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 - Rédacteur en chef de l'Usine à GES

Doutes sur la séquestration du CO2


mercredi 23 mai 2012

Espoir des scientifiques et des industriels, le stockage géologique du gaz carbonique est victime de la crise financière et de déboires techniques. De gros doutes planent autour de cette solution miracle.


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Voilà vingt-six ans, deux chercheurs norvégiens imaginent une drôle de solutionsolution pour se débarrasser du CO2 des centrales thermiques : l'injecter dans des structures géologiques étanches.Erik Gøsta Bruno Lindeberg et Torleif Holt viennent d'inventer le concept de stockage géologique du carbone, l'une des premières armes à intégrer le râtelier climatique.

Pour la plupart des experts, l'idée des deux scientifiques de la Fondation norvégienne pour la recherche scientifique et industrielle (Sintef ) est proprement géniale. Plus besoin de transition énergétique : il suffit de capter le CO2 des effluents gazeux des centrales électriques, raffineries et autres usines sidérurgiques, et de le transporter avant de l'injecter dans le sous-sol.
(...)
En 2005, le Giec évalue l'intérêt de l'invention de Lindeberg et de Holt. Dans un rapport spécial, l'institution onusienne estime que 9 à 45 % des émissions industrielles de gaz carbonique peuvent être évitées grâce au captage-stockage de dioxyde de carbone (CSC). En Europe, la "Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l'horizon 2050" place le CSC au coeur de la stratégie climatique communautaire.

Un bilan touché par la crise

Réunis, mi-avril, dans la petite île vénitienne de San Servolo, les participants au réseau CO2Geonet ont fait le point sur leurs travaux. Mais aussi sur la situation. Laquelle est moins brillante qu'il n'y paraît.


Il y a quelques années, la Commission européenne espérait voir fonctionner une douzaine d'installations de taille industrielle vers 2015. Électriciens et équipementiers annonçaient une banalisation de la technologie à partir de 2020. Deux visions bien optimistes.


Dans les prochains mois, la Banque européenne d'investissement (BEI) dévoilera les projets de CSC, de taille industrielle, qu'elle soutiendra, grâce à la NER 300. Imaginé en 2009, ce dispositif a permis de confier 300 millions de quotas d'émission de GES à la BEI. En les cédant au meilleur prix, la banque européenne devait financer jusqu'à 50 % des coûts de construction et de fonctionnement d'installations de CSC. Sur la quinzaine de projets présélectionnés par la Banque, la Commission européenne n'en retiendra qu'une demi-douzaine. Voire moins.


Mi-2009, le quota européen flirtait avec les 15 euros. « À l'époque, la Commission et les experts de la BEI espéraient retirer jusqu'à 7 milliards de la vente des quotas. Aujourd'hui, la monétisation de ces quotas s'effectue à un prix oscillant entre 6 et 7 euros, et il faut plutôt tabler sur 2 milliards de recettes », résume un proche du dossier. De quoi financer une paire de projets, guère plus.  

D'où que vienne le financement (du contribuable ou du consommateur, voire des deux), industriels et scientifiques ont besoin d'argent pour aller de l'avant. Hélas, l'oseille se fait rare en cette période de crise.

Inquiétantes fractures

D'autant que des projets phares de recherches ne donnent pas d'aussi bons résultats qu'escomptés.
Lors du séminaire de San Servolo, Klaus Wallmann a soulevé quelque inquiétude.Le géologue de l'institut des sciences marines de Kiel (Allemagne) a annoncé avoir mis à jour, à proximité du puits d'injection de Sleipner B, une jeune fracture géologique d'une douzainde kilomètres de long. Même s'il ne se prononce pas définitivement, le spécialiste des hydrates n'exclut pas qu'elle ait pu être ouverte par les mouvements de la saumure, provoqués par l'injection du CO2 dans le sous-sol. L'hypothèse est d'autant plus plausible qu'un incident comparable s'est produit sur un puits de pétrole situé à 300 km de Sleipner. (...)


Dans l'Hexagone, c'est France Nord qui donne des signes de faiblesse. Conduit par GDF Suez et Total, ce programme visait à identifier un aquifère salin susceptible de séquestrer 200 millions de tonnes de gaz carbonique. Faute de résultat, il pourrait être arrêté d'ici la fin de l'année.

Lancé par ArcelorMittal, le projet de Florange n'est pas en meilleure posture. D'un coût supérieur à 500 millions d'euros, cette combinaison de captage-transport et stockage de CO2, de taille industrielle, n'a pas bouclé son budget. Pour le moment, seul le gouvernement français a réuni 150 millions d'euros. Reste à trouver le reste. Ce qui n'est pas gagné.


Le Royaume-Uni est l'un des derniers pays à ne pas abandonner la filière. Après un premier appel d'offres infructueux (tous les industriels s'étaient désistés), Londres promet une aide de 1 milliard de livres (1,2 milliard d'euros) aux compagnies d'électricité qui réaliseront une ou des centrales thermiques captant et envoyant leur CO2 au fond de la mer du Nord.
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