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Par Editor


Feu vert prochain pour la liaison Lyon-Turin. François Lépine explique.


dimanche 13 janvier 2008

L’accent mis par Nicolas Sarkozy, dans son discours au Grenelle de l’environnement, sur la nécessité de développer le fret ferroviaire et fluvial pour réduire le transport par camions, a confirmé les espoirs de voir se réaliser la liaison Lyon-Turin, avec son tunnel sous les Alpes qui sera l’un des plus grands du monde.


default text« Ce seront 2 millions de camions qui ne traverseront plus la France du Nord au Sud en 2020 », a affirmé le président de la République. Comme le canal Seine-Nord ou le ferroutage Luxembourg-Perpignan, le Lyon-Turin Ferroviaire (LTF - www.ltf-sas.com/) est un des éléments de cette politique.

Pour la liaison Lyon-Turin, la France et l’Italie ont déposé une demande de financement pour 725 millions d’euros à l’Union Européenne. La réponse de la Commission est attendue avant la fin novembre. La priorité est reconnue par les autorités de Bruxelles et l’accent mis par Nicolas Sarkozy a été relevé à Bruxelles. Demeure un doute : au débouché italien, en raison de l’opposition de populations locales, une longue concertation a dû être reprise, et un nouveau tracé –avec un tunnel plus long côté italien- doit être annoncé, en décembre au mieux, plus probablement en mars ou avril. On indique à Bruxelles qu’il y aura une « décision cadre », avec un montant global, mais aussi certaines conditions pour le déblocage des crédits qui seront justement une incitation à conclure pour les Italiens. Côté français, la déclaration d’utilité publique doit tomber avant la fin de l’année.

Prévue à l’horizon 2022, la nouvelle liaison ferroviaire, mettra Lyon à 1h30 de Turin. Mais c’est sur les possibilités ouvertes pour le transport du fret et des camions entiers que les promoteurs du projet préfèrent insister. Alors que, sur le corridor Mont-Blanc/Fréjus, le rapport actuel est de 80% pour la route et de 20% pour le rail, la nouvelle liaison Lyon-Turin devrait faire baisser ce rapport à environ 50-50, même si le trafic continuera d’augmenter en valeur absolue.

Un million de poids lourds par an quitteraient la route pour le rail , réduisant de 15% les émissions de gaz à effet de serre (et de 360 tonnes par jour les polluants nocifs).

LTF s’inscrit d’ailleurs dans une politique de tous les pays de l’arc alpin. Les Suisses viennent de mettre en service le tunnel du Lötschberg (36 km) et prévoient, à l’horizon 2016, le plus grand tunnel ferroviaire du monde, avec 57 km creusés sous le Saint-Gothard. Entre l’Italie et l’Autriche, le tunnel du Brenner (56 km) devrait être réalisé à l’horizon 2020.

A l’occasion de l’ouverture d’une exposition à Paris sur les tunnels alpins, François Lépine, Président de LTF, a expliqué à Newsteam la logique du projet.

M. François Lépine, vous êtes le co-président de la société franco-italienne Lyon-Turin Ferroviaire, formée pour étudier et préparer financièrement et techniquement la future liaison. Pourquoi construire ce nouveau passage franco-italien, qui se superpose au passage Fréjus/Mont-Cenis, à mi-chemin entre le tunnel du Mont-Blanc au nord, et Vintimille au sud ?

La ligne entre la France et l'Italie existe depuis Cavour, avec le tunnel ferroviaire du Mont Cenis commencé en 1867 et terminé en 1871. C'est une ligne efficace, mais plutôt archaïque. La décision des gouvernements français et italien a été de spécialiser ce passage sur le transport des marchandises. Il y a actuellement 9.500 poids lourds par jour sur les passages franco-italiens, du Mont -Blanc à Vintimille, soit 1.800.000 véhicules par an. Si rien n'est fait , ce chiffre passera à 2 millions, deux millions et demi, ce qui est difficilement acceptable tant pour la sécurité que pour l'engorgement des vallées alpines, voire de la vallée du Rhône.

La liaison Lyon-Turin va permettre de charger des camions sur des wagons et leur faire passer la montagne. Une ligne de ce type existe déjà, par le tunnel du Mont-Cenis entre Aiton et Orbassano. On appelle cela une "autoroute ferroviaire". En quoi la nouvelle ligne va-t-elle "booster" l'ancienne ?

La liaison existante est une liaison expérimentale. Sur le plan technique, avec des wagons Modalohr à plateforme pivotante et un chargement des camions différent de ce qui est connu sous le tunnel sous la Manche. Expérimentale aussi car elle n'est pas cadencée, c'est à dire sans navettes fréquentes, toutes les demi-heures ou toutes les 40 minutes, comme devrait l'être une autoroute ferroviaire. Cette liaison du Mont-Cenis emprunte aussi les caractéristiques du tunnel existant, qui est un tunnel de faîte, là où la montagne est moins épaisse, avec 700 m de dénivelé de part et d'autre. Les locomotives doivent donc être multipliées - trois machines, une qui tire et deux qui poussent - ce qui est assez compliqué. La capacité de ce type de liaison avec ce type de tunnel ne pourra jamais excéder les 200-220 trains par jours. Avec le tunnel ferroviaire nouveau, la capacité montera à 3-400 trains par jour.
Cela permettra un rééquilibrage rail-route. Aujourd'hui, les échanges sont déséquilibrés. Entre la France et l'Italie, 80% se fait par la route, 20% par le rail. La volonté de la France de l'Italie est d'aboutir à un transfert modal permettant d'aller vers un rapport 50-50 dans les années 2020-2030, soit une capacité de 40 millions de tonnes, contre 7 millions de tonnes à l'heure actuelle.

Moins de poids lourds, donc moins d'émissions de CO2 et de fumées polluantes ?

Oui. Les experts considèrent qu'un million de poids lourds prélevés sur la route, c'est 360 tonnes de CO2 qui ne vont pas dans l'atmosphère. Le fait que ce soit l'énergie électrique qui fasse mouvoir les trains n'est pas négligeable non plus en amont pour ce qui est de l'utilisation des énergies fossiles.

La sécurité, après les dramatiques accidents du Mont-Blanc et du Mont-Cenis, sera-t-elle améliorée ?

Le projet est axé, comme ceux du Lötschberg et du Saint Gothard en Suisse ou du Brenner entre l'Italie et l'Autriche, sur le principe de deux tubes, un par sens, qui peuvent communiquer bien sûr mais qui assurent donc une unicité de parcours. Et tout le monde considère que les accidents ferroviaires sont infiniment moins probables que les accidents routiers.

Le chantier provoque lui-même des nuisances. On a trouvé des roches amiantées. Et les déblais sont considérables.

L'amiante existe, moins qu'on ne l'a dit. La législation est très claire. La législation est draconienne pour que les ouvriers ne soient pas atteints. Et les roches amiantées doivent être stockées dans des dépôts spéciaux, confinés en quelque sorte. Cette question-là fait moins débat aujourd'hui.
Les déblais sont la principale pollution des chantiers, si je puis dire. Ils représentent l'équivalent d'une douzaine de pyramides de Kheops. Dans l'enquête publique, nous avons montré les sites où seront déposés les déblais. Il n'y a pas d'objection, hormis sur un site. En outre, 40% de ces déblais sont réutilisés immédiatement pour fabriquer du béton, le reste étant déposé dans les sites et carrières, acheminés par des moyens non polluants.

Les coûts peuvent-il remettre en cause la décision de finir le projet ou de modifier le calendrier ?

C'est un projet coûteux : 7,5 milliards d'euros, valeur 2006, essentiellement avec des fonds d'origine publique, Europe ou Etats. Le financement privé ne va permettre d'amortir que 15% au maximum. Mais les gouvernements français et italiens -qui ont été de gauche et de droite dans chaque pays- ont manifesté à chaque fois leur volonté. Je ne vois pas de raison majeure pour laquelle le calendrier serait fondamentalement remis en cause.

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