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 - Professeur honoraire au CNAM

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Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, Jacques Foos a tenu la chaire de "rayonnements, isotopes et applications", de 1983 à 2008, formant ainsi plusieurs centaines d'ingénieurs...

Pr Jacques Foos : que faire des déchets radioactifs?


vendredi 21 mars 2008

Le Pr Foos, professeur au CNAM, fait le point sur le traitement et le stockage des déchets radioactifs, selon leur durée de vie et leur dangerosité.


default textA un moment où on s'aperçoit que l'énergie nucléaire ne peut que trouver une place de plus en plus importante dans la fourniture d'énergie de demain, le challenge reste la gestion des déchets qu'elle génère, sur une période qui reste compatible avec l'entendement humain, c'est-à-dire trois siècles tout au plus. L'Homme peut montrer qu'il sait gérer sur quelques siècles car il l'a déjà fait. Il ne peut pas dire qu'il va gérer ces déchets sur des millions d'années car il n'en a évidemment aucune expérience. N'oublions pas que l'histoire de l'humanité proprement dite débute il y a 40 000 ans seulement.

Un déchet radioactif est un matériau qui contient ou est contaminé par un ou des élément(s) radioactif(s) et pour lequel aucune utilisation ultérieure n'est prévue (ainsi des combustibles nucléaires usés ne sont pas des déchets puisqu'on peut en réutiliser 96 % après retraitement, dans des nouveaux combustibles: cette définition met fin à une querelle entre industriels et anti-nucléaires, ces derniers souhaitant que la notion de déchets s'étende aux combustibles usés, ce qui, économiquement et écologiquement était une ineptie !).

Il convient de plus de définir des niveaux d'activité car tout ce qui nous entoure est naturellement radioactif; tout être humain également. Cette radioactivité naturelle peut donc être définie comme le niveau « zéro ». Par ailleurs, la radioactivité est une propriété physique qui traduit l'instabilité de la matière et décroît donc avec le temps, plus ou moins vite.
Certains éléments perdent leur radioactivité en quelques secondes, d'autres après des millions d'années. L'unité de radioactivité est le becquerel (Bq) : un becquerel correspond à une désintégration par seconde d'un élément radioactif (qui se transforme alors en un autre élément stable ou moins stable). Les êtres vivants ont une radioactivité naturelle d'environ 100 à 150 Bq/kg, le lait 80 Bq/kg, l'eau de mer 13 Bq/kg par exemple, et ceci depuis la nuit des temps! Le classement des déchets radioactifs se fait donc selon leur niveau d'activité (très faible, faible, moyenne et haute) et leur durée de vie moyenne (courte: inférieure ou égale à 30 ans, longue: supérieure à cette valeur).

En France, la production annuelle de déchets industriels par habitant est de 2 500 kg dont 100 kg de déchets chimiques hautement toxiques et 1 kg de déchets radioactifs. Sur ces 1 000 grammes, seuls 5 sont des déchets de haute activité: 5 grammes par an et par habitant. Les déchets radioactifs ne représentent donc que 0,04 % des déchets industriels et les déchets hautement radioactifs ne représentent que 0,005 % des déchets hautement toxiques (ou 0,0002 % des déchets industriels).

Des solutions ont été trouvées (et sont utilisées) pour la gestion et le stockage des déchets de très faible activité (30 000 m3/an) ou de faible et moyenne activité à vie courte (17 000 m3/an) et une solution de stockage appropriée est sur le point d'aboutir pour ceux de faible activité à vie longue (250 m3/an). En revanche, l'avenir des déchets de moyenne et haute activité à vie longue (respectivement 600 m3/an et 100 m3/an) fait l'objet de recherches définies par la loi du 30 décembre 1991 selon plusieurs axes de recherche (stockage en formation géologique profonde; études de séparation et transmutation, ce qui permettrait de diminuer considérablement la durée de vie des éléments radioactifs, conditionnement et entreposage de longue durée en attendant une prise de décision sur la gestion de ces déchets).

La nouvelle Loi (2006-739 du 28 juin 2006) sur la gestion durable des matières et déchets radioactifs, transcrite dans le Code de l'Environnement, fixe un échéancier pour ces recherches.
Pour ce qui concerne les combustibles usés et les déchets radioactifs étrangers, la loi autorise leur introduction sur le territoire national à des fins de traitement et de recherche mais en interdit le stockage (ce qui est logique). Ceci met fin, là aussi, à une querelle avec les antinucléaires qui ne souhaitaient pas que la France retraite des combustibles étrangers (ceci aurait été préjudiciable pour notre économie dans la mesure où la France est pionnière dans ce domaine du retraitement).

La loi de 2006 met l'accent sur la réversibilité et sur une gestion plus courte de ces déchets. C'était d'ailleurs le souhait des citoyens exprimé lors des débats organisés par la Commission Nationale de Débat Public sur ce problème. La synthèse de ces débats dit: «La population a montré son incrédulité totale à l'égard des prévisions à long terme: personne ne peut savoir ce qui se passera dans 1 000 ans, dans 10 000 ans. Est apparue l'idée qu'aux échéances à une ou plusieurs décennies, il était sage d'ajouter des échéances à moyen terme: 100-150 ans ».

Cette considération semble très sage vis à vis de générations futures. On peut donc penser que les efforts de recherche pour la transmutation vont aboutir d'ici une génération et que le problème de nos déchets radioactifs sera ainsi résolu. Il n'en reste pas moins que, s'il convient de s'intéresser à cette catégorie de déchets, il serait tout aussi vital de ne pas négliger les autres déchets hautement toxiques, 2 500 fois plus importants en masse que les seuls déchets radioactifs. A quand un inventaire national de ces déchets hautement toxiques? A quand une Loi pour en fixer la gestion durable? Là aussi, c'est un héritage que nous laissons aujourd'hui à nos enfants.

photo d'illustration© Bertrand Benoit - Fotolia.com


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