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Par IRIS


Crise au Yémen : les enjeux du détroit de Bab-el-Mandeb


jeudi 02 avril 2015

Le détroit de Bab-el-Mandeb est le quatrième passage maritime le plus important au niveau mondial en termes d'approvisionnement énergétique. Quels sont les risques de perturbation du trafic naval dans ce détroit suite à la crise politique et militaire que traverse actuellement le Yémen ?


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Une tribune de Luca Baccarini et Sébastien Bianciotto.

La situation sécuritaire au Yémen est extrêmement confuse depuis de nombreux mois, en raison notamment de l'insurrection des Houthis - mouvement composé principalement de musulmans chiites du Nord du Yémen - qui, selon les autorités de Ryad, seraient soutenus par l'Iran. Le 22 mars 2015, ces miliciens chiites ont occupé une majeure partie de la ville de Ta'izz située dans le sud-ouest du pays, à quelques kilomètres du détroit de Bab-el-Mandeb, prenant ensuite le contrôle du port de Mocha.

Le 26 mars 2015, l'Arabie saoudite, à la tête d'une coalition d'États sunnites, a lancé une intervention militaire contre les Houthis, ce qui représente une escalade importante du conflit en cours et des tensions régionales entre l'Arabie saoudite et l'Iran. L'annonce de cette intervention a provoqué des réactions préoccupées sur les marchés financiers - avec notamment une progression de plus de 4,5% des prix du pétrole sur les marchés futurs le même jour.

Des routes alternatives

Le détroit de Bab-el-Mandeb, qui sépare le Yémen de Djibouti, est un point névralgique du commerce maritime entre le golfe d'Aden et la mer Rouge. À son point le plus étroit, il mesure seulement dix-huit milles, limitant la circulation des navires à deux canaux de deux milles de large chacun, un dans chaque direction. Le détroit est surtout important pour le commerce d'hydrocarbures : selon les données de l'Energy Information Administration américaine, en 2013, ce détroit a vu passer chaque jour 3,8 millions de barils de pétrole brut et raffiné, dont 2,1 millions de barils en provenance du golfe arabo-persique et à destination du Canal de Suez, du pipeline Sumed (Suez-Méditerranée) puis de l'Europe et de l'Amérique du Nord, et le reste vers les marchés asiatiques. Il est ainsi stratégique pour les pays importateurs, exportateurs et riverains que ce passage maritime reste libre d'accès.

Notons cependant que - même en cas de blocage du détroit - l'approvisionnement énergétique n'en serait pas moins interrompu car au moins deux routes alternatives existent. La première, le pipeline East-West en Arabie saoudite, permettrait d'acheminer 2,5 millions de barils par jour du golfe Arabo-Persique à la mer Rouge. La deuxième route est celle du Cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud, qui permettrait d'acheminer les hydrocarbures vers l'Europe et l'Amérique du Nord avec un rallongement du temps de transport.

Remarquons enfin que ce passage maritime a déjà était sujet à de nombreux incidents dans le passé. En octobre 2000, le destroyer américain U.S.S. Cole a été victime d'un attentat revendiqué par Al-Qaïda dans le port d'Aden. Deux ans plus tard, le pétrolier français Limburg a été à son tour touché dans la région par un bateau piégé d'Al-Qaïda. La corne de l'Afrique connait également depuis plusieurs années une flambée des actes de piraterie maritime, en partie due à la faiblesse de l'autorité étatique en Somalie.

Un risque de perturbations ponctuelles

Nous estimons que le risque d'un blocage prolongé et complet du détroit demeure toutefois faible. Premièrement, les Houthis n'ont aujourd'hui pas fait mention de leur volonté de bloquer ce passage et ne semblent pas avoir les moyens matériels (avions, navires?) pour le faire. Deuxièmement, et parallèlement aux raids aériens menés par la coalition arabe, il semblerait que l'Arabie saoudite et l'Egypte aient envoyé plusieurs frégates dans le détroit de Bab-el-Mandeb pour d'ores et déjà le sécuriser. Enfin, un tel blocage semble impensable compte tenu que le golfe d'Aden, le détroit et la mer Rouge sont en permanence sous la surveillance d'entités internationales telles que l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et les États-Unis. Ces derniers, tout comme la France, possèdent une base militaire à Djibouti leur permettant d'une part, de lutter contre la piraterie dans le golfe d'Aden et d'autre part, d'intervenir rapidement en cas de perturbation du détroit.

Les forces françaises, installées depuis 1977 dans le pays, sont le plus gros contingent déployé par Paris sur le continent africain. Outre sa mission de stabilisation de la corne de l'Afrique, la France peut, grâce à sa composante marine (deux chalands) et aérienne (sept Mirage 2000, un C160 et deux hélicoptères Puma), exercer un contrôle sur le détroit de Bab-el-Mandeb et porter secours en mer comme ce fut le cas lors de l'attentat contre le USS Cole.

Le risque de perturbations ponctuelles dans le détroit de Bab-el-Mandeb semble cependant plus élevé. Par exemple dans le cadre d'attaques de pétroliers saoudiens par des miliciens Houthis équipés de petits bateaux rapides chargés d'explosifs. Une situation de ce type pourrait entraîner une réduction du trafic naval dans la région ainsi qu'une hausse des primes d'assurance. En effet, suite à l'attentat mené contre le Limburg en octobre 2002, les primes d'assurance pour les pétroliers avaient triplé.

Le pays potentiellement le plus affecté par une situation d'instabilité autour de Bab-el-Mandeb semble être l'Egypte - dont les finances publiques dépendent fortement des revenus liés au Canal de Suez et au pipeline Sumed (Suez-Méditerranée) - ce qui semble justifier son rôle actif dans l'intervention militaire au Yémen.

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