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 - Physicien nucléaire, Association Global Chance

Le méthane : des risques sur le climat largement sous-estimés


mardi 24 novembre 2009

Les hypothèses prises par le Giec conduisent à sous-estimer la dangerosité du méthane au cours des prochaines décennies. La situation serait donc pire qu’on nous le dit…


Les émissions de méthane (CH4) liées aux activités humaines proviennent essentiellement de l’extraction du charbon (grisou), de l’industrie gazière et pétrolière (fuites), de l’expectoration des ruminants, des rizières inondées et des décharges d’ordures ménagères. Ces émissions sont en partie responsables du renforcement de l’effet de serre, donc du réchauffement de l’atmosphère, cause des changements climatiques attendus.

En quantité, le méthane est le deuxième gaz à effet de serre après le gaz carbonique (CO2) avec des émissions annuelles de l’ordre de 350 millions de tonnes contre 38 milliards de tonnes pour le CO2.

Méthane et CO2 ne contribuent pas de la même manière à l’augmentation de l’effet de serre. En effet, chacun absorbe et réémet les rayonnements d’une façon caractéristique et reste plus ou moins longtemps dans l’atmosphère après son émission avant de se dégrader. Pour une même unité de masse présente dans l’atmosphère, l’efficacité radiative du méthane est 73 fois plus élevée que celle du CO2. Après son émission, le méthane se transforme (certains de ses « descendants » sont eux-mêmes des gaz à effet de serre) et disparaît au bout d’une vingtaine d’années (la moitié au bout de huit ans environ), tandis que le CO2 émis décroît également, mais plus lentement, pour se stabiliser ensuite sur une très longue période (au bout de deux cents ans, il reste environ 30% du CO2 émis dans l’atmosphère). Les effets respectifs d’une émission de CH4 et de CO2 une année donnée ont des conséquences très différentes sur le réchauffement climatique en fonction de l’horizon temporel dans lequel on se place.

Les experts du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), à partir des données sur les efficacités radiatives et les courbes de décroissance dans l’atmosphère de ces gaz après leur émission, ont calculé le rapport des effets sur le réchauffement climatique du méthane et du CO2 à différents horizons temporels. Ce rapport, le « Potentiel de réchauffement climatique (PRG) » du méthane, a été ainsi évalué à 72 à un horizon de 20 ans, 25 à 100 ans, 7,6 à 500 ans. En 1997 (Protocole de Kyoto), les négociateurs internationaux ont décidé d’adopter une unité commune, la « tonne équivalent CO2  (teq CO2) » pour comptabiliser les émissions des gaz à effet de serre autres que le CO2. Ils ont alors choisi la valeur « à 100 ans » du PRG du méthane comme coefficient d’équivalence (valeur qui était estimée à 21 à l’époque). A partir de cette date, on a compté les émissions de méthane en utilisant l’équivalence suivante : 1 tonne de méthane égale 21 teq CO2. Les suppressions d’une émission ponctuelle de 1kg de méthane et de 21 kg de CO2 sont considérées comme équivalentes.

Mais, si ces suppressions ne sont plus ponctuelles, mais pérennes cette équivalence n’est plus respectée sauf à un horizon de l’ordre de 200 ans . A un horizon de 20 ans, le rapport des effets sur le réchauffement climatique de l’action méthane et de l’action CO2 passe de 1 à 4.

On peut tirer de cette constatation trois enseignements :

- La teq CO2 ne paraît pas, du fait de la variabilité avec la période horizon, une unité convenable pour comptabiliser les émissions évitées de méthane.

- La sous-estimation des effets des émissions de méthane peut avoir de graves conséquences sur l’appréciation des conséquences attendues des politiques de réduction globale des émissions de gaz à effet de serre comme des objectifs des négociations internationales qui se limitent actuellement, dans la pratique, à la réduction des émissions de CO2.

- Dans la mesure où les experts du GIEC nous disent aujourd’hui que la période horizon entre 2030 et 2050 est cruciale du point de vue des changements climatiques si l’on veut éviter des phénomènes d’amplification irréversible, il est urgent de mettre en œuvre, en complément des actions indispensables sur le CO2, des actions de réduction des émissions de méthane.

2 commentaire(s)
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Commentaire par Pierre Mulin
mardi 24 novembre 2009 08:45
Bonjour,

Assez d'accord avec vous dans l'ensemble. Un point cependant sur lequel je n'ai pas creusé : le ralentissement de la vitesse d'augmentation de la concentration atmosphérique depuis le début des année 2000. A-t-on les idées claires à ce sujet ?

De plus, la faible durée de vie du méthane permet la mise en place de plan d'action à court terme. Ce qui n'est pas le cas pour le CO2 (pour lequel il me semble d'ailleurs préférable de parler de durée de résidence dans l'atmosphère plutôt que de durée de vie)

Bien cordialement,
Pierre Mulin

[Réponse de l'auteur]
D'accord avec vous qu'il vaudrait mieux parler de durée de résidence dans l'atmosphère. J'ai utilisé "durée de vie" car c'est l'expression habituelle mais elle peut porter à confusion. En fait ni l'une ni l'autre ne sont vraiment correctes car les courbes de décroissance sont (d'après le GIEC) une exponentielle pour le méthane et la somme de trois exponentielles et d'une constante pour le CO2. Je n'ai pas de réponse sur le ralentissement de la vitesse d'augmentation de la concentration atmosphérique du méthane depuis le début des années 2000. L'une des difficultés est que les émissions de méthane sont très mal connues (c'est beaucoup plus facile pour le CO2 qui provient essentiellement de la combustion des combustibles fossiles). Bien cordialement bernard laponche


[Réponse de l'auteur]
D'accord avec vous qu'il vaudrait mieux parler de durée de résidence dans l'atmosphère. J'ai utilisé "durée de vie" car c'est l'expression habituelle mais elle peut porter à confusion. En fait ni l'une ni l'autre ne sont vraiment correctes car les courbes de décroissance sont (d'après le GIEC) une exponentielle pour le méthane et la somme de trois exponentielles et d'une constante pour le CO2. Je n'ai pas de réponse sur le ralentissement de la vitesse d'augmentation de la concentration atmosphérique du méthane depuis le début des années 2000. L'une des difficultés est que les émissions de méthane sont très mal connues (c'est beaucoup plus facile pour le CO2 qui provient essentiellement de la combustion des combustibles fossiles). Bien cordialement Bernard Laponche
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Commentaire par Bison
lundi 30 novembre 2009 05:37
Forçage radiatif CH4 :
http://www.uwsp.edu/geo/faculty/ritter/geog101/textbook/energy/radiative_forcing_agents_present_IPCC.jpg

Part du CH4-éructations :
http://www.agroparistech.fr/energiepositive/-Mesure-des-emissions-de-methane-.html... Afficher davantage

CH4 = 25% du forçage net
CH4-éructations = environ 4% du CH4 total
Bilan : éructations = 25% x 4% = 1% du réchauffement

Sachant que la terre s'est réchauffée en un siècle de 0,7°C, les éructations sont grosso modo responsables d'une hausse de 0,007°C en un siècle.

De plus, il y a toujours eu beaucoup de bovins dans l'histoire (bisons d'Amérique, bisons d'Europe etc.). Les bovins sauvages ont été remplacé par des bovins domestiques.
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