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 - Université Dauphine

Auteur
Barbara Gimonet, 24 ans, est étudiante à l'université Paris Dauphine.

Le Triangle de Weimar, moteur de la politique énergétique européenne


mercredi 19 février 2014

Cet article a remporté le 4eme prix du concours Génération Energies organisé par "la chaîne Energie", SIA-Partners et RTE.


Les positions contrastées de l'Allemagne, la France et la Pologne sur l'importance de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique national reflètent les désaccords européens en termes de politique énergétique. Ces trois pays ont néanmoins un point commun : ils forment le Triangle de Weimar.

Né en 1991, ce cadre de dialogue politique entre ces trois pays avait pour objectif de définir une politique commune et renforcer l'intégration européenne. Un de ses grands succès a été la coopération trilatérale dans le domaine de la défense, notamment à travers la définition de la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC) qui définit les principales missions de l'Union européenne en matière de politique étrangère. Son 20 ème anniversaire fut l'occasion d'élargir son ambition à d'autres domaines : l'enseignement supérieur, les échanges extérieurs et l'environnement. En témoigne notamment la rencontre, en Pologne le 15 juillet dernier dans le cadre du Triangle de Weimar, du ministre français de l'Ecologie et de l'Energie M. Philippe Martin, avec ses homologues polonais, M. Marcin Korolec et allemand Peter Altmaier autour de propositions sur le changement climatique. Le Triangle de Weimar pourrait-il constituer le fer de lance d'une réelle politique européenne en matière énergétique ?  

Paris, Berlin et Varsovie : un mix énergétique coopératif

Tandis que l'énergie fait partie des compétences partagées entre l'Union Européenne et les États membres depuis le Traité de Lisbonne de 2007,  les Etats sont libres dans le choix de leurs mix énergétiques. L'Allemagne, la France et la Pologne illustrent la grande diversité des profils énergétiques.

- Avec la plus grande centrale électrique européenne au charbon Belchatow, la Pologne a un mix électrique basé à plus de 91% sur des énergies fossiles notamment le charbon dont la Pologne dispose en abondance.
- Ayant arrêté l'extraction de charbon depuis 2004, la France a une production d'électricité qui repose à 75% sur le nucléaire et 12% sur de l'hydraulique.
- Au lendemain de Fukushima, l'Allemagne a abandonné le nucléaire et oriente sa politique vers les énergies renouvelables telles que l'éolien offshore et le solaire, tout en conservant un socle de production à partir d'énergies fossiles.


La diversité des mix électriques du triangle de Weimar, 2010

Alors que la construction européenne a reposé sur la reconnaissance des différences historiques, économiques et sociales, l'union franco-germano-polonaise pourrait favoriser l'émergence  d'un mix diversifié coopératif européen. La Pologne a affirmé sa volonté de se doter de l'énergie nucléaire à l'horizon 2025. La France pourrait participer à la création d'une filière nucléaire polonaise en investissant dans un EPR. L'Allemagne, qui achète de l'électricité nucléaire à la République Tchèque et à la France, aura la possibilité de se fournir auprès de la Pologne.
 
Une coopération trilatérale sur la sécurité énergétique
 
Un autre pilier fondamental de la politique énergétique européenne est la sécurisation de l'approvisionnement énergétique.

L'UE est fortement dépendante aux importations d'énergie, plus de la moitié de l'énergie consommée provient de pays tiers tels que la Russie ou la Norvège. Les crises d'approvisionnement en 2009 avec la Russie, principal fournisseur de pétrole brut (34,5% des importations de pétrole brut) et de gaz naturel (31,8%) ont illustré la fragilité de la sécurité énergétique européenne.

 Le Triangle de Weimar, réunissant 200 millions d'habitants (sur les 500 millions de l'UE) avec un axe est-ouest bordé par la mer baltique et avec l'enclave russe de Kaliningrad, doit jouer un rôle stratégique dans les négociations avec les pays fournisseurs. Le trio politique est soutenu par le groupe de Visegard, composé de la Pologne, la Hongrie, la République Tchèque et la Slovaquie qui adoptent des positions communes pour l'Europe. Le Triangle de Weimar doit encourager Bruxelles à mettre en place des instruments communs tels que des achats groupés de gaz, contrats cadres, consortiums d'investissements. A l'instar de la construction du gazoduc « Yamal » qui permet à la Pologne de bénéficier d'importations de gaz transitant par l'Allemagne, notamment pendant la crise de 2012 entre la Russie et l'Ukraine, l'union trilatérale doit soutenir la construction d'infrastructures.






















La part du gaz russe dans les importations totales de certains Etats membres de l'UE (en %), 2010
(source: d'après David Keranyi, Adnan Vatansever. "Lowering the price of Russian gas: a challenge
for European Energy Security", Issue brief, Atlantic Council, 2013



Trois sommets pour une Europe décarbonée

Pour la réalisation des objectifs du Paquet Energie Climat (3*20) adopté en 2008, les États européens privilégient les solutions nationales et les processus de transition énergétique nationaux. L'UE, responsable d'environ 11 % des émissions mondiales de GES, n'est pas parvenue à trouver un accord climatique ambitieux à Varsovie en novembre dernier. Avec un mix énergétique basé sur le charbon, la Pologne bloque les négociations. L'union de Weimar pourrait être l'antichambre d'un accord en prévision de la Conférence des Nations Unies sur le climat prévue à Paris en 2015.

Alors que les budgets R&D des trois pays s'élèvent à 116 milliards d'euros, le Triangle de Weimar placerait l'innovation au centre de sa politique  climatique. Le « fonds Triangle de Weimar » soutiendrait le financement de la recherche (R&D) avec des partenaires publics et privés et cofinancé  par Bruxelles. Il privilégiera le partage de bonnes pratiques notamment autour des technologies réduction de CO2. Le processus de décentralisation du Triangle au niveau des régions, des métropoles et des communes  favorisera l'émergence d'initiatives locales de projets ENR.

Ces trois artères du cœur européen devront être le pivot des négociations pour la construction d'une politique énergétique ambitieuse. Ils devront instaurer un cadre plus formel de coopération afin d'être un moteur puissant pour l'UE. Un partenariat dans la recherche, une communication accrue sur les actions du Triangle de Weimar, la mise en place d'un sommet annuel élargi aux entreprises du Triangle seront des éléments indispensables au succès de cette initiative.


Notes
Energy observatory trends to 2030, European Comission, 2009
 Proposition évoquée lors de mon entretien avec M. Kuznicki, directeur de l'Acacémie polonaise des sciences
 Données Eurostat, 2010
 Le Triangle de Weimar (« Agenda 2021 ») Klaus-Heinrich Standke

Bibliographie
?    Contributions de l'ADEME à l'élaboration des visions énergétiques 2030-2050, ADEME, 2012
?    "Dix énergéticiens alertent sur la défaillance du système énergétique européen », Ludovic Dupin, 2013
?    Energy observatory trends to 2030, European Comission, 2009
?    Entretien avec  M. Kuznicki à l'Acacémie polonaise des sciences, janvier 2014
?    Eu Publications factsheet, European Comission, 2012
?    Eurostat, 2010
?    International Energy Agency, World Energy Outlook 2012, Paris, France, 2012
?    "Le triangle de Weimar en veilleuse", Le Monde.fr, Piotr Maciej Kaczynski, 2011
?    Quo vadis Triangle de Weimar ? Nécessité d'élaborer un cadre conceptuel pour revitaliser le Triangle de Weimar (« Agenda 2021 ») Klaus-Heinrich Standke

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3 commentaire(s)
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Commentaire par Gépé
jeudi 20 février 2014 08:32
Bonne étude qui peut servir de base à ce qu'on appelle "l'airbus de l'énergie", mais il manque l'aspect macroéconomie qui doit permettre de motiver les entreprises concernées. L'écologie peut être le moteur d'une réforme, mais elle doit être accompagnée d'un intérêt économique lié à la croissance et au chomage. L'Allemagne est favorisée sur le plan économique mais pas sur le plan écologique. Qu'elle est la relation?
[2]
Commentaire par Hervé
jeudi 20 février 2014 19:41
Attention a ne pas mélanger la production d'électricité et l?énergie en général. Le gros de notre conso est avant tout fossile, quel que soit les pays. Il est curieux que cet article ne mentionne pas les gaz de schistes qui auront du poids si leur exploitation est possible. C'est un élément clef car la production de gaz en mer du nord est en déclin. les les appros en pétrole liquide vont se tendre à l'avenir.
[3]
Commentaire par papijo
vendredi 21 février 2014 14:21
Je ne sais pas d'où vient le tableau donnant la part du gaz russe dans nos importations, mais il est manifestement grossièrement faux, ou en tout cas ne correspond pas à la légende affichée. Par exemple, pour la France, il indique près de 80% de gaz russe, alors que l'Insee en trouve (pour 2012) 78,9 TWh pour une consommation de 500 TWh, soit 15,8% (Lien: Cliquer ici). Pour donner des leçons aux autres, il vaut mieux s'appuyer sur des arguments solides !
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