Par Pierre Mulin
- Co-fondateur de la société Objectif Carbone
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Co-fondateur de la société Objectif Carbone, Pierre Mulin se consacre depuis début 2007 aux missions destinées à lutter contre le changement climatique. Maitrise de l'énergie, Bilan carbone,...
Electricité, chauffage, CO2 : la vérité des chiffres
Par Pierre Mulin
- Co-fondateur de la société Objectif Carbone
jeudi 19 novembre 2009
Le papier de Remy Prud’homme (les calculs bidons de l’ADEME) n’a pas laissé indifférent, notamment les anti-nucléaires. Continuons d’examiner la question au fond. Pas toujours simple, mais cela vaut le coup
Chercher à identifier une corrélation entre les usages (dont le chauffage électrique) et les moyens de production peut donc permettre de mieux cerner les enjeux.
C’est cependant un exercice délicat et dont les résultats doivent être manipulés avec précaution.
- En particulier parce que les chiffres que l’on pourra considérer comme valides pour la situation étudiée ne le seront pas pour les nouveaux entrants
- Egalement car ces résultats dépendent de nombreux facteurs fluctuant, dont en particulier la température extérieure
Sans vouloir reprendre le détail de l’étude de l’ADEME sur le sujet, quelques éléments simples pour se faire une idée de l’éventuelle corrélation existant aujourd’hui entre le chauffage électrique et les moyens de production utilisés.
Pour cela, regardons les données fournies par RTE, en faisant l’hypothèse que les gens ne se chauffe pas uniquement pendant les heures de pointes, mais pendant toute la journée.
L’électricité mise à disposition par RTE tout au long de l’année et tous modes de production confondus est :
Si l’on en extrait l’électricité provenant des centrales thermiques à flammes, on obtient :
En France, la période de chauffage dure à peu près 7 mois d’octobre à fin avril. C’est également au cours de ces 7 mois que les centrales thermiques à flammes sont les plus sollicitées.
Il y a donc une certaine logique à vouloir attribuer une partie de la production de ces centrales thermiques au chauffage électrique.
En considérant que les pics de juin et juillet sont dus à l’usage de la climatisation, on peut attribuer aux alentours de 1 500 000 MWh par mois aux usages spécifiques de l’électricité en hivers. Soit principalement au chauffage et à l’éclairage, sachant que l’éclairage intérieur pendant la période de chauffe contribue également au chauffage.
Retenons 80% de ces 1 500 000 MWh par mois. Cela fait donc 1 200 000 MWh sur 7 mois, soit 8 400 000 MWh pour l’année 2008, ou encore 8,4 TWh.
L’énergie consommée par les installations de chauffage électrique n’est pas mesurable directement. C’est donc à partir d’estimation que l’on doit travailler. Le chiffre le plus souvent cité est 50 TWh / an.
Avec ces hypothèses de calcul, 17% (8,4 divisé par 50) de l’électricité consommée par le chauffage électrique est produite par du thermique à flamme.
Pour en estimer l’impact sur le contenu en Gaz à Effet de Serre nous allons donc considérer qu’une unité d’énergie de chauffage électrique (1 kWh) vient pour 17% d’une centrale thermique à flamme et pour 83% d’une centrale nucléaire.
On néglige au passage l’impact de l’hydraulique de pompage et des échanges transfrontaliers, qui ont en réalité un impact positif sur le résultat final en se substituant à une partie du nucléaire.
Pour faire ce calcul, nous allons utiliser les données citées dans le rapport annuel d’EDF (principal fournisseur d’électricité en France) :
Hors impact de l’hydraulique de pompage et échanges transfrontaliers, et sur la base de centrale charbon de 600 MW, le contenu CO2 du kWh de chauffage électrique est :
17% x 1 010 + 83% x 4 = 175 g.éq.CO2/kWh
En faisant varier les hypothèses de départ, on obtient des résultats plus faibles ou plus élevés, sachant que la situation réelle est de toute façon plus complexe que cette approche.
Il est également important d’indiquer que l’ADEME, consciente de la situation, précise dans son guide des facteurs d’émissions que le contenu CO2 du chauffage électrique est estimé à 180 g.éq.CO2/kWh mais peut varier de 129 à 261 g.éq.CO2/kWh.
En tout état de cause, ce n’est pas le chauffage électrique qui est en cause, mais l’électricité utilisée pour l’alimenter. Pour ce qui est du développement des moyens de chauffage dans les futurs logements, c’est un vaste sujet qui peut cependant se résumer assez simplement : isoler pour s’affranchir des besoins de chauffage, hors vague de froid exceptionnelle !
On s'étonnera tout de même de lire "ce n’est pas le chauffage électrique qui est en cause, mais l’électricité utilisée pour l’alimenter". En effet, c'est bien parce que des millions de chauffages électriques ont été installés qu'il "faut" ensuite les alimenter !
La faute revient bien au chauffage électrique (qui est carrément INTERDIT dans certains pays) et surtout aux irresponsables qui, pour "justifier" le nucléaire, développement le chauffage électrique depuis des décennies... et aujourd'hui encore. Que fait la police ???
[Réponse de l'auteur]
Disons que si l'on disposait d'électricité gratuite sans déchet, sans émission, sans rejet, ... il n'y aurait aucun intérêt à bruler des combustibles extraits du sous-sol pour se chauffer. D'où ma distinction entre chauffage électrique et origine de l'électricité.
Il faut donc impérativement les prendre en compte dans le calcul.
(Une part non négligeable de l'hydraulique en période de pointe est en fait du thermique à flamme...)
[Réponse de l'auteur]
L'objectif de l'article était de se faire une idée rapide de l'ordre de grandeur du contenu CO2 du Kwh électrique utilisé pour le chauffage. La prise en compte du pompage permet effectivement d'affiner. On peut partir sur 4 TWh par an (dont une grande partie vient du seul site de grand'maison). On peut également faire l'hypothèse qu'ils sont totalement destinés au chauffage et se substituent à du kWh nucléaire. C'est donc 8% du facteur d'émission (4 TWh / 50 TWh) qu'il faut augmenter de 119 g.éq.CO2 / kWh (123 - 4), soit 9,5 q.éq.CO2. On obtient donc 184,5 g.éq.CO2/kWh au lieu de 175 g.éq.CO2/kWh. Note : le facteur d'émission communiqué par EDF pour l'hydraulique de pompage (123 g.éq.CO2/kWh) montre qu'il n'y a en fait qu'environ 10% de thermique et que c'est principalement de l'électricité nucléaire qui sert au turbinage.