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Les leçons de Fukushima : atteindre « zero accident » + « zero contamination »


jeudi 29 mars 2012

Un récent forum de la SFEN a attiré l'attention sur l'exigence sociale de la "zéro contamination", en plus du "zéro accident" prôné en matière de sûreté nucléaire. C'est l'un des enseignements de Fukushima.


Tout faire pour empêcher l'accident, prévoir toutes les causes possibles d'un accident nucléaire, notamment celles d'origine extérieure : la façon dont a démarré la catastrophe de Fukushima a conduit les autorités françaises de sûreté à revoir à la hausse tous les risques de séisme et d'inondations, à mieux assurer l'étanchéité des installations, à multiplier et diversifier les réserves d'eau. Pour faire face à toutes les causes possibles d'accident, il faut, selon une formule souvent employée, « penser l'impensable ».

Cette course au « zéro accident » est-elle suffisante et ne comporte-t-elle pas une part d'illusion ? La question est apparue en filigrane lors d'un récent forum de la SFEN (Société française de l'énergie nucléaire).


La théorie du cygne noir


Certains experts ont rappelé la « théorie du cygne noir », selon laquelle un événement qui a une probabilité infime de se produire peut tout de même arriver et avoir alors des conséquences d'une portée considérable. Même en imaginant toutes les causes possibles d'accident, n'est-on pas condamné à en oublier une et à être pris par surprise ?


Ne faut-il pas, à l'avance, s'assigner l'objectif de la « zéro contamination » dans le cas où l'accident survient ? Là aussi, c'est une leçon de Fukushima. Un an après la catastrophe, la contamination des sols dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres, dans des zones densément peuplées, a forcé de nombreuses familles à abandonner leurs maisons et fait encore peser un doute sur l'innocuité des produit alimentaires. La situation est inacceptable pour les citoyens japonais.


Les autorités japonaises en sont conscientes : elles ont engagé des actions de décontamination très ambitieuses qui ont pour objectif de ramener les taux de radioactivité au niveau le plus bas (1 millisievert par an). Le Pr Akira Omoto, commissaire à la commission japonaise de l'énergie atomique, a expliqué au forum de la SFEN qu'il s'agit de rendre de nouveau accessibles non seulement les habitations ou les terres agricoles mais même les forêts de la zone affectée. Restaurer la nature dans son état premier a une dimension symbolique pour les Japonais. Elle a aussi un coût financier considérable.




Dominique Minière, directeur de la division production nucléaire EDF et vice-président de la SFEN estime que le nucléaire n'apparaîtra jamais fiable aux yeux des citoyens s'il n'apporte pas la garantie que la contamination extérieure est impossible, même en cas d'accident. Aucun Orleanais ne peut envisager de quitter sa maison pour des années et ne pouvoir la léguer à ses enfants si un accident à la centrale de Saint-Laurent des Eaux venait à provoquer des émissions radioactives ! Il a également expliqué que les événements de Fukushima avaient provoqué de réelles inquiétudes chez les personnels des centrales françaises qui savent qu'ils auraient à travailler très près du réacteur en cas d'accident.


Mise en place de la FARN


L'objectif de « zéro contamination extérieure » conduit alors à des démarches complémentaires à celles induites par le « zéro accident ».


D'abord sur le plan technique, c'est la recherche plus poussée dans le secteur des dispositifs qui contrôlent les émissions d'hydrogène et de gaz radioactifs, comme les filtres à sable. Ceux-ci empêchent l'émission dans l'atmosphère de 99% des césiums, mais laissent passer l'iode radioactif, beaucoup plus difficile à bloquer. Des filtres n'existaient pas à Fukushima lorsque les ingénieurs ont décidé de relâcher des gaz radioactifs dans l'atmosphère pour faire baisser la pression.


Ensuite, sur le plan de la sécurité civile. Se fixer comme principe de ne pas permettre la moindre contamination conduit à revoir tous les dispositifs d'intervention et de reprise du contrôle dans la période cruciale des premières 24 heures. La aussi, de nombreux problèmes de décision et de gestion des moyens de secours sont apparus à Fukushima, dans une région désorganisée par le séisme et le tsunami.


C'est cette démarche qui a conduit EDF à avancer le concept, avant même les audits de l'ASN, d'une force d'action rapide nucléaire, la FARN. Forte de 300 salariés d'EDF, répartis en plusieurs équipes nationale et régionales, la FARN se met en place. Elle est entraînée à intervenir d'une façon autonome sur une centrale où tous les réacteurs sont accidentés, avec perte de l'alimentation en eau et en électricité et destruction du centre local de crise. Sa mission est de reprendre le pilotage de la centrale en mois de 24 heures, une durée pendant laquelle les émissions peuvent être contenues par les enceintes de confinement.

(Compte-rendu Yves de Saint Jacob)
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6 commentaire(s)
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Commentaire par philippe
jeudi 29 mars 2012 22:13
zero contamination, qui veut-on leurrer?
alors que des quantités d'élément radioactifs s'échappent régulièrement et en toute "légalité" de nos centrales.
Tiens il y a plus de leucémie chez l'enfant autour des centrales françaises, mais non, il y a pas de rapport.
Et le tritium qui s'est écoulé dans la nappe phréatique sous la centrale de Civaux? ce n'est rien c'était un robinet qui fuyait depuis la construction; Qui nous parle de rigueur et de sécurité...
[2]
Commentaire par balarate jules
vendredi 30 mars 2012 21:17
Il a toujours été dit que le maximum était fait pour sécuriser les installations, car la puissance que développe cette énergie ne tolère pas la prise de risque. Alors, la sécurité s'est-elle émoussée au fil du temps qu'il faille reprendre conscience des forces en jeux ? Peut-on encore se sentir en sécurité lorsque l'on traverse certains endroits de France, je pense par exemple à la vallée du Rhône ? Ne pourraient-on pas sérieusement songer à appuyer notre développement sur des énergies alternatives et modifier nos modèles pour sûrs être de laisser un monde viable à nos enfants, nos buts premiers ?
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Commentaire par Moich
lundi 02 avril 2012 11:55
"...EDF (a) avanc(é) le concept, avant même les audits de l'ASN, d'une force d'action rapide nucléaire, la FARN"...
* peut-être, MAIS : pas avant Fukushima !
* La FARN (Force d'action rapide nucléaire) : projet en octobre 2011
* Rapport de l'ASN sur l'audit post-Fukushima : rendu le 3 janvier 2012 * * "BIEN AVANT" (?) : mais Fukushima, c'était bien en mars 2011, non ? On ne fait donc pas mieux que les japonais en terme de calendrier et en terme de sécurité nucléaire... ils ont juste pas eu de bol, à qui le tour ?
C'est pas du journalisme, c'est de la pub - à quand un article ventant les bienfaits du gaz de schisme sur l'environnement ?
[4]
Commentaire par Moich
lundi 02 avril 2012 12:10
Désolé pour la dernière phrase de mon commentaire précédent...
je me suis emporté contre le journaliste - à tort.
l'habitude des pub-rédactions d'EDF/AREVA sur le sujet, sans doute.
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Commentaire par Hervé
mardi 03 avril 2012 20:55
Malheureusement, il faut attendre une catastrophe pour se remettre en question. Le FARN sera une bonne chose, s'il est doté des bons matériels et équipements.
La catastrophe de Three Miles island avait enseigné beaucoup de choses (pas au Japonais semblerait il...) mais elle avait aussi fait croire que la fiabilité des confinements était à 100% et que fondre un réacteur n'avait pas d'importance. Il est parfois bon de se remettre en question.

Il serait en revanche pas forcément bon de chercher le 0 émissions en cas d'accident grave. La priorité est alors de protéger le confinement quitte a laisser échapper un peu de gaz radioactif.
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Commentaire par François
vendredi 12 octobre 2012 15:46
Ce qui est rassurant, c'est qu'en cas de catastrophe nucléaire (et Fukushima a faillit arriver près de Bordeaux lorsque une vague a noyé la centrale du Blayais et a coupé l'alimentation des réacteurs 2 et 4 lors de la tempête de décembre 1999*), le coût (estimé entre 100 et 300 milliards $ pour Fukushima, jusqu?à 1 000 milliards pour Tchernobyl) serait de toute façon limité par la loi du 30 octobre 1968 à 700 millions ? pour EDF. Les 99% restants seraient à la charge du contribuable, car aucune compagnie d'assurance au monde serait assez folle pour garantir un tel risque. En intégrant ce coût d'assurance, mais aussi le coût des déchets sur quelques centaines de milliers d'années, de la recherche publique (55 milliards d'après la cour des comptes) et le démantèlement, le coût du kW/h serait bien au delà des 9c de Flamenville et bien plus cher que le solaire. *Heureusement, les moteurs diesels ont fonctionné (ce qui n?a pas toujours été le cas, par exemple le 14 avril 1984 à la centrale du Bugey).