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Auteur
Boris Le Ngoc est Responsable Développement SFEN (Société Française d'Energie Nucléaire).

Le sociologue Gerald Bronner : notre société doit accepter le risque


mercredi 22 octobre 2014

Déjà auteur d'un livre remarqué sur la dérégulation des médias, "La démocratie des crédules", le sociologue Gérald Bronner s'interroge dans un nouvel ouvrage, "La planète des hommes", sur le rejet par la société moderne de l'idée de risque et l'excès du principe de précaution.


Voir son interview intégrale sur le blog de la SFEN

Extraits :

Notre société est-elle gouvernée par « l'idéologie de la peur » ?

L'idéologie de la peur est devenue extrêmement présente dans l'esprit de nos concitoyens. On trouve notamment des traces de cette idéologie dans les fictions hollywoodiennes qui nous décrivent des apocalypses écologiques. A la différence des années 50 où les apocalypses étaient fondées sur l'imaginaire des soucoupes volantes ou de la guerre thermonucléaire, aujourd'hui la fin des temps viendra de l'action de l'homme et des conséquences désastreuses de cette action.

La caractéristique de cette idéologie de la peur, c'est la crainte a priori que l'action de l'homme puisse conduire à des déséquilibres de la nature. Cette crainte peut se muer en une détestation de l'homme, vu comme "vorace", et de son action, ce que j'appelle « l'anthrophobie ».

La loi sur la transition énergétique s'inscrit-elle dans cette idéologie ?

La loi sur la transition énergétique s'inscrit dans un fait historique qui est celui de la question climatique. Une question réelle, qu'il faut prendre au sérieux, mais qui sert en quelque sorte d'otage à cette idéologie de la peur. Sur la base des dérèglements climatiques, et des conséquences désastreuses qui ne manqueront pas de survenir, on en infère des scénarios apocalyptiques qui devraient suspendre toutes nos actions y compris nos actions technologiques.

Or, je pense qu'il y a un grand danger à suspendre nos actions : c'est celui de ne pas penser les conséquences catastrophiques de notre inaction. En ce sens, la loi sur la transition énergétique tient compte d'un certain nombre d'enjeux idéologiques qui cherchent à regrouper des considérations opportunistes et qui n'ont pas grand-chose à faire ensemble. Par exemple, plafonner la production nucléaire en France est problématique si on considère que le but est de lutter contre les énergies émettrices de gaz à effet de serre. Dans ce cas, pourquoi ne pas plus se préoccuper d'autres énergies comme le gaz ou le pétrole ?
(...)
 

Est-il possible de réenchanter le risque ?

C'est non seulement possible mais c'est absolument nécessaire. Je suis assez préoccupé du fait que toute l'idéologie contemporaine nous oriente vers les conséquences possibles de notre action. Si nous devons être comptables des conséquences de notre action, cette idéologie nous rend totalement aveugle quant aux conséquences possibles de notre inaction. Celle-ci pourrait avoir des coûts cataclysmiques.

Par exemple, pour le vaccin, on constate que la couverture maximale baisse y compris dans notre pays et qu'augmentent les craintes concernant le vaccin. En 2000, 9 % des français se méfiaient des vaccins, ils sont près de 40 % en 2010. Cette méfiance aura des conséquences terribles sur les générations futures.

(...) Ces questions ne peuvent avoir que des réponses technologiques. Or, ces réponses technologiques, nous ne les avons pas encore. Toute tentative d'enfermement des technologies du présent pourrait constituer un drame pour les générations futures. En d'autres termes, bâillonner le présent, c'est désespérer le futur.

Le réenchantement du risque passe par une première étape celui de la conscience que le risque zéro n'existe pas. En effet, chacune de nos actions charrie une part incompressible de risque. La seconde étape consiste à dire que nous ne pouvons pas ne pas prendre de risque et qu'il n'y a pas de plus grand risque que celui de ne pas en prendre. A partir de là, il nous faut gérer de manière beaucoup plus raisonnable le rapport des coûts et des bénéfices de toute innovation technologique.
(...)

Gérald Bronner est professeur de sociologie à l'université Paris Diderot.
"La planète des hommes" (réenchanter le risque) est publié aux PUF.


Voir l'interview en vidéo :


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10 commentaire(s)
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Commentaire par Gépé
mercredi 22 octobre 2014 13:37
Le rapport entre les couts et les bénéfices est à la base du calcul économique. Dans le cadre de la transition énergétique, ce calcule donnerait un résultat plus convaincant si le cout du travail était plus faible et le prix de l'énergie plus élevé, ce qui s'obtiendrait facilement en répartissant les charges sociales sur le travail et sur l'énergie. C'est sur ce point qu'il faut écrire un livre.
[2]
Commentaire par un physicien
mercredi 22 octobre 2014 14:42
Parler de risque dans l'absolu n'a aucun sens. Il faut comparer les risques des alternatives. Des études claires ont montré que le maïs OGM est moins dangereux que le non OGM (mycotoxines) , que la charbon est beaucoup plus dangereux que le nucléaire, etc.
[3]
Commentaire par Yannick
mercredi 22 octobre 2014 16:13
Quelques précisions sur Gérald Bronner : http://wiki.reopen911.info/index.php/Gérald_Bronner
[4]
Commentaire par Hervé
mercredi 22 octobre 2014 18:15
Bon article dans son ensemble. L'homme a toujours vécu dans le risque. Le progrès est dangereux, l'inaction aussi, et les mauvaises solutions peuvent l'être encore plus! Quand l'homme a maitrisé le feu, il a pris des risques qui tuent encore aujourd?hui. En suivant le raisonnement de certains, on n'aurait pas du prendre ce risque et se contenter des conditions de vie préhistorique. Pourtant la prise de risque a souvent payé si peu qu'on prenne du recul. Certaines technologies trop risquées ont échoué, d'autres ont existé puis ont disparu car dépassées (par exemple le cheval comme moyen de locomotion est bien plus risqué que l'automobile). Mais l'automobile tue elle aussi chaque année environ un million de personnes. Doit ton interdire l'automobile? Vivre, avoir une certaine liberté et progresser exige un minimum de risques. On peut se tuer en sortant du lit le matin, doit ton rester au lit et mourir de faim?. La notion de risque s'évalue en terme de bénéfice vis a vis des conséquences possibles et de la probabilité que ça arrive. C'est conscient de tout cela qu'on choisi si on doit continuer ou non de prendre un risque.
[5]
Commentaire par irisyak
dimanche 26 octobre 2014 13:55
La remarque de "Gépé" est très juste. Je veux ajouter que le chômage fragilise et donc la peur du risque augmente. Il faut donc réduire la peur du chômage!
[6]
Commentaire par Redux
lundi 27 octobre 2014 22:21
Gerarld Bronner ayant déjà montrer qu'il n'hésitait pas à inventer 5000 morts à Haiti pour justifier ces thèses avant de se rétracter devant les enquêtes des journalistes, on prendra tout ce qu'il dit avec les pincettes de rigueur... http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/10/13/le-chlore-au-temps-du-cholera_4505153_3244.html http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=1803
[7]
Commentaire par Laborieux théoriciens du bistrot de commerce
mardi 28 octobre 2014 14:36
HV le philo-loufoque du bistrot atomique [ ... Quand l'homme a maitrisé le feu, il a pris des risques qui tuent encore aujourd'hui.... ] .... C'est tellement vrai, que personne à cette date n'a encore le moyen d'en connaitre la réalité, du risque ou pas, que le néandertalien, ou l'homo-érectus, ou encore plus en avant ! Et de vouloir comparer un feu de cheminée avec le feu nucléaire, faut vraiment le faire ! Surtout, que ce domaine ne se limite pas qu'à ça, il oublie que son son 101éme département du Niger, la question ne se poserait pas, les sciento-techniciste, sont de grands n'enfants !
[8]
Commentaire par les laborieux causeurs nucléocrates
mardi 28 octobre 2014 14:42
Pour un prétendu sociologue, qui évoque apocalypse au sujet des films catastrophes, démontre le peu de crédibilité de la tete chercheuse ! Apocalypse est en réalité un terme qui définit plutot un renouveau, selon la méthodologie herméneutique, ... en fait il est plus imprégné que quiconque, à vouloir dicter sa leçon ... Gérald Bronner est professeur de sociologie = 2/20 ... Retournez à l'école primaire ...
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Commentaire par Hervé
mardi 28 octobre 2014 18:36
@ PK. Il n?était pas dans mes intentions de comparer le feu et le nucléaire, je voulais juste rappeler que l'innovation technologique est de puis toujours dangereuse. Maintenant, vous avez raison! Si on veut comparer le feu et le nucléaire, à service rendu égal, le feu est effectivement beaucoup plus dangereux que le nucléaire. Voir par exemple ici
[10]
Commentaire par SolarHome
mercredi 29 octobre 2014 01:23
Et maintenant la mafia nucléaire nous sort de son chapeau son gentil "sociologue ré-enchanteur du risque"...membre du comité scientifique d'Areva et accessoirement pro-OGM. Moi j?appellerai ça plutôt un technologue-marionnette-des-lobbys. Et au final pourquoi cette tartuferie ? Pour critiquer la loi de Transition Energétique pas assez généreuses pour les goinfres radioactifs qui ne digèrent toujours pas le fameux "plafonnement du nucléaire à 63 GW"...