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Par Editor


Chronique « Sciences » : Joël de Rosnay explique les nano-technologies


dimanche 13 janvier 2008

Biologiste de formation, docteur es-sciences qui travailla au MIT et à l’Institut Pasteur, conseiller du président de la Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette, à Paris, Joël de Rosnay est devenu un grand vulgarisateur et un spécialiste de la prospective et de la futurologie.


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Joël de Rosnay a récemment publié « 2020, les scénarios du futur », un livre « multimédia », consultable sur le support papier et sur le web, avec liens et infographies (www.scenarios2020.com). Joël de Rosnay s’est beaucoup intéressé à l’internet interactif – notamment dans son livre « la révolte du pronétariat, des mass media aux media des masses » - et il a fondé avec Carlo Revelli le célèbre site d’expression « citoyenne » Agoravox.
Il répond ici aux questions de l’Agence Newsteam sur les nano-technologies.
Joël de Rosnay, comment définir simplement les nano-sciences, les nano-technologies ?
C’est le monde de l’infiniment petit, et c’est la capacité de l’Homme à reconstruire ce monde de l’infiniment petit.
Il faut raisonner par analogie. Quand on a devant soi un « meccano » ou un « lego », on peut fabriquer des choses très compliquées. Les pièces sont les molécules. Certes , avec les molécules, on faisait la chimie. On les associait au hasard en les agitant dans un ballon ou en chauffant.
Avec les nano-technologies, on assemble ces molécules de manière volontaire. On les met les unes sur les autres pour fabriquer des membranes actives, des nano-puces, des produits médicamentaux, des substances qui peuvent se diffuser dans le corps, etc…
Dans l’infiniment petit, il y a le monde du milli, du micro, du nano. Je vais donner une échelle : avec une taille d’1m80, si je suis grandi un million de fois, je vais mesurer 1.800 km, donc la tête à Paris, les pieds en Grèce. Cela fait quelqu’un de très grand allongé sur l’Europe. Eh bien, dans cette échelle, un nanomètre aurait la taille d’un grain de raisin.
Et l’on a commencé à fabriquer des produits dans ce monde de l’infiniment petit ?
Il y a 350 produit nano-technologiques sur les marchés. On ne les voit généralement pas : ils sont par exemple dans l’industrie de l’automobile, dans les pneus qui sont ainsi rendus plus silencieux, dans les surfaces plus résistantes. Des nano-particules sont dans des produits cosmétiques, comme des crèmes solaires, d’ailleurs critiqués. Il y en a de très intéressants, ce sont les nano-tubes de carbone, qu’on utilisera de plus en plus dans les écrans de télévision ou pour stocker l’hydrogène dans les voitures de l’avenir.
Il y a même une application récente extraordinaire et dont la presse a peu parlé : ce sont des nouvelles batteries qui utilisent des nano-fibres de carbone pour stocker l’électricité. En gros, il s’agit de condensateurs. Mais, pour un condensateur normal, il faut beaucoup de surface, et il est difficile de mettre un énorme condensateur dans une voiture ou un téléphone portable. Si vous voulez vous sécher avec un drap, cela ne sera pas très efficace, mais une serviette éponge est faite de petits morceaux de tissu, et chacun prend une goutte d’eau. C’est pareil pour le nouveau condensateur : les nano-particules captent un peu d’électricité chacune et on charge sa batterie en quelques secondes. Ce sera une vraie révolution.
La nano-science a aussi des applications en médecine … Les bio-puces par exemple. Ce sont de toutes petites surfaces en plastique sur lesquelles on fait pousser des chaînes d’ADN qui peuvent reconnaître d’autres morceaux d’ADN et s’y fixer. Grâce à des étiquettes fluorescentes, on sait ce qui s’est fixé a tel endroit et on peut faire des diagnostics de virus dangereux ou de bactéries dans l’eau.
Il y a aussi les pilules intelligentes, mises sous la peau au lieu d’être avalées, et qui libèrent tous les jours la substance active au bon endroit et au bon moment, à partir d’informations reçues d’un capteur quelque part dans le corps.
Les nano-sciences sont très critiquées. Présentent-elles des risques ?
Nous avons cette démarche à la Cité des Sciences : on montre la technologie et on discute toujours son impact sur l’Homme et sur la société. Nous mettons en débat la science. Nous présentons les produits et les risques.
Pour les nano-sciences, le premier risque c’est que ces particules sont tellement petites que leur surface d’interaction avec le monde vivant ou le monde chimique extérieur est immense –on l’a vu à propos des nouvelles batteries. Donc il y a un risque de propriétés nouvelles naissant de l’extraordinaire surface de ces particules.
Ensuite, elles peuvent être absorbées, respirées, comme l’amiante. On sait que les nano-tubes de carbone ont créé des risques pulmonaires chez les animaux de laboratoire testés.
On ne sait pas trop où l’on va, d’où l’importance d’une réflexion approfondie.
Certains mettent en avant des problèmes d’éthique. Certains conçoivent même des transformations de l’être humain, des « trans-humains » en quelque sorte. Qu’en pensez-vous ?
La communauté scientifique sérieuse est très critique des « trans-humanistes ». On les connaît, on sait d’où ils viennent, ce qu’ils racontent. C’est une vision « nitzschéenne »
d’un surhomme équipé de puces électroniques, avec une peau artificielle, etc… On peut faire de la science fiction, mais de là à rajouter une vision fabriquant des hommes différents des autres hommes - des alpha, des mega, des omega à la façon d’Aldous Huxley - créant des « sous-hommes » puisqu’on crée des « sur-hommes » ! Il faut éviter ce genre de dérive.
Y a-t-il une régulation possible ?
Personne ne régule la recherche en général. Ce qui régule, ce sont les budgets (est-ce assez ou pas assez), ce sont les gens compétents (y en a-t-il assez, pas assez ?), donc la masse critique d’intelligence. Et il y a les régulations gouvernementales par les grands axes qui sont données.
La régulation doit se faire par deux moyens :
- la régulation par le marché, qui est ouvert, libre et
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