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Auteur
Arnaud Gossement est avocat associé en droit de l'environnement au Barreau de Paris et maître de conférences à Sciences Po Paris. Docteur en droit de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne,...

Loi Nome : libéralisation du marché de l'électricité et pacte républicain


mardi 25 mai 2010

Ce mardi 25 mai 2010, commence l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi « NOME » : Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité. Un texte très attendu qui prépare l’ouverture à la concurrence et modifie sensiblement notre conception du service public de l’électricité.


Une actualité législative dense

 L’actualité législative du droit de l’électricité est particulièrement dense. Plusieurs textes, en cours d’examen au Sénat et à l’Assemblée nationale vont sensiblement modifier les conditions de régulation de ce secteur essentiel pour notre économie mais aussi pour notre pacte républicain.

Ainsi, le Sénat examine en seconde lecture la Proposition de loi de M. Ladislas Poniatowski tendant à autoriser les consommateurs finals domestiques d'électricité et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d'électricité. La Haute assemblée est également saisie d’un projet de loi de modernisation de l’agriculture qui tend à mieux articuler le développement des énergies renouvelables avec l’objectif de réduction de la consommation des espaces agricoles. L’Assemblée nationale, pour sa part, vient de voter – ce 11 mai – le projet de loi (Grenelle 2) portant «Engagement national pour l’environnement» qui contient de nombreuses et importantes dispositions relatives aux énergies renouvelables. Les députés sont également saisis d’un projet de loi particulièrement attendu : le projet de loi «NOME» portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.

Un texte attendu. Ce projet de loi était très attendu par la Commission européenne au titre de sa mission de contrôle du respect de leurs engagements par les Etats membres de l’Union      européenne. La Commission avait en effet ouvert une procédure d’infraction à l’encontre de la France, pour défaut de transposition de la directive 2003/54/CE sur la libéralisation du marché de l’électricité. Ce projet de loi était également attendu par les fournisseurs alternatifs d’électricité pour lesquels l’ouverture à la concurrence n’est pas encore complète. Par ailleurs, la presse s’est largement fait l’écho de l’inquiétude de nombreux consommateurs qui craignent une augmentation des prix de vente de l’électricité. Pour certains analystes, comme Pascal Perri, cette augmentation serait inéluctable.

Le rapport Champsaur

 Enfin, il n’est pas besoin de rappeler que l’élaboration de ce projet de loi a été précédée des travaux de la Commission présidée par M Paul Champsaur. Le rapport de la Commission Champsaur a été publié en avril 2010. Celui-ci préconise la création d’un Accès Régulé à l’électricité de Base (ARB) qui revient à «attribuer à tout fournisseur d’électricité un droit d’accès à l’électricité de base à un prix régulé  reflétant les conditions économiques du parc nucléaire historique pour un volume proportionné à son portefeuille de clientèle sur le territoire national». Le rapport recommande également la suppression du tarif réglementé et du TarTAM pour les consommateurs industriels qui suscitait l’inquiétude de la Commission européenne, laquelle estimait que ces mécanismes étaient susceptibles de constituer des aides d’Etat interdites par le droit communautaire de la concurrence.

Un accès régulé à l’électricité de base

Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale reprend la proposition principale du rapport Champsaur, à savoir la mise en place d’un Accès Régule à l’électricité de base. L’article 1er de ce texte propose d’insérer un nouvel article 4-1 dans le corps de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité rédigé en ces termes : «Afin d’assurer la liberté de choix du fournisseur d’électricité tout en faisant bénéficier l’attractivité du territoire et l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électro-nucléaire français, il est mis en place à titre transitoire un accès régulé et limité à l’électricité de base produite par EDF, ouvert à tous les opérateurs fournissant des consommateurs finals résidant sur le territoire national, à des conditions économiques équivalentes à celles résultant pour EDF de l’utilisation de ses centrales nucléaires actuelles».

Il convient de noter que ce mécanisme possède un caractère transitoire et a donc pour objet de préparer une libéralisation plus complète du marché de l’électricité. Précisément, ce dispositif sera mis en place, à compter de la publication du décret d’application de la loi et jusqu’au 31 décembre 2025. Par ailleurs, ce dispositif est non seulement «régulé», ce qui suppose un renforcement des compétences de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), mais également «limité» ce qui signifie que l’accès ne se fera que pour une partie simplement de la production d’électricité nucléaire. A noter, l’article 1er du projet de loi fixe les principes de rédaction des contrats de vente d’électricité par EDF aux fournisseurs autorisés et demandeurs.

L’électricité de base

 La notion d’électricité de base est définie ainsi : «L’électricité de base est la part d’électricité fournie correspondant à la production des centrales fonctionnant en permanence à l’exception des périodes d’arrêt pour maintenance». A noter : de nombreux députés de l’opposition (groupe SRC) ont déposé une proposition d’amendement pour intégrer dans l’électricité de base faisant l’objet d’un accès régulé, l’électricité produite par des barrages au fil de l’eau. Par ailleurs, un amendement n°94 de l’opposition propose de préciser cette définition ainsi : «L’électricité de base est l’électricité produite ou consommée sous la forme d’une puissance constante tout au long d’une année».

Un accès à l’obligation d’achat ? Il convient de souligner que le député Yves Cochet a déposé un amendement tendant à inscrire un article additionnel après l’article 1er du projet de loi NOME. Celui-ci tend à élargir la catégorie des débiteurs de l’obligation d’achat mis en place par l’article 10 de la loi du 10 février 2000. Aux termes de cet amendement également baptisé «amendement Enercoop», EDF et les distributeurs non nationalisés ne seraient plus les seuls à «devoir» conclure un contrat d’achat d’électricité d’origine renouvelable, ultérieurement compensé par le mécanisme de la CSPE.

Des fournisseurs encadrés

 Le projet de loi définit de manière stricte et précise les catégories d’opérateurs qui pourront prétendre au bénéfice du dispositif de l’ARB. Ainsi, l’article 2 du texte fixe les garanties que doivent présenter ces fournisseurs alternatifs en termes notamment de garanties de capacités  -lesquelles seront certifiées – et de contribution à la sécurité d’approvisionnement énergétique. L’article 3 créé en outre une procédure d’autorisation par le Ministre en charge de l’énergie des fournisseurs souhaitant exercer l’activité de vente d’électricité, procédure qui se substitue au mécanisme de la déclaration. Les députés de l’opposition ont pour leur part déposé un amendement n°88 qui propose que les fournisseurs puissent se regrouper dans le but de pouvoir bénéficier de l’ARB.

Maintien des tarifs réglementés

 L’article 4 du projet de loi procède à la définition de ces tarifs de la manière suivante : « Dans un délai s’achevant au plus tard le 31 décembre 2015, les tarifs réglementés de vente d'électricité sont progressivement établis en tenant compte de l'addition du prix d'accès régulé à l’électricité de base, du coût du complément à la fourniture d’électricité qui inclut la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération normale ». Ces tarifs sont arrêtés par les Ministres de l’énergie et de l’économie sur proposition de la Commission de la régulation de l’énergie. Notons également que l’article 5 organise le dispositif de maintien des tarifs réglementés et élargit le champ d’application au gaz naturel : "Un consommateur final domestique de gaz naturel qui en fait la demande bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie".

Economies d’énergie

 Le projet de loi propose ici de mettre cette définition en correspondance avec l’objectif d’économies d’énergie : «Sous réserve que le produit total des tarifs réglementés de vente d’électricité couvre globalement l'ensemble des coûts mentionnés précédemment, la structure et le niveau de ces tarifs hors taxes peuvent être fixés de façon à inciter les consommateurs à réduire leur consommation pendant les périodes où la consommation d'ensemble est la plus élevée.» Il convient de relever que plusieurs propositions d’amendements tendent également à améliorer le dispositif d’économie d’énergie en renforçant notamment l’information du consommateur sur sa consommation réelle d’électricité.

La nouvelle Commission de régulation de l’énergie

 Le projet de loi NOME prévoit d’élargir le champ de compétences de la Commission de régulation de l’énergie s’agissant de la gestion de l’accès régulé à l’électricité de base et à l’élaboration des tarifs réglementés de vente. La composition de la CRE est également redéfinie. Ainsi, cette commission devrait être composée de cinq et non plus de neuf membres. Le projet de loi prévoit que le président de la CRE et les quatre autres membres du collège sont nommés par décret. Deux des membres sont désignés respectivement par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Enfin, le projet de loi disposer que la CRE doit consulter le Conseil supérieur de l’énergie «préalablement à toute proposition de principe ou décision importantes dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État.»

Conclusion

La problématique à laquelle correspond ce projet de loi n’est pas simple : il s’agit bien d’ouvrir à la concurrence un marché marqué en France, d’une part par la présence d’un opérateur historique – EDF – en situation de quasi monopole pour la production d’électricité, d’autre part par le choix du nucléaire. Au-delà la complexité d’une libéralisation du marché de l’électricité dans un tel contexte, c’est aussi notre Pacte républicain qui est interrogé. N’oublions pas que le Préambule de la Constitution de 1946, composante de notre «Bloc de constitutionnalité» dispose que «Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité». De nombreux amendements déposés par des députés de l’opposition ont trait à la protection des principes du service public, à la préservation de la qualité du service rendu ou à la défense de l’emploi. L’enjeu du projet de loi NOME n’est donc pas seulement technique, il est également politique.

2 commentaire(s)
[1]
Commentaire par olivier1111
mercredi 26 mai 2010 04:55
!
Vive la concurrence !!! Vive l'Europe !!! Vive cette bande de moutons qui acccepté de nourir les trusts qui remplacent la fonction publique !!

Allez voir comment ce genre de privatisation à fonctionné de part le monde...

[2]
Commentaire par Pierre Janin
lundi 14 juin 2010 20:29
Avec le général degaulle la france s'est doté avec EDF, d'un système d'énergie intégré (rassemblant production, transport, distribution, commercialisation) incomparable dans le monde. une électricité de qualité ( tension, fréquence, temps coupure), propre en CO2 avec le nucléaire et l'hydraulique et au meilleur coût grâce à un tarif régulé, basé sur le cout marginal (refletant les couts réels de production notamment au niveau des pointes, en heure pleine , en hiver ...) et la péréquation tarifaire sur le plan national: ce dernier est le plus compétitif tant sur le plan européen que mondial, et permet de de contribuer à la compétitivité de nos entreprises soumises à la concurence extérieure.
L'électricité ne se stoque pas: cela implique d'optimiser les moyens de production en les interconnectant non seulement entre eux, mais aussi avec les pays voisins comme l'italie ou l'allemagne).
l'europe veut casser cela (plutot que de généraliser ce systéme dans chaque pays en les interconnectant entre eux), pour donner la possibilité de faire du profit : cela est inacceptable.
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