Participez aux débats sur l'énergie de demain
 - Société d'analyse financière Alphavalue

Auteur
Alexandre Andlauer est expert à la société d'analyse financière Alphavalue.

Vers un pétrole à 50 dollars en 2015 ?


vendredi 05 octobre 2012

Et si la révolution des gaz de schiste allait par un effet domino faire baisser le prix du pétrole, jusqu’à la moitié de son niveau actuel, et cela d’ici les trois prochaines années ? C’est l’analyse à contre-courant du bureau de recherche Alphavalue.


Trois questions à Alexandre Andlauer, un des trois auteurs de l'étude d'Alphavalue 

Quel est l'effet domino qui peut provoquer un mouvement aussi spectaculaire que celui que vous décrivez ?

Tout part du choc technologique enregistré dans l'exploitation des gaz de schiste aux Etats-Unis, qui est un phénomène très puissant. Il a permis d'extraire un gaz à très bas coût (baisse de 85% des couts en 15 ans, et cela devrait se poursuivre). La production des gaz de schiste contribue aujourd'hui pour 25% à la production de gaz naturel aux USA, alors qu'elle était quasi-nulle il a quelques années.

Principalement utilisé pour la génération d'électricité (92%), les cours du charbon ont fortement chuté du fait de la concurrence du gaz à prix très compétitif aux Etats Unis (sous les 4-5$/mmbtu, l'unité utilisé en matière de gaz). En avril 2012, et ce pour la première fois, le gaz a contribué autant que le charbon à la génération d'électricité aux USA, à hauteur de 32% alors que le charbon contribuait historiquement autour des 50%. C'est ce point majeur qui a déclenché notre réflexion.

Contrairement au gaz, le charbon se transporte très facilement à très bas coût avec des capacités disponibles abondantes. Ses exportations ont augmenté de 24% au premier semestre 2012. Près de 50% des exportations américaines de charbon vont vers l'Europe, un quart vers l'Asie, un quart vers le reste du monde.

Quand le charbon arrive en Europe, il y a un phénomène inverse. Le charbon devient plus compétitif avec le gaz, dont les livraisons sont depuis les années 70 régies par des contrats de long terme indexés sur le pétrole. Selon nous, ces contrats ne sont plus tenables et on voit bien comment plusieurs clients européens de Gazprom ( E.ON et GDF-Suez notamment) ont obtenu des rabais de leur fournisseur et comment la Commission européenne a engagé des enquêtes pour tarifs injustifiés du gaz russe.

Donc ce phénomène du gaz de schiste va être le catalyseur de la baisse des prix du gaz grâce à a courroie de transmission charbon et de la cassure des contrats indexés sur le pétrole. Le prix du baril va baisser car le pétrole est en concurrence à moyen terme avec le gaz dans l'industrie européenne, qui utilise 22% de pétrole et 30% de gaz. Il est donc impensable que le différentiel entre gaz et pétrole se maintienne à son niveau actuel. Notre étude conclut à une possibilité d'un baril à 50 dollars en 2015. Mais l'idée est principalement la baisse des énergies fossiles en générale.

Pourquoi l'Agence internationale de l'énergie prévoit-elle au contraire une hausse du baril qui ferait monter son prix de 100 à 118 dollars en 2015 ? Et si votre analyse est juste, quels vont être les effets sur les énergies renouvelables et le nucléaire ?

C'est un phénomène très récent. L'effondrement du charbon dans la génération d'électricité aux Etats-Unis date d'avril, la redéfinition des contrats à long terme de gaz entre l'Europe et ses fournisseurs datent de l'été, l'enquête de la Commission européenne date de septembre. Il y a des mouvements structurels qui bouleversent un système en place depuis 40 ans. La réflexion sur les scénarios à venir doit donc être reprise.

Quant aux effets sur les autres types d'énergie, notre étude ne les a pas étudiés spécifiquement, mais cela ne peut que freiner le développement des renouvelables . Cela se voit déjà aux Etats-Unis. Idem pour le nucléaire.

La révolution des gaz de schiste va-t-elle s'étendre en Europe et ailleurs dans le monde ?

Il peut y avoir une barrière environnementale un peu plus forte en Europe mais on y arrivera. Je ne sais pas si ce sera dans 2, 5 oiu10 ans, mais cela a trop de sens d'un point de vue économique pour ne pas se produire.
Ca pousse d'ailleurs partout. En Afrique du sud, on a levé les interdictions. La Chine devrait produire des gaz de schiste d'ici 3 ans malgré les efforts majeurs qu'il reste à faire dans les infrastructures. La Pologne a marqué clairement sa volonté.

Réagissez à cet article
 (7) 
Nom *
Email *
Votre commentaire * (limités à 1500 caractères)
7 commentaire(s)
[1]
Commentaire par george
vendredi 05 octobre 2012 23:08
Et ta soeur , elle bat le beurre à 90 km/h sur ton motocycleur menteur
[2]
Commentaire par Olivier
vendredi 05 octobre 2012 23:44
Analyse intéressante et pertinente. Très bon résumé de la situation. Le gaz de schiste, par effet de domino, change complètement l'équation énergétique mondiale.
[3]
Commentaire par Samuel
samedi 06 octobre 2012 11:03
L'analyse est certes très intéressante et pertinente du simple point de vue économique et énergétique sur un simple rapport ?/tep. Cependant, il ne faut pas oublier de pondérer chaque énergie citée par son indice de risque pour le changement climatique. Sinon cela revient à baisser le prix de toutes les énergies fossiles pour en brûler davantage et d'aggraver le choc climatique auxquels nous devrons faire face. En ajoutant un prix au carbone dégagé par chaque énergie on obtient un ratio ?/tep/Co2 selon lequel les renouvelables et le nucléaire restent des alternatives à considérer.
[4]
Commentaire par isa_jouarre
samedi 06 octobre 2012 13:58
N'oubliez pas qu'aujourd'hui aux USA le gaz issu des puits non conventionnels (autrement dit le gaz de schiste) est vendu à PERTE. Son prix de vente est plus bas que son prix de revient. On peut lire cette information dans les bilans d'entreprise comme BP, Exxon, etc. En effet, les américains étant propriétaires du sous-sol, une véritable frénésie s'est emparée de propriétaires terriens (petits et grands). Les puits produisent du gaz, ça ne se stocke pas (ou peu), il faut le vendre. Il vaut mieux pour ces exploitants parfois non professionnels vendre à perte que ne pas vendre. Voilà comment s'explique la chute vertigineuse du prix du gaz aux USA. En France, le prix du gaz est indexé sur le prix du pétrole. Prix du pétrole qui est fixé par l'OPEP.
[5]
Commentaire par Roberton
dimanche 07 octobre 2012 21:35
Ah!!! les économistes, comme il ne savent pas que les utilisations des énergies fossiles sont différentes, ils ne savent raisonner que sur le prix du MWh, il faudrait leur expliquer que nos transports ne marchent pas au charbon ni au gaz, que depuis 2006 le pétrole conventionnel peu cher à passé son pic de production et diminue de 4% an et que pour ne pas manquer de carburant on doit utiliser l´offshore profond, les sables bitumineux, liquides de gaz etc.. Or ce pétrole coute de 70 à 80 US$ à explorer, c´est donc celui-ci qui dicte aujourd?hui le prix final de US$100 ±10. Le retour à 50$ ne pourrait que signifier une profonde récession avec une très forte diminution du PIB mondial
[6]
Commentaire par Alex
jeudi 15 janvier 2015 16:24
Le mec avait finalement raison :) Bravo !
[7]
Commentaire par Zemmama
mardi 20 janvier 2015 17:50
Très bonne analyse, félicitations j'espère que vous en avez fait profiter à votre entourage ;)
PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !
Auteur
Alexandre Andlauer est expert à la société d'analyse financière Alphavalue.

Lire la suite