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 - Université Paris-Dauphine

Auteur
Sylvie Tarnai, 23 ans, est étudiante à l'université Paris-Dauphine

Recycler le CO2 grâce à la photosynthèse industrielle


lundi 21 mars 2011

Cette analyse a remporté le troisième prix au concours Génération Energies, organisé par "la chaîne Energie", SIA-Conseil et RTE.


Face au défi climatique, la chasse aux émissions de CO2 apparaît comme un enjeu majeur, faisant du  carbone l'ennemi public nº1 des nations occidentales. L'effort international pour une réduction progressive des émissions s'accompagne d'une option fortement privilégiée à l'heure actuelle: le captage et la séquestration géologique du carbone (« Carbon Capture and Storage » ou CCS).

Le coût de cette technologie reste néanmoins très élevé d'après l'AIE qui l'estime entre 36 et 72 €/tCO2.1 En outre, des incertitudes subsistent quant aux effets sur l'environnement du CO2 enfoui et son acceptabilité sociale n'est pas sans poser problème. Or, il existe aujourd'hui une alternative : le recyclage du CO2. Cette nouvelle voie pourrait mettre fin à la contrainte climatique. Elle a déjà été découverte et n'attend qu'à être développée.

Une solution innovante : recycler le CO2

A l'instar de Da Vinci qui s'inspira du vol des oiseaux pour produire ses études sur les prémices de l'hélicoptère, il est possible de s'inspirer du phénomène naturel de photosynthèse. En transformant le CO2 au lieu de le séquestrer, ce procédé permettrait de s'affranchir des inconvénients liés au stockage. D'après B. Reynier, Ingénieur en Physique diplômé de l'INPG, « cette [...] voie est trop peu explorée ».

Des chercheurs américains du Sandia National Laboratories ont créé le prototype expérimental d'un appareil qui permet de convertir le CO2 en carburant à partir de la concentration du rayonnement solaire. Ce prototype, appelé "Counter Rotating Ring Receiver Reactor Recuperator" (CR5) a été testé avec succès en automne 2009 par son inventeur, Rich Diver, qui a ainsi initié le projet « Sunshine to Petrol »(S2P). Il s'agit d'une machine solaire rotative qui utilise la chaleur du soleil pour transformer du dioxyde de carbone émis dans la combustion d'énergies fossiles en carburant liquide utilisable.2 L'énergie solaire est concentrée pour atteindre une température qui permet d'engendrer de façon chimique une « combustion inversée ».

Ce processus sert de base à la production d'hydrocarbures liquides à partir de CO2 et d'eau. Le procédé constitue ainsi une extension de l'économie hydrogène, analogue au processus de photosynthèse. Grâce à cette technologie, les énergies fossiles pourraient donc être réutilisées, ce qui réduirait considérablement les émissions dans l'atmosphère tout en permettant de limiter les quantités de matières fossiles extraites du sol. D'après les chercheurs, si la première étape est la capture du CO2 à partir de sources de pollution concentrée, le but ultime de cette innovation pourrait être d'extraire directement le CO2 dans l'air.

Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à se pencher sur la question du recyclage du CO2, ce qui atteste de l'intérêt que présente cette nouvelle solution. D'autres projets visant à développer des moyens de recycler le CO2 en carburant en s'appuyant sur le principe de la photosynthèse ont déjà vu le jour. Les universités d'Alicante et de Valence utilisent notamment les propriétés organiques du phytoplancton. 3 Des scientifiques japonais ont quant à eux fait la découverte l'an dernier d'une bactérie qui permettrait de transformer le CO2 en méthane afin de recomposer du gaz naturel.4 Le recyclage du CO2 s'avère donc être une solution plus durable que le CCS puisqu'elle permet de valoriser le carbone émis et non plus seulement de le stocker. Il ne faut cependant pas oublier qu'il s'agit d'une technologie émergente devant encore faire ses preuves et dont le développement est soumis à de nombreux défis.

Obstacles et perspectives

La communauté scientifique sait depuis longtemps qu'il est possible de recycler le CO2, mais nombreux sont ceux qui pensent qu'il va être difficile de le faire en pratique, aussi bien sur le plan technique qu'économique. Les tests ont montré que le processus de transformation du CO2 fonctionne, il s'agit maintenant d'en améliorer l'efficience. Ainsi, le système pourrait être appliqué sur les sites industriels à condition qu'il devienne au moins deux fois plus efficient que la photosynthèse naturelle dont le rendement maximal théorique est de 5%. En outre, l'alimentation du procédé en énergie solaire concentrée (nécessaire pour atteindre une température permettant la combustion chimique voulue) ainsi que la question du transport de cette énergie vers le site émetteur de CO2 seront des enjeux cruciaux.

De plus, cette technologie est aujourd'hui encore difficilement viable. Elle grève en effet des coûts de production supplémentaires du fait de la complexité de l'équipement mais aussi de par la quantité d'énergie solaire nécessaire à la transformation du CO2 si l'efficience est peu élevée. Ainsi, l'évolution du rendement de la technologie de concentration solaire constitue un enjeu de taille. Une option serait de délocaliser toutes les activités polluantes dans les zones ensoleillées afin de pouvoir recycler le CO2 émis. Même si cela semble relever de la fantaisie, les décisions d'investissements à venir pourraient du moins être influencées. La technologie inventée dans le cadre du projet S2P pourrait être accessible sur le marché d'ici 15 à 20 ans et présente ainsi une réelle alternative à long terme à la séquestration du gaz carbonique.

Afin de faire avancer la recherche et de pouvoir industrialiser le procédé, il est enfin nécessaire d'encourager l'innovation et de créer un cadre juridique favorable au système. L'UE pourrait ainsi cesser de se concentrer uniquement sur la technologie du CCS dont les limites ont déjà été mises à nu et faciliter le développement du recyclage du CO2 pour asseoir un leadership technologique européen en la matière.

Même si un système dans lequel on aurait apprivoisé le carbone semble encore illusoire, le recyclage du CO2 grâce à la photosynthèse industrielle présente des atouts indéniables. Une nouvelle approche en matière de gestion du problème des émissions par le biais d'une utilisation productive du CO2 pourrait ainsi devenir un projet du 21ème siècle. Seuls des efforts suffisants de recherche et d'investissement permettront d'explorer cette alternative prometteuse qui apporte une solution à la fois aux enjeux énergétiques et climatiques actuels.

NOTES

1. Le CSC accroît ainsi de 25 à 100% le coût de production de l'électricité. En outre, il faudrait déployer un réseau très conséquent de « carboducs » estimé par l'AIE, entre 30 000 et 150 000km de long pour l'Europe.

2. L'énergie abondante du soleil pourrait ainsi être captée afin de « redynamiser » chimiquement le dioxyde de carbone en mo-noxyde de carbone. L'énergie solaire concentrée permet alors de séparer le CO2 et le H2O pour obtenir du méthane (CO) et de l'hydrogène (H2), les éléments de base pour produire des hydrocarbures synthétiques.

3. L'usine pilote, construite au pied d'une cimenterie et opérationnelle depuis janvier 2011, permet la conversion accélérée du CO2 en pétrole artificiel.

4. Il s'agit des scientifiques de l'Agence japonaise des sciences et technologies maritimes et terrestres (JAMSTEC).

SOURCES

  • Godard, Olivier. Y a-t-il une vie après Copenhague ? Alternatives Economiques, nº 288. Février 2010.
  • A. Denny Ellerman et alii. Le prix du carbone. Les enseignements du marché européen du CO2. Ed. Pearson. 2010.
  • Taverdet-Popiolek, Nathalie et Thais-I-Tésé, Françoise. Emergence des technologies de charbon propre - L'Europe saura t- elle donner à temps l'impulsion nécessaire ? Revue de l'Energie, nº 590. Juillet-Août 2009.
  • James E. Miller, Mark D. Allendorf, Richard B. Diver, Lindsey R. Evans, Nathan P. Siegel, and John N. Stuecker "Metal Oxide Composites and Structures for Ultra-High Temperature Solar Thermochemical Cycles" J. Mater. Sci. 2008.
  • Le captage et stockage géologique du carbone : un bilan intérimaire du Conseil Mondial de l'Energie. World Energy Council. 2007.
  • www.energie.lexpansion.com; www.sandia.gov/news/publications; www.enerzine.com
3 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Herte
mardi 22 mars 2011 09:58
Encore une ânerie techno-ingenerio-quisetirentengroupesurlanouille.
Si vous voulez convertir du CO2 en carburant pas besoin de se fatiguer. Faites pousser du tournesol. L'huile fera fonctionner votre 205 Diesel et le reste engraissera vos lapins. En plus c'est applicable dés aujourd'hui. Veuillez me faire parvenir le 1er prix du concours Génération Energies a mon adresse mail en chèque ou par paypal. Merci
[2]
Commentaire par Sarah
mardi 22 mars 2011 20:41
D'accord, on va recycler le CO2. Soit, crions au génie! Mais vu le taux de recyclage... quand on aura plus d'énergies fossiles libérant du CO2 stocké (on a le temps de voir venir, mais quand même, il est temps de commencer à l'envisager), qu'on utilisera les éoliennes, le nucléaire et la biomasse, on pourra juste sourire devant cette belle technologie... qui ne servirait pas! Et puis si on arrive à produire de l'énergie par le solaire à concentration, pourquoi ne pas l'utiliser directement sur le site industriel? Est-ce vraiment une projection dans l'avenir...
[3]
Commentaire par rds7
jeudi 31 mars 2011 00:20
C'était bien de chercher une solution et de trouver une idée - mais d'accord avec Herte : pourquoi se casser la tête à mettre au point un procédé, alors que l'évolution a sélectionné très efficacement les micro-organismes et la photosynthèse qui nous font ça tout seuls, même sans semer, et sans énergie grise : laisser pousser des arbres dans les friches permet à x millions de gens de se chauffer, non ?
De plus les arbres poussent environ 50% plus vite aujourd'hui, avec l'augmentation du CO2.
Bon, évidemment, mettre des fagots dans son moteur ça marche pas encore très bien. Mais pour ça, comme dit Herte, y a le tournesol, et bientôt les carburants à base d'algues bien grasses...
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