Participez aux débats sur l'énergie de demain
 - Ingénieur et démographe

Auteur
Ingénieur des mines, démographe, Dominique Bidou a été directeur de la Qualité de la Vie au Ministère de l'environnement. Il est président d'honneur de l'Association HQE (Haute qualité environnementale)...

L'humanité entre dans l'âge adulte du développement durable


jeudi 26 février 2009

Comme on sort de l’adolescence, avec ses habitudes « flambeuses », l’humanité entre peut-être dans son âge adulte, plus raisonnable, plus « durable »


L’adolescence, âge délicat, sortie de l’enfance, charnière entre deux âges de la vie, où chacun tente de trouver sa voie à soi pour marcher vers son destin. L’humanité aussi est entre deux âges de son histoire.

La croissance numérique est en passe de se terminer, ce sera fait d’ici moins d’une moitié de vie humaine, d’ici une quarantaine d’années. Il était temps, car la planète peut nourrir beaucoup d’humains, mais à condition qu’ils n’adoptent pas tous le mode de vie occidental. La fin de la croissance démographique ne suffira pas à régler nos problèmes, il faut aussi changer de mode de vie, de paradigme comme disent les intellos.

C’est la fin de l’adolescence de l’humanité, où l’on pouvait vivre sans souci du lendemain, il va falloir devenir adulte et adopter un développement qui conjugue envie de progrès, de découvertes, de dépassement, d’un côté, et respect des grands équilibres, maîtrise des flux de toutes natures engendrés par nos activités de l’autre.

L’adolescence signifie la fin d’une forme de croissance : nous ne grandissons plus. Nous avons atteint notre taille maximum, certains prédisent même que nous allons nous tasser, après de maximum de quelques 9 milliards d’humains que nous serons en 2050. Ce n’est pas parce que nous ne grandissons plus que notre développement s’arrête. Il doit juste prendre une autre forme.

Prolongeons l’analogie entre un individu et l’humanité.

A chaque âge de la vie, ses propres besoins, et une progression vers son épanouissement. Il faut des vitamines, des protéines, et pour cela de la lumière, de la nourriture, de l’’espace.

L’enfance de l’humanité est marquée par quelques révolutions comme la découverte du feu, de la roue, et de l’agriculture. L’enfance n’est pas sans dangers, et il y en a eu des accidents, des régressions. Epidémies, guerres, famines, catastrophes de toute nature ont jalonné cette étape.

Elle n’est pas totalement terminée, selon les régions du monde, ce qui n’a pas empêché à l’âge suivant, l’adolescence, de se manifester sous la forme de la révolution industrielle. Deux siècles environ de croissance en rupture avec les millénaires qui les ont précédés. Un changement de rythme rendu possible par le recours à l’énergie stockée sous nos pieds au cours des âges géologiques. Une aubaine, dont une partie de l’humanité a tiré un formidable parti, parfois avec la plus grande brutalité. L’utilisation massive du charbon et du pétrole a permis un développement spectaculaire, une explosion de nos connaissances sur la matière comme sur le vivant. L’humanité a acquis une puissance d’intervention à donner le vertige, et l’adolescence étant ce qu’elle est, impulsive et irrespectueuse, elle n’en a pas toujours fait bon usage. L’humanité a cru que tout lui était permis, que le monde était à elle sans restriction.

L’humanité flambeuse, c’est terminé. Ou en passe de l’être. Il va falloir devenir adulte. Adieu les émotions de l’adolescence, la vie facile fondée sur la consommation sans souci de stocks accumulés par les générations précédentes. Bonjour l’âge adulte, et un mode de développement endogène, ne comptant que sur soi.

C’est une nouvelle ère qui se profile pour l’humanité. La fin du « croissez et multipliez » de la Bible. Il va falloir trouver un autre sens à ces mots, car nous avons soif de dépassement.

La première traduction concrète de cette situation, celle qui concerne notre génération, est une double transition économique et sociale. Il faut passer d’une économie minière à une économie circulaire. Il faut passer d’une organisation sociale pour des populations jeunes et en croissance, à une autre organisation adaptée à des populations plus vieilles et stables. Deux défis à prendre à bras le corps, et qui donnent un sens bien concret au terme développement durable.

L’adolescence de l’humanité s’est faite sur le carbone. Il y en a encore pour des siècles, mais il est plus difficile d’accès, et surtout il provoque des effets indésirables. Une fois sorti de terre, il s’envole dans les airs où il renforce un effet de serre, sympathique au départ, mais très dangereux si on pousse trop loin les curseurs.

Cette facilité est aujourd’hui terminée, il va falloir vivre sur les flux et non plus sur les stocks. Et pour cela augmenter fortement le profit que nous tirons de la moindre unité de ressource. Le facteur 4 est souvent évoqué, il indique l’importance du progrès à réaliser. Le développement durable est une invitation à la performance.

Tout arrive à la fois. Il faut en même temps faire face à une mutation de nos structures démographiques. On en parle au sujet des retraites, mais ce n’est qu’un point parmi d’autres, et pas le plus grave car la productivité du travail humain augmente plus vite que la proportion de personnes âgées. C’est le dynamisme des populations qui est en jeu, dans tous les sens du terme, et les équilibres entre générations.

Quelle place donner aux jeunes dans une société de vieux, comment conserver une créativité, une capacité à s’étonner et à imaginer un avenir différent ?

Le site de Dominique Bidou

Photo © Irina Chirkova - Fotolia.com
1 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Pierre Antoine
jeudi 26 février 2009 23:42
Voilà une réflexion originale et bien tournée. Un peu intello peut-être. Mais on peut s'amuser à la prolonger...
Un des apports essentiels de la notion de développement durable est cette idée que nous devons nous préoccuper de ce que nous laisserons à nos enfants, nos petites enfants, nos arrières petits enfants, etc... cela parait tout simple à un niveau individuel (tout parent y pense) mais c'est l'extension de cette préoccupation à toute la collectivité qui a été la nouveauté. La phrase célèbre "nous empruntons la terre à nos enfants" est fondatrice.
De ce point de vue, sans doute peut-on dire que c'est quand on accède à l'âge adulte que l'on commence à penser à la paternité/maternité, et donc à l'avenir de ses enfants, en lesquels d'ailleurs on se projette.
Cela irait donc dans le sens de votre thèse séduisante et jolie.

[Réponse de l'auteur]
Merci, Pierre Antoine, de votre commentaire. La piste de l'âge de l'humanité et de son adolescence est en effet bien riche : l'adolescence est une période très intense de la vie, qui peut déboucher sur un âge adulte fort et serein, mais aussi sur une véritable catastrophe, allant jusq'au suicide. C'est une forme de sevrage,qu'il est possible de décrire à propos du besoin d'énergie, mais qui pourrait se décliner sous d'autres aspects.
PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !