que réglementaire.
Les énergéticiens américains se sont précipités sur ces gisements, qui constituent à la fois de nouveaux marchés rentables pour eux et des perspectives intéressantes pour l'indépendance énergétique américaine.
L'Europe, et en particulier la France, est aussi riche en GNC. Cependant, l'exploiter va être une affaire mouvementée... La publication par Total d'une « offre d'entrée » sur son permis d'exploration de Montélimar a déchainé les réactions immédiates des écologistes et des habitants concernés.
Un fort potentiel en Europe
Les Européens ont commencé les explorations plus tard que les Américains, mais on sait qu'il existe trois principaux gisements.
- Le premier s'étend de l'est du Danemark et de la Suède méridionale jusqu'au nord et à l'est de la Pologne.
- Le deuxième s'étire du nord-ouest de l'Angleterre au sud-ouest de la Pologne en passant par les Pays-Bas et le nord-ouest de l'Allemagne.
- Le troisième englobe le sud de l'Angleterre, le bassin parisien, les Pays-Bas ainsi que le nord de l'Allemagne et la Suisse. En France, des gisements périphériques ont été localisés dans plusieurs régions, notamment le sud du Massif Central et la vallée du Rhône.
Malgré ce fort potentiel énergétique, l'exploitation des GNC en Europe risque d'être plus problématique, tant que le plan technique que règlementaire.
En effet, une particularité des gaz non conventionnels réside dans leur mode d'extraction, qui nécessite l'utilisation d'une grande quantité d'eau pour atteindre le fond du gisement. Le problème Européen est double : les gisements sont en moyenne plus profonds qu'aux États-Unis, ce qui nécessitera donc plus de liquide pour les atteindre, et les ressources en eau sont limitées, particulièrement en Allemagne, en Pologne et aux Pays-Bas, précisément les pays où les gisements sont importants. En outre, des solvants, détergents et métaux lourds sont injectés lors de l'extraction et peu d'études d'impacts ont pour l'instant été menées. Une exploitation des GNC dans ces zones nécessitera donc la mise en place d'innovations technologiques et de processus de dépollution des eaux.
Autre problème européen : la difficulté d'accès au sol, étant donné la densité de population et d'infrastructures. Par ailleurs, il n'est pas possible en Europe de forer dans des zones protégées ni dans des zones urbaines, ce qui est le cas aux États-Unis. La législation européenne est également plus stricte en termes de sécurité. Enfin, les lois de propriété foncière diffèrent, car aux États-Unis, le propriétaire du terrain est aussi propriétaire du sous-sol, ce qui n'est pas le cas dans la majorité des pays Européens où le sous-sol appartient généralement à l'Etat.
Cependant, point positif, certaines régions où les gisements sont particulièrement importants ont un passé de production gazière (Nord de l'Allemagne, Pays-Bas...), ce qui pourrait favoriser le développement des GNC.
Une ressource stratégique indéniable
Malgré ces obstacles, de nombreux acteurs ont bien compris le potentiel des ressources européennes et la concurrence est rude pour acquérir des permis d'exploitation en Europe.
Après le succès américain, les entreprises du secteur se pressent pour s'implanter sur le marché européen. L'analyse des pays qui ont accordé les licences d'exploitation de plus grande superficie révèle que les trois points chauds sont la France, l'Allemagne et la Pologne. La Pologne a déjà approuvé 70 licences d'exploration pour des gaz de schiste En France, Total est actuellement à la recherche de partenaires pour explorer et exploiter le gisement de Montélimar, dont le permis a été obtenu en 2010.
Pour le moment, les compagnies (les « majors » comme Total, Shell ou Exxon Mobil et beaucoup de petites sociétés nord-américaines ou locales) se livrent uniquement à des activités d'exploration. L'exploitation des ressources se fera uniquement si le potentiel est confirmé à horizon 2012. En 2010 , les premiers forages ont eu lieu en Pologne, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, et de nombreux autres forages sont prévus en 2011.
Les grandes avancées technologiques ayant été réalisées aux États-Unis, la phase de test européenne est principalement prospective. L'incertitude quant au potentiel économique plane toujours. Une étude menée par l'Oxford Institute for Energy Studies montre que le coût d'exploitation et de développement des GNC serait 2 à 3 fois plus élevé en Europe, qu'aux États-Unis. Ce coût serait également supérieur à celui de l'exploitation du gaz conventionnel. Dans le plus optimiste des scenarii, le prix du GNC serait proche de celui du gaz russe et demeurerait supérieur au prix des gaz provenant d'Afrique et du Moyen-Orient, d'autant plus que le prix du GNL risque de diminuer en raison du sur-approvisionnement des Etats-Unis. Cependant, si le prix du GNC atteint un prix équivalent à celui du gaz russe, la question de la sécurité énergétique se pose et les GNC pourraient bien représenter un argument de négociation face au géant Gazprom.
Lire l'étude intégrale de Santa Torre
(*) Le gaz de schiste est un GNC parmi d'autres (gaz de charbon, gaz de sables colmatés, hydrates de gaz etc...) mais c'est celui qui possède pour le moment le plus grand potentiel : plus de 50% des GNC aux Etats-Unis sont les gaz de schiste, le reste étant principalement du gaz de charbon (ou le"grisou") (voir étude)
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