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Matthieu Courtecuisse : la voiture électrique, nouvel enjeu politique


mardi 25 novembre 2008

"Si le scénario d'une émergence massive du véhicule électrique devient une hypothèse crédible, il demeure un pari ambitieux et risqué. Pourtant, la France est mieux placée que ses concurrents pour parvenir à en maîtriser toutes les composantes. Il est urgent que le pouvoir politique s'engage", estime Matthieu Courtecuisse, dans une tribune sur Débat&Co.


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Si le scénario d'une émergence massive du véhicule électrique devient une hypothèse crédible, il demeure un pari ambitieux et risqué. Pourtant, la France est mieux placée que ses concurrents pour parvenir à en maîtriser toutes les composantes. Il est urgent que le pouvoir politique s'engage.

 
A l'heure où l'industrie automobile est durement touchée dans ses fondamentaux, où la sécurité d'approvisionnement en énergie et l'indépendance énergétique sont au cœur des enjeux multilatéraux, l'impact de la voiture électrique est unique par son ampleur sur une grande partie de l'économie, tant du point de vue de l'offre que de la demande. C'est toute la filière qui doit se remettre en cause. Aussi le développement du véhicule électrique implique un accompagnement puissant de l'autorité publique, et donc un engagement de la classe politique. C'est un enjeu complexe, car il sera nécessaire de remettre en cause certains choix de société, prendre des paris en terme d'emploi et transcender les différents niveaux du système politique.
 

Préparer l'essor de la filière du véhicule électrique constitue une forme de pari. A ce stade, rien ne peut encore garantir que celle-ci constituera la principale solution alternative au pétrole. Bien plus encore que ce qu'a été le choix dans la filière électronucléaire en France au début des années 70. Au-delà des constructeurs eux-mêmes, la diversité des acteurs économiques engagés est particulièrement large : des fournisseurs d'énergie aux opérateurs de réseau électriques, des motoristes aux concessionnaires de parking, des opérateurs télécoms aux loueurs et gestionnaires de flottes de voitures.

 
La transformation est telle que sans des arbitrages nets des autorités publiques, peu de choses se passeront, en tout cas à court terme. Or il faudra du temps pour mettre en mouvement l'écosystème automobile. Ce n'est évidemment pas sans risques. Au premier d'entre eux, l'échec pur et simple de cette filière, qui n'a jamais jusqu'alors réussi à décoller. Or, sur les deux millions de véhicules neufs vendus en France chaque année, on parle de plusieurs centaines de milliers de véhicules électriques produits par an d'ici cinq ans. C'est en effet le seuil critique pour la filière.
 

Un tel mouvement va entraîner des effets collatéraux difficiles à faire accepter ou à maîtriser pour le pouvoir politique. Par exemple, au titre de la politique nationale, est-il envisageable de développer une telle filière sans étendre le parc nucléaire ? Peut-on in fine renoncer à l'objectif politique des 21 % d'énergie renouvelable ? Comment compenser les destructions d'emploi inévitables chez les motoristes alors que les batteries sont fabriquées en Chine ? Quelle fiscalité envisager, incitative au risque de générer des pertes budgétaires importantes ou punitive au risque d'être impopulaire ?



Ensuite, il est réaliste de penser qu'avec une autonomie de l'ordre de 250 km, ce sont les usages urbains qui vont tirer le marché, avec pour corollaire probable la disparition du deuxième véhicule thermique du foyer, soit près d'un tiers du parc actuel. Ce sont les collectivités locales et les municipalités qui vont jouer un rôle déterminant. Elles devront contribuer à faire arbitrer les clients entre un modèle de location et celui, historique, de la propriété par le développement de l'accès à l'électricité mais aussi par une réflexion plus globale sur l'organisation du trafic urbain. Celles-ci devront donc pousser la réflexion, entre autres sujets sensibles, sur les péages urbains ou la reconfiguration des stratégies de stationnement.

 
La bonne orchestration entre l'Etat et les collectivités locales sera essentielle et les deux partenaires ne peuvent avancer l'un sans l'autre. Pour autant, les bénéfices politiques ne seront pas nécessairement partagés, que ce soit pour des raisons d'image ou de calendriers électoraux décalés. Seul le dépassement des clivages politiques, des querelles de frontière entre les niveaux de responsabilité administrative permettra de lancer un tel projet. Les 2,5 millions d'emplois de l'automobile en France le méritent et l'attendent.


Opter pour cette filière est séduisant car cela permettrait de résoudre de nombreux points aujourd'hui critiques : réduction massive des émissions de gaz à effet de serre d'un foyer majeur de pollution (15 % du total), la diminution du bruit ou le renforcement de l'indépendance énergétique, gestion de l'encombrement urbain. On mesure toutefois à quel point l'implémentation dans le quotidien et dans l'économie ne vont pas de soi et nécessitent des décisions particulièrement courageuses, tant de la part des pouvoirs publics que des acteurs économiques impliqués dont les missions vont changer.

 
Les enjeux industriels sous-jacents sont énormes, car derrière l'adoption de cette filière se joue aussi une course au leadership technologique mondial avec à la clé de nombreux emplois de demain. Et pour une fois, la France n'a pas à chercher un accord européen pour avancer. Elle dispose en effet de la taille, de toute la base industrielle et d'un savoir-faire en matière d'aménagement urbain qui lui ouvre le chemin, à condition de le saisir à temps et sans esprit partisan.

Matthieu Courtecuisse
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