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 - Ingénieur et démographe

Auteur
Ingénieur des mines, démographe, Dominique Bidou a été directeur de la Qualité de la Vie au Ministère de l'environnement. Il est président d'honneur de l'Association HQE (Haute qualité environnementale)...

L'énergie ne manque pas ...


mardi 18 août 2009

Le soleil des déserts, la houle de la mer, le vent : contrairement à une idée reçue, il y a de l'énergie en abondance sur la planète. Mais il faut la capter, la transporter et la stocker aux bons endroits. Et là, la géopolitique intervient.


Nous nous inquiétons pour l’énergie, nous avons peur de manquer. Et pourtant la planète en reçoit largement plus que nous n’en avons besoin : il ne faut que 6 heures pour que les déserts accumulent toute l’énergie que nous consommons chaque année sur la Terre. Il y a autant d’énergie que l’on veut, et sous des formes variées. L’énergie reçue par les déserts a provoqué l’émergence du projet Dersertec, présenté sur ce blog le 9 juin dernier par Abdoulkarim Ahmoud, et qui a provoqué quelques débats. Un petit carré de désert pour fournir l’énergie au monde entier, ça fait rêver.

Il y a aussi le vent, avec des super réseaux d’éoliennes au large, off shore ou même far shore comme on dit maintenant, dont on dit qu’elles pourront fournir toute l’électricité nécessaire à la moitié Ouest des Etats Unis, pour celui étudié au large des côtes de la Nouvelle Angleterre à la Pennsylvanie. Un opérateur irlandais, Meanstream, propose pour l’Europe deux immenses réseaux de ce type, Supergrid, l’un de l’Irlande au Danemark et à la Norvège, le second en Méditerranée, entre la France et l’Italie, en s’appuyant sur la Corse et la Sardaigne. Ces projets semblent un peu fous, mais d’ores et déjà la Suède envisage de créer un parc de 1 101 éoliennes sur 450 hectares, pour produire 10 TWh par an en 2015. Ce sont des investissements gigantesques, 400 milliards d’euros pour Desertec, 900 pour le projet Supergrid. Des projets analogues voient aussi le jour en Asie, où le gigantisme n’est pas un obstacle en soi…

Les énergies de la mer font depuis quelques années l’objet de recherches actives. Houle, clapot et marées, différences de température entre le fond et la surface, courants, algues et biomasse : les réserves sont là aussi immenses, et l’intense activité qui règne dans ces domaines laisse présager des résultats rapides.

L’énergie ainsi captée ne serait en plus qu’une petite part de toute celle que le soleil nous prodigue chaque jour, qui provoque la photosynthèse, phénomène extraordinaire dont nous bénéficions sans même y penser, et qu’il faudrait intégrer dans les calculs, en plus des capteurs locaux d’énergie, solaires, éoliennes, hydraulique.

L’énergie ne manque pas, contrairement à une idée bien ancrée. Henri Prévot a pu écrire un ouvrage intitulé Trop de pétrole ! (1) La ressource existe, et en abondance. Mais il faut aller la chercher, et la mettre à disposition au bon endroit, et au bon moment. Captage, transport, stockage, tels sont les vrais problèmes côté approvisionnement. Nous nous sommes développés sur une famille d’énergies carbonées fortement concentrées, faciles à transporter et à stocker, et qu’il suffisait de prélever dans le sous-sol, parfois même à la surface, avec un traitement léger. Le facteur limitant vient d’un autre côté : celui des rejets. Ces énergies carbonées dégagent du carbone, et contribuent au réchauffement climatique. Il faut impérativement leur substituer de nouvelles sources sans carbone, et nous avons vu qu’elles étaient très abondantes.

Reste la géopolitique. Elle pèse lourd pour les énergies carbonées et le nucléaire. Les pays producteurs de gaz, de pétrole ou d’uranium font payer, chacun à leur manière, la richesse dont ils disposent. Et en plus le soleil n’est pas impartial, il favorise des pays dont beaucoup ont bénéficié du pétrole. Une réponse est déjà de multiplier les réseaux de transport. La bataille des gazoducs entre la Russie et l’Europe en donne une illustration intéressante. L’Europe envisage un super réseau pour les énergies renouvelables, avec des maillages permettant de faire face à toutes les situations. Une autre manière de favoriser les échanges et de régler du même coup la question du stockage est l’hydrogène. L’énergie décarbonée, abondante encore une fois, est transformée en hydrogène. Elle peut alors attendre et être transportée par des tuyaux, des bateaux, des trains, etc. là où on en a besoin. Le calcul est à faire, pour trouver la meilleure solution compte tenu des rendements de cette transformation. A chaque situation sa réponse la plus appropriée, avec des doublons pour assurer la sécurité.

Bien sûr, il est nécessaire de sécuriser et de développer les possibilités d’échange, mais n’oublions pas que cette production massive n’est pas une obligation pour de nombreux usages, où une production modeste mais décentralisée, proche des lieux de consommation, sera beaucoup plus efficace, sans parler des économies, la recherche du meilleur rendement pour le moindre kWh utilisé. Il ne faudrait pas que toutes les finances disponibles se concentrent sur les gros projets, laissant les petits à leur sort, et assurant ainsi une réelle domination des grands groupes. Il y a là un enjeu de société majeur à ne pas négliger.



[1] Henri Prévot, Trop de pétrole ! : Energie fossile et réchauffement climatique, Seuil, janvier 2007

1 commentaire(s)
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Commentaire par Olivier - ObjectifTerre
jeudi 20 août 2009 17:47
Bonjour Dominique,

Merci pour cet intéressant article.

A propos des centrales thermosolaires dans le désert, il convient à mon sens d'intégrer :
- leur impact au niveau eau douce
http://www.electron-economy.org/article-34842176.html
- leur impact albedo
http://www.electron-economy.org/article-34687967.html

Il existe plusieurs technologies thermosolaires, différentes technologies de refroidissement, et elles n'ont pas toutes le même bilan environnemental. Malheureusement, celles qui sont les plus respectueuses coûtent plus cher, et dans le cadre d'un course aux profits dans les limites des subventions des états, elles ne sont pas utilisées. On en a l'illustration dans le sud-ouest des USA et dans le sud de l'Espagne.

Olivier
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