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Frank Barnaby : la renaissance du nucléaire civil comporte des menaces


jeudi 10 janvier 2008

La renaissance du nucléaire civil dans le monde risque-t-elle de dépasser les capacités de contrôle de la communauté internationale, via l’AIEA, et donc d’être une menace ? C’est ce que craint un rapport du Oxford Research Group, un « think tank » britannique qui œuvre pour le désarmement et la paix. L’un des auteurs, Frank Barnaby, explique. (Mars 2007)


default textDocteur Frank Barnaby, vous êtes physicien nucléaire de formation et consultant au sein du "Groupe de recherches d'Oxford" (Oxford Research Group). Vous avez co-publié le rapport qui se prononce contre la poursuite d'investissements dans les réacteurs nucléaires et contre le développement de cette technologie. Intitulé “Trop chaud à manipuler : l'avenir du nucléaire civil" (Too hot to handle : The Future of Civil Nuclear Power), il affirme notamment qu'il faudrait construire quatre réacteurs nucléaires par mois d'ici 2070 pour qu'il y ait une modification dans les émissions globales de CO2....

Oui, l'idée principale est que si l'on veut que l'énergie nucléaire ait un effet significatif sur le réchauffement climatique, alors il en faut beaucoup. C'est ce qu'indiquent les chiffres que vous avez fournis. Il est pratiquement impossible qu'un tel nombre de centrales soit construites et entretenues, car nous devons ne pas oublier que beaucoup parmi elles le seront dans des pays en développement. Et il est raisonnable de se demander si ces pays ont l'expertise et les ressources de gérer de façon sûre de gros réacteurs et de traiter les déchets qu'elles produiront. Donc penser que l'énergie nucléaire peut faire la différence n'est vraiment pas raisonnable.

default textVous diriez donc que l'énergie nucléaire n'est pas la bonne route vers une énergie propre ?

Non, ce n'est pas la bonne route. Pour construire des réacteurs nucléaires, vous utilisez beaucoup d'énergie, et cette énergie provient de la combustion des énergies fossiles. Et donc vous émettez du CO2 dans l'atmosphère. Certes en moins grande quantité que ce qui est produit par les centrales thermiques à charbon ou à gaz naturel, mais c'est une quantité non négligeable.

Un autre problème environnemental est que si nous allons vers la production d'une grande quantité d'énergie nucléaire, nous manquerons rapidement de l'uranium nécessaire à l'alimentation des réacteurs, en tout cas de l'uranium qui peut être extrait à un coût économique. En d'autres termes, il y a seulement une quantité limitée d'uranium dans le monde qui puisse être extrait du sol avec un coût énergétique qui permette un gain par rapport à l'énergie qu'il va permettre de produire. Car il ne sert à rien d'utiliser un uranium très pauvre si le procédé pour l'enrichir envoie dans l'atmosphère plus de gaz à effet de serre que la quantité que vous économisez grâce à l'utilisation des réacteurs.

La pénurie d'uranium est un problème majeur. Certains, notamment dans l'industrie nucléaire, plaident que c'est pourquoi nous devons aller vers le réacteur de type surgénérateur qui utilise comme carburant non plus de l'uranium mais principalement du plutonium. Cela signifie que nous entrerions dans une économie du plutonium. Cela serait extrêmement dangereux en raison de la dissémination de grandes quantités de plutonium dans le monde, avec les risques d'utilisation par des pays pour fabriquer des armes nucléaires, ou pire par des terroristes pour fabriquer des explosifs nucléaires.

Que suggérez vous alors à la place de l'énergie nucléaire pour enrayer le réchauffement climatique ?

Les sources d'énergie alternatives, particulièrement l'énergie solaire, l'éolien, l'énergie des marées. En d'autres termes, pas d'énergie fossile ni d'énergie nucléaire, mais une énergie alternative relativement propre. Rien n'est parfaitement propre. Il y a toujours une  part d'émissions de gaz à effet de serre.

Dernièrement, dans une interview, le professeur Jacques Foos, du Conservatoire français des Arts et Métiers, a souligné que toutes les énergies devront être développées pour satisfaire aux besoins mondiaux. Qu'en pensez-vous ?

Je suis d'accord avec l'argument que nous devons avoir une combinaison énergétique. Mais d'un autre côté, je ne vois pas réellement de place pour l'énergie nucléaire. Personnellement, je préférerais qu'elle n'en ait pas. On peut certes imaginer des solutions avec de petits réacteurs loin des villes, mais j'aimerais limiter ces situations autant que possible.

Propos recueillis par Christopher Le Coq
Le site du Oxford Research Group
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