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Diplômé de l'Institut d'études politiques de Lille, de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales et du Celsa-Paris, Gery Lecerf est responsable des affaires publiques dans une société du secteur de...

Gaz : l’Europe doit parler d’une seule voix


mardi 07 septembre 2010

Tout le monde est d'accord pour souhaiter que l'Europe harmonise sa position face à la Russie et aux autres producteurs de gaz. Mais comment? Par une approche "régalienne" ou, selon l'esprit de la construction européenne, par une approche plus libérale?


Plus que jamais, l'Europe, qui tiendra début 2011 un conseil européen consacré aux sujets énergétiques, devra manifester plus de solidarité face à ses interlocuteurs producteurs de gaz naturel, au premier rang desquels la Russie.

Idéalement, parler d'une seule voix, faute de quoi elle ne pourra assurer sa sécurité d'approvisionnement.

Mais il y a plusieurs façons de parler d'une seule voix ...

La construction européenne est fondée sur la libre concurrence


D'un côté, il y a la piste de la centrale européenne d'achat du gaz, évoquée par le Président Nicolas Sarkozy en mai 2009, et fondée sur un amalgame entre activités commerciales et actions de puissance régalienne. Comme l'a souligné récemment le Conseil d'analyse stratégique, il s'agirait de mettre les groupes gaziers qui veulent coopérer entre eux à l'abri des condamnations anti-trusts grâce à ce qu'on appelle le régime des exemptions qui est prévu par les traités européens. A terme, une agence d'approvisionnement en gaz pourrait être mise en place.

De l'autre, on trouve une conception - qui n'est d'ailleurs pas non plus exclue par la France - reposant avant tout sur une politique extérieure européenne en matière d'énergie, permise d'ailleurs par le traité de Lisbonne. Il s'agirait donc de déterminer un cadre général stratégique, concernant toutes les énergies, et à l'intérieur duquel les opérateurs, notamment en matière de gaz, détermineraient eux-mêmes leurs actions.   

Ces deux pistes ont des philosophies bien différentes. Claude Mandil (1), l'ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie, a clairement mis en évidence l'enjeu : «ce sont les gouvernements et non les entreprises qui doivent s'efforcer de parler d'une seule voix ; les gouvernements, pour ce qui est de leur compétence, c'est-à-dire la définition et la mise en œuvre de la politique énergétique commune et ses rapports avec les relations internationales [...]. Agir autrement signifierait par exemple la création d'un monopole d'achat du gaz naturel, ce qui tournerait le dos aux fondements même du marché intérieur concurrentiel tel qu'il a été bâti. »

En effet, le cœur de la construction européenne en matière de gaz repose sur la libre concurrence, sur la base des principes de libre établissement des opérateurs, de libre de choix du fournisseur et de libre accès aux réseaux.

Les mesures pour une politique commune


Mais qu'est qu'une politique européenne en matière d'énergie (2), et comment la faire émerger ?

- Sur le plan interne, un projet de règlement sur la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel présenté par la Commission européenne en juillet 2009 est en cours de discussion entre le Parlement et le Conseil de l'UE. Ce projet de règlement prévoit en particulier la définition de standards de sécurité d'approvisionnement harmonisés entre les Etats membres, le principe de coopérations régionales ou le renforcement qualitatif des plans d'urgence déjà prévus par la directive de 2004.

- Par ailleurs, le plan de relance européen a permis d'apporter de l'argent frais susceptible de nourrir les projets d'interconnexions transfrontalières qui font cruellement défaut au marché intérieur européen. La Commission travaille à un prochain paquet relatif aux infrastructures, qui pourrait être adopté en novembre 2010. Car la Commission réaffirme inlassablement que pour avoir un marché «sûr» il faut au préalable des réseaux et un marché «efficaces». Or le marché intérieur européen est  miné par des congestions ou par des interconnexions trop souvent non réversibles.

- Sur le volet externe, le mot d'ordre est simple : diversification des sources d'approvisionnement. On a vu ces derniers mois une accélération des réflexions sur les différents projets de corridors sud gaziers (Nabucco, South Stream, North Stream), même si de nombreuses incertitudes demeurent encore, notamment sur la complexité du montage de Nabucco, sur son approvisionnement en gaz et son financement de la construction de ce gazoduc.

Mais surtout toute nouvelle mesure restera sans effet tant qu'une véritable solidarité entre Etats membres n'aura pas été instaurée et mise à l'épreuve des faits.

Comme le soulignait encore Claude Mandil en 2009 à l'Assemblée nationale, « il faudrait qu'existe une parfaite solidarité européenne telle que, si une rupture d'approvisionnement se produit en un lieu, la relève est prise immédiatement. C'est ce qui se passe au niveau national : personne ne se préoccupe du taux de dépendance de la Bretagne ou de l'Alsace, et l'on sait que si un tuyau se rompt en Alsace, on trouvera quoi qu'il en soit le moyen d'alimenter la région en gaz ».


(1) Claude Mandil avait remis en avril 2008 un rapport au Premier Ministre sur la sécurité énergétique  

(2) Echaudés par les aléas gaziers russo-ukrainiens récurrents depuis 2006, les Européens ont déjà beaucoup travaillé sur une politique européenne en matière de sécurité énergétique, notamment lors de la présidence française de l'Union européenne. Le rapport Mandil en avait tracé le cap et la deuxième revue stratégique de l'énergie, présentée en novembre 2008, en a repris les grandes lignes.


1 commentaire(s)
[1]
Commentaire par electron libre
mercredi 08 septembre 2010 10:23
A quand une vraie politique de l'énergie européenne, comme effectivement prévue par le traité de Lisbonne dans les "compétences partagées" ?
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