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Jacques Percebois est directeur du Centre de Recherche en Economie et Droit de l’Energie (CREDEN) à l’Université Montpellier I, où il enseigne les sciences économiques...

2eme EPR : un intérêt industriel déterminant


mercredi 18 février 2009

L’EPR sera une très belle vitrine technologique. Mais n'était-il pas possible de sauter directement à la 4eme génération de réacteurs nucléaires ?


Jacques Percebois est directeur du Centre de Recherche en Economie et Droit de l’Energie (CREDEN) à l’Université Montpellier I.
La décision française de construire un deuxième EPR est un signal encourageant même si certains contestent son utilité.
Ce deuxième EPR se justifie si l’on fait le raisonnement suivant, fondé sur la conjonction de plusieurs facteurs : 

   - la France qui souhaite exporter l’EPR doit en construire elle-même et cela lui permet de maintenir le savoir faire de ses équipes d’ingénieurs (tant du côté d’EDF, d’AREVA que de GDF SUEZ) ; 

   - la prolongation à 50 puis 60 ans de la durée de vie des centrales actuelles n’est pas acquise pour tous les réacteurs (il faudra l’autorisation de l’ASN) et du coup il faut songer à de nouvelles capacités ;

   - la disponibilité vers 2020 du prototype RNR (réacteur à neutrons rapides de 4ème génération) n’est pas garantie  (on parle maintenant de 2025…) et du coup il faut songer à des réacteurs supplémentaires pour assurer la transition ;

   -  les réacteurs EPR et RNR ne sont pas des substituts mais ils sont complémentaires puisque l’un peut utiliser des déchets de l’autre comme combustible ;

   - les réacteurs de type EPR consomment moins d’uranium, sont plus performants et produisent moins de déchets que les réacteurs actuels ; ils sont aussi plus fiables ;

   - la consommation d’électricité va continuer à croître notamment dans le secteur domestique et tertiaire du fait d’usages nouveaux dans les technologies de pointe ; 

   - la France doit exporter davantage d’électricité car ses exportations ont chuté ces dernières années…

   - Enfin, certains font observer que cette construction va créer des emplois : c’est vrai mais on ne choisit pas une politique énergétique pour créer des emplois pas plus qu’on ne choisit une politique de défense en fonction d’un tel critère.

On peut certes objecter aussi que l’application du Grenelle de l’Environnement devrait réduire sensiblement les besoins d’électricité si la généralisation des bâtiments à énergie positive se réalise ; pourquoi ne pas attendre le prototype RNR et passer directement de la génération actuelle (3) à la génération suivante (4) en faisant l’économie de la génération EPR (3bis) ? Le coût d’un EPR est élevé et il est bien moins coûteux de procéder à des investissements de jouvence sur les réacteurs actuels (400 millions d’euros par réacteur) plutôt que de construire un réacteur EPR (4 à 5 milliards d’euros).

Certains pensent en outre qu’il faudra construire pas mal d’EPR dans le monde pour bénéficier d’un effet de série.

Comme on le voit les arguments ne manquent pas d’un côté comme de l’autre. L’argument industriel nous paraît déterminant dans ce domaine : l’EPR est une vitrine technologique et ce choix constitue une assurance face à un risque de défaillance au niveau de la production d’électricité  car les capacités disponibles sont de plus en plus saturées et les délais de construction de nouveaux réacteurs de plus en plus longs.




L'EPR en construction à Flamanville : vue générale en 2007
Vue générale en 2008



Photos copyright EDF


2 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Antoine Bassard
mercredi 18 février 2009 13:42
Il y a toujours ce type de dilemme dans le nucleaire : faut-il tout mettre dans la recherche fondamentale pour un nouveau type de procédé, ou investir dans l’application industrielle. Il y a la même question au delà de la génération IV de la fission, à avoir la recherche sur la fusion, c’est-à-dire ITER. Faut-il dépenser avec le projet mondial en cours à Cadarache –pour une technologie révolutionnaire qui ne marchera peut-être jamais- ou mettre le paquet sur le développement industriel qu’on sait possible de la génération IV.
Au passage, cette génération IV n’était-elle pas en germe dans Superphoenix ? Et l’arrêt de ce projet signifie-t-il que tout a été perdu ?


[Réponse de l'auteur]
oui le réacteur de type RNR (neutons rapides) est dans le prolongement de Superphénix (c'est la version sodium qui s'imposera probablement bien que d'autres options soient à l'étude); il bénéficiera heureusement d'améliorations; le fait d'avoir fermé Superphénix (pour des raisons strictement politiqus) fut une erreur qui nous a sans doute conduits à prendre un peu de retard dans ce domaine
[2]
Commentaire par Nifenecker
jeudi 19 février 2009 17:31
Je partage largement votre analyse. J'ajoute que ceux qui s'opposent à l'EPR au prétexte qu'il serait inutile car nous pourrions diminuer notre consommation électrique ne me semblent pas s'être opposés à la construction de 6,4 GWe de centrales à gaz et charbon prévue dans le PPI de 2006. De même, je ne crois pas les avoir entendu dire qu'il était inutile de construire 25 GWe d'éoliennes, sans parler des 5,4 GWe de Photovoltaïque, qui pour le coup correspondent à d'énormes investissements, probablement 10 fois plus que l'EPR.

[Réponse de l'auteur]
Certes mais n'oublions pas que le nucléaire ne peut pas trop monter dans la courbe de charge et qu'il nous faut aussi prévoir des moyens de pointe; au demeurant un peu de diversification du parc est nécessaire
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Jacques Percebois est directeur du Centre de Recherche en Economie et Droit de l’Energie (CREDEN) à l’Université Montpellier I, où il enseigne les sciences économiques...

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