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 - Professeur honoraire au CNAM

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Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, Jacques Foos a tenu la chaire de "rayonnements, isotopes et applications", de 1983 à 2008, formant ainsi plusieurs centaines d'ingénieurs...

Pollution : et si la cause en était le lignite de l'Est européen ?


jeudi 23 avril 2015

La ministre de l'Environnement Ségolène Royal Royal a décidé de faire « analyser » l'influence des pays voisins dans les récentes pollutions en France. L'Allemagne notamment est un gros utilisateur de lignite.


Plusieurs fois cette année, en particulier en mars, notre pays a connu sur toute la moitié Nord et jusqu'en région parisienne, des pics de pollution importants.

On a voulu nous persuader que cela provenait des moteurs de nos voitures diesel et on a mis en place une circulation alternée qui a exaspéré les Franciliens et ralenti notre économie. De plus, notre industrie automobile a été montrée du doigt alors qu'elle a déjà bien du mal à subsister face aux constructeurs allemands. Or, curieusement, ces pollutions n'interviennent que lorsque le vent vient de l'Est ou du Nord-Est de l'Europe. Pas du tout quand le vent vient de l'Ouest. Alors que les mêmes voitures roulent !

Il faut chercher la raison ailleurs et pour trouver, il suffit de regarder une carte d'Europe de l'Ouest. Et si la pollution venait des rejets des centrales au lignite allemandes, en particulier celles proches de Cologne et de Düsseldorf, près de la frontière avec la France, une zone qui posséde 60% des réserves de lignite du pays ?

Selon le WWF, l'Allemagne compte quatre des cinq centrales thermiques à charbon les plus émettrices de CO2 , et donc d'autres polluants, de l'Union européenne. Si la centrale la plus polluante se trouve en Pologne, à Belchatow, les quatre suivantes sont situées sur le sol allemand : il s'agit des centrales du n°2 allemand de l'énergie RWE de Neurath et de Niederaussem (dans l'Ouest), suivies de celles du Suédois Vattenfall à Jänschwalde et Boxberg (dans l'Est).
 
Celle de Boxberg, par exemple, brûle chaque jour 63 000 tonnes de charbon et émet 1 000 tonnes de suie. Soit 23 millions de tonnes de combustible sur un an. L'extraction du lignite se fait sur une exploitation de 78 km2.

Dans la Ruhr, à Garzweiler (photo), le producteur d'électricité RWE agrandit pour les besoins de ses centrales une gigantesque mine de lignite, obligeant les habitants à déménager. La nouvelle mine contiguë à l'ancienne a une surface de 48 kilomètres carrés. 7 600 habitants et tout leur environnement doivent être déplacés. Le permis accordé à RWE prévoit l'extraction de 45 millions de tonnes de lignite par an pendant 30 ans.

Dangers pour la santé

Une étude a été commanditée par Greenpeace en avril 2013, sur la pollution des centrales à charbon, reprise par la revue allemande « Der Spiegel » . L'étude se base sur l'activité des 67 plus grosses centrales au charbon d'Allemagne en 2010, soit un an avant que le gouvernement annonce la sortie du nucléaire, en réaction à la catastrophe de Fukushima. Elle estime que cette année-là, 3 100 personnes sont décédées de façon prématurée à cause des émissions générées par les centrales au charbon, qui provoquent maladies respiratoires, cancers du poumon et infarctus du myocarde.
 
Pour remplacer les huit réacteurs nucléaires sur dix-sept fermés en 2011, les 140 centrales au charbon que compte l'Allemagne tournent à plein régime. Les chercheurs estiment donc qu'il faut désormais ajouter «2 155 décès prématurés par an» en tenant compte de cette évolution. Rien que dans la région de Berlin-Brandenbourg, chaque année, selon l'étude de Greenpeace, ces émissions seraient responsables de 640 décès prématurés.

Comme du temps de Tchernobyl, le nuage ne s'arrête pas à la frontière... Les conséquences sanitaires sont lourdes à l'échelle de l'Europe : d'après une autre étude citée par la même revue « Der Spiegel », la pollution liée à la combustion du charbon (lignite, houille) coûterait chaque année 43 milliards d'euros de dépenses de santé à l'Union européenne.

Pas d'évacuation ...

A l'occasion d'un seul pic de pollution dans la région parisienne, on nous a dit que cette pollution atmosphérique conduisait à une perte d'espérance de vie de 6 mois (situation revécue depuis, plusieurs fois, en mars 2015). On n'a pas évacué la population francilienne pour autant et la Presse ne s'en est pas émue outre-mesure.

À l'autre bout de la Planète, le gouvernement japonais, obéissant aux normes érigées par la CIPR (Commission Internationale de Protection contre les Radiations) a évacué 110 000 personnes autour de Fukushima dans des zones caractérisées par une radioactivité de l'ordre de 20 mSv/an, à la suite de la catastrophe. Or, pour atteindre la même perte d'espérance de vie acceptée par les Parisiens, il faudrait qu'une population fût soumise pendant 1 an à une dose d'irradiation 18 fois plus élevée que la limite de 20 mSv/an, référence des autorités japonaises.

Ainsi, il faut s'attendre, à chaque situation anticyclonique avec du vent de Nord-Est, à des pics de pollution au moins identiques à ceux que l'on connait depuis 2 ans. On pourra arrêter complètement la circulation automobile sur toute la moitié Nord de la France, ça ne changera pas grand chose.

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8 commentaire(s)
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Commentaire par Gépé
vendredi 24 avril 2015 08:25
Enfin un aspect mis en évidence. Mais il y a d'autres aspects à analyser, comme l'économique et le social liés à l'énergie.
[2]
Commentaire par papijo
vendredi 24 avril 2015 09:25
Entièrement d'accord avec cet article, sauf ... une chose que je ne peux pas supporter, ce sont ces fameux "décés prématurés" ! Ils sont où les cadavres ? S'il existent, il faut bien admettre alors, puisque la longévité s'accroit dans les pays avancés aussi bien que dans le tiers monde, qu'il y d'avantage de "décès retardés" que de "décès prématurés". Vouloir revenir au Moyen-Age n'est pas la garantie d'un avenir radieux, bien au contraire. Ce qu'il y a de bien avec l'ancien temps, c'est qu'il est terminé !
[3]
Commentaire par Gépé
samedi 25 avril 2015 08:31
Il faut imputer à l'énergie les décès prématurés; il faut reconnaitre par un pourboire les décès retardés.
[4]
Commentaire par Gépé
samedi 25 avril 2015 08:32
Dans les deux cas, cela correspond à une "taxe sur l'énergie".
[5]
Commentaire par Gépé
samedi 25 avril 2015 09:39
C'est ce que les économistes appellent "internalisation des couts externes".
[6]
Commentaire par papijo
dimanche 26 avril 2015 13:36
A l'attention de l'administrateur du site --- Que se passe-t-il ? Depuis de nombreux mois maintenant, il est pratiquement impossible de commenter les articles: pendant qu'on rédige, régulièrement tout s'efface ! Gépé a sa tactique: faire des commentaires de moins d'une ligne entre 2 effacements (et en faire plusieurs ...). J'ai la mienne: je rédige sur un logiciel de traitement de texte (Word ou autre) et je fais en quelques secondes un "Copié-Collé" de l'ensemble dans le formulaire. Quant aux autres, après quelques essais infructueux ... ils désertent le site. N'y a-t-il pas moyen de faire fonctionner ce site correctement ?
[7]
Commentaire par Redux
mardi 28 avril 2015 14:29
L'Allemagne a remplacé ses centrales nucléaires et ses centrales gaz par de l'efficacité énergétiques et les EnR. Si les centrales lignite survivent en Allemagne c'est uniquement parce qu'elles ont trouvé des marchés à l'export comme en France ou au Pays Bas. Le consommateur français pourrait refuser d'importer du courant provenant d'électricité au charbon mais est-ce qu'il est prêt à payer son électricité plus chère et risquer des blackouts en hiver faute de pouvoir compter sur le courant allemand ?
[8]
Commentaire par Hervé
mercredi 29 avril 2015 01:29
@ Redux : N'importe quoi. Les centrales au lignite sont des installations considérables qui doivent fonctionner tout l'année pour être rentable.(La production est du même type que le nucléaire). Aucun rapport avec le soutien du Mix Français quelques heures par an. Les allemands n'ont pas remplacé les centrale au gaz et au charbon ils ont juste remplacé 8 réacteurs par des ENR. Le reste pollue toujours autant.
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