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Après l'empreinte carbone, l'empreinte eau


mercredi 01 juillet 2009

En gros, la production de pétrole utilise moins d’eau que la production de biocarburants. Même si ceux-ci émettent moins de CO2 que celui-là, la planète ne courre-t-elle pas un autre risque ?





L'empreinte carbone de chaque source d’énergie est calculée et recalculée à l’envie par les experts. Mais on a souvent tendance à négliger l'empreinte eau, qui est la face cachée des énergies renouvelables. Les réserves d'eau de la planète ne sont pourtant pas inépuisables et pourraient même venir à manquer à l'horizon 2050. Aussi, chercheurs et analystes tirent-ils la sonnette d'alarme.

«Trop souvent, les définitions [du développement durable] mettent l'accent sur la consommation d'énergies fossiles et les émissions de CO2 qui en découlent, au détriment de l'utilisation d'autres ressources rares comme l'eau, notamment.», écrit l'Américain Geoffrey Styles, gérant de sa propre firme de consultants sur l'énergie et les stratégies environnementales, GSW Strategy Group, et par ailleurs blogger prolifique (son blog, Energy Outlook, fait partie du Top 50 des blogs environnementaux du Times).

«De façon ironique», poursuit-il, «la production et le raffinage de pétrole consomment en moyenne beaucoup moins d'eau par litre que la plupart des biocarburants. L'écart est moins flagrant si on prend en compte la production de biocarburants d'origine non alimentaire qui demandent peu ou pas d'irrigation.»

Une étude américaine intitulée The water footprint of biofuels : a drink or drive issue ?, publiée en mai dans le journal Environmental Science and Technology, a ainsi calculé que l'extraction du pétrole nécessitait de 10 à 40 litres d'eau/MWH (et son raffinage de 80 à 150 litres d'eau/MWH) contre de 2 270 000 à 8 670 000 litres d'eau/MWH pour l'irrigation de l'éthanol de maïs. Mais les biocarburants ne sont pas les seuls en cause. Ainsi, «la géothermie profonde¹, qui a un fort potentiel en tant que source d'énergie à faibles émissions de CO2, requière d'injecter de grands volumes d'eau sous terre afin de créer des réservoirs hydrothermaux artificiels.»

Michael Webber, un chercheur de l'Université du Texas cité par Paul O' Callaghan sur son Cleantech blog, décrit ainsi le paradoxe eau/énergie : «Nous consommons l'or bleu (l'eau) pour faire pousser l'herbe, puis nous consommons l'or noir (le pétrole) comme carburant pour la couper, avec dans la plupart des cas un gain nul pour la société.» Et d'ajouter, «La transition de l'essence à l'électricité ou aux biocarburants est une décision stratégique pour basculer notre dépendance au pétrole étranger vers les réserves d'eau nationales.» De l'or noir à l'or bleu...

Pour Paul O'Callaghan, l'auteur de Water technology Markets : key opportunities and emerging trends, la solution à ce cercle vicieux tient en une phrase: «Economiser l'eau revient à économiser l'énergie et vice-versa». Dans son ouvrage, O' Callaghan met ainsi l'accent sur les technologies capables de produire de l'énergie à partir des eaux usées, de même que sur les technologies qui consomment moins d'énergie pour désaliniser l'eau de mer, avec une mention spéciale pour les piles microbiologiques² qui permettent d'épurer l'eau tout en produisant de l'électricité. Cette technologie, qui n'en est qu'à ses balbutiements, pourrait ainsi permettre un jour de transformer les centrales de traitement des eaux usées, aujourd'hui très consommatrices d'énergie, en productrices nettes d'énergie.

(1) La géothermie profonde est le principe d'extraire la chaleur contenue dans le sol grâce à deux puits forés dans la roche granitique à plus de 150°C. L'eau injectée dans un puits ressort dans l'autre sous forme de vapeur brûlante. La géothermie profonde permet ainsi de produire de l'électricité grâce à la vapeur qui jaillit avec assez de pression pour alimenter une turbine.


(2) «
La pile microbiologique utilise le même principe qu'une pile à combustible, si ce n'est que la matière organique joue le rôle de l'hydrogène et les bactéries, celui du platine. Les matières polluantes sont digérées par les bactéries qui libèrent des électrons, immédiatement captés par une cathode, ce qui crée un courant électrique.» (voir détails)(http://www.energetique.info)

Sources:

StyleGeoffrey, Sustainable energy, Energy outlook, publié en ligne le 23/06/2009

O' Callaghan Paul, Water and Energy. Crisis and opportunities, Cleantech blog, publié en ligne le 23/06/2009

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