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Auteur
Charlotte de Lorgeril est Associate Partner dans le secteur Energies, Utilities & Environnement au sein du cabinet Sia Partners.

Pétroles non conventionnels : coupes drastiques dans les investissements


mardi 02 juin 2015

Sables bitumineux, tight oil, pétrole de schiste : grandes et petites compagnies réduisent leurs programmes d'investissements. Même si la production continue de croître.


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Depuis quelques mois, les majors pétrolières annoncent des coupes drastiques dans leurs coûts et surtout dans leurs programmes d'investissements futurs, en moyenne de 10 à 15%.

Les cibles : les grands projets les plus complexes sont retardés ou annulés ainsi que les forages dans les schistes.  La chute des cours a donc poussé les majors à réduire leur budget d'exploration et à ne conserver que les permis les plus rentables.

Shell va ainsi réduire la voilure dans les sables bitumineux du Canada et a indiqué la suspension de son projet « Pierre River Mine », qui aurait dû produire 255 000 barils par jour en Alberta. Total suspend également plusieurs projets dans les gaz de schiste aux Etats-Unis (Utica), dans les schistes bitumineux du Canada (Joslyn) et repousse de quelques mois son projet d'exploration de gaz de schiste dans le nord-est du Danemark mais se défend toutefois d'abandonner le projet. Chevron va largement réduire ses actions sur les schistes aux Etats-Unis, va interrompre ses activités en Pologne, Ukraine, Lituanie et sa prospection en Roumanie.

Tout est question de rentabilité.

Le pétrole de schiste exploité principalement au Texas et dans le Dakota du Nord a un seuil de rentabilité moyen qui se situe autour de 60/65 dollars le baril et selon Woodmac, environ trois quarts de la production de « tight oil » est rentable à 70 dollars le baril. A terme, les coûts devraient s'ajuster mécaniquement à la baisse, ce qui est déjà le cas sur le forage. Ces trois quarts de la production de « tight oil » pourraient alors être rentable à 50 dollars par baril.

Cependant, à titre de comparaison, l'extraction d'un baril de brut saoudien coûte entre 5 et 10 dollars et en moyenne de 40 dollars dans les pays de l'OPEP.

En l'espace de trois mois, le nombre de forages pétroliers actifs sur le sol américain est passé de 1 609 à 1 366, son plus bas niveau depuis près d'un an et demi. Mais, ce sont ceux à faible production qui ont été fermés. Le business model de beaucoup d'indépendants repose sur un fort effet de levier, la défaillance des investisseurs limite l'accès au financement et, de fait, la croissance de la production. Leur solidité financière est très contrastée : au début du dernier trimestre 2014, Continental, EP Energy et LINN Energy avaient des taux d'endettement parmi les plus hauts atteignant plus de 110%. Une réduction de 10 à 15% des investissements est déjà mesurée pour les pétroliers indépendants les plus touchés.

Production toujours en hausse

La production continue pourtant à croitre significativement. En effet, même si les prix et les investissements baissent, la production se maintient. Les projets qui ne sont pas encore entrés en phase de construction peuvent être retardés. En revanche, ceux qui sont entrés en exploitation et qui ont été financés peuvent difficilement s'arrêter instantanément. Ces petites sociétés pétrolières ayant crû rapidement en se finançant par la dette sont contraintes de produire plus pour faire face aux remboursements.  

Une hausse des rendements de 10 à 20% a ainsi été mesurée. Début 2015, la production de pétrole a même atteint un record aux Etats-Unis de 9 millions de barils par jour, un niveau jamais atteint depuis trois ans. Le marché attend désormais une croissance de la production américaine entre 1 et 0,5 Mb/j en 2015, mais les incertitudes subsistent sur l'ampleur du ralentissement à moyen terme.

Les non-conventionnels restent incontournables et au centre des réflexions. D'après les dernières estimations de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), les Etats-Unis connaîtront la plus forte croissance de leur production pétrolière pour atteindre 5,2 Mbj en 2020. Pour le moment, les pétroles de schistes américains ne semblent donc pas menacés sur le court terme mais une concentration du secteur est incontournable.

En Europe, l'enjeu est de mieux estimer les réserves. Ainsi, la Commission européenne a lancé un groupe de travail sur le gaz non conventionnel. L'Union française des industries pétrolières (Ufip), quant à elle, a créé le Centre des hydrocarbures non conventionnels (CHNC) soutenu par une vingtaine d'entreprises.

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