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Diplômé de l'Institut d'études politiques de Lille, de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales et du Celsa-Paris, Gery Lecerf est responsable des affaires publiques dans une société du secteur de...

Gery Lecerf : l'énergie est à la racine même du projet européen


mercredi 21 janvier 2009

Diplômé de l’Institut d’études politiques de Lille, travaillant dans une institution énergétique française, Gery Lecerf rappelle dans cette chronique que l'énergie est à la racine même du projet européen.


L’énergie est à la racine même du projet européen. Dès 1952, la création de la CECA repose notamment sur la mise en commun d’une production qui constitue le pivot énergétique clef de l’époque, à savoir le charbon. De même, en 1957, la signature du traité de Rome se double de celle du traité Euratom portant sur le développement du nucléaire civil à des fins de sécurité d’approvisionnement en énergie.

Mais dans ce petit historique, on oublie trop souvent qu’au mois de juin 1955, les ministres des affaires étrangères des six pays fondateurs de la CECA se sont réunis à Messine. Dans leur déclaration commune, ils ont esquissé les grandes lignes d’une politique européenne où l’énergie occupe une place essentielle. Outre l’établissement d’un « réseau européen de lignes électrifiées » et le « développement des échanges de gaz et de courant électrique », la déclaration de Messine affirmait la volonté de «coordonner les perspectives communes de développement de la production et de la consommation d’énergie pour dresser les lignes générales d’une politique d’ensemble».

Pendant près de quarante années, les germes d’une politique européenne de l’énergie contenus dans la déclaration de Messine n’ont pu éclore, tant les réflexes nationaux restaient prépondérants en matière d’énergie. Toutefois, les conditions sont aujourd’hui réunies pour changer la donne.

Premièrement, le marché : depuis une dizaine d’années, en s’appuyant sur ses compétences en matière de marché intérieur, de concurrence et d’environnement, la Commission européenne a promu la construction d’un marché européen de l’énergie conjuguant sécurité, compétitivité et développement durable.

Deuxièmement, les choix des sources de production : dépassant la simple perspective du marché intérieur, la Commission européenne a proposé, en janvier 2007, un paquet énergie-climat dont la caractéristique essentielle est le développement massif des énergies renouvelables (EnR) afin qu’elles atteignent 20 % de la consommation finale d’énergie à l’horizon 2020. La déclinaison nationale de cet objectif (23% pour la France, 18% pour l'Allemagne, 15% pour le Royaume Uni, etc.) implique de facto une harmonisation des mix énergétiques nationaux vers un seuil minimum d’EnR. Si on ajoute à cela l’évolution des mentalités européennes en matière de nucléaire[1], on peut affirmer que la Commission européenne a mis fermement le pied en travers de la porte des souverainetés énergétiques nationales en cherchant à définir le meilleur mix européen possible.

Troisièmement, le cadre institutionnel et politique : le traité de Lisbonne a placé l’énergie au rang des compétences partagées de l’Union européenne. Cette disposition permettrait à l’Union d’assurer le fonctionnement du marché de l’énergie et la sécurité de son approvisionnement. Le traité établit en outre le principe de solidarité, au cas où un ou plusieurs États membres éprouveraient des difficultés dans leur approvisionnement en énergie. Ce traité, dont l’adoption est suspendu à la crise générée par le non irlandais, permettrait la formalisation d’une véritable d’une politique européenne de l’énergie.

Quatrièmement, le volet extérieur de la politique de l’énergie : c’est là que le bât blesse, tant cela reste conditionné par un changement des pratiques diplomatiques… Lors de la coupure du gaz à l’Ukraine en janvier 2006, l'Europe a "découvert" qu'elle dépendait du gaz russe. Depuis, chaque Etat membre continue cependant à discuter en bilatéral avec les pays producteurs – dont la Russie – plutôt que de parler d’une seule voix. La crise géorgienne, en contribuant un peu plus à fragiliser le projet de gazoduc Nabucco (partie intégrante de la stratégie européenne de sécurisation de notre approvisionnement en gaz d’Asie, en contournant la Russie), n’a fait que démontrer, une nouvelle fois, l’urgence d’une politique extérieure commune en matière d’énergie. Comme l’a récemment souligné Claude Mandil, ancien directeur de l’AIE, Nabucco ne pourra être réalisé qu’en coopération avec la Russie et non contre elle. Mais une telle coopération suppose que les Européens mettent leurs initiatives diplomatiques à l’unisson ….


[1] Vers un retour de l'énergie nucléaire en Europe ? Etude comparative des politiques et positions des pays membres de l'UE, note de benchmarkink de l'Institut Thomas More

Photo d'illustration© Fotolia.com
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