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Allemagne : les grandes lignes de la nouvelle politique énergétique


mercredi 30 septembre 2009

La victoire de la coalition CDU/CSU et Libéraux du FDP va permettre de clarifier la politique énergétique de l'Allemagne. Tout particulièrement dans le domaine très controversée du nucléaire


La politique énergétique –notamment à l’égard du nucléaire- a été un enjeu important dans la campagne électorale et les positions très proches exprimées par l’Union CDU-CSU et les libéraux du FDP constitueront vraisemblablement la base des nouvelles orientations allemandes.

NUCLEAIRE

C’est sur la question de l’énergie nucléaire - qui représente aujourd'hui plus de 20% de la production d'électricité allemande - que le futur gouvernement sera le plus attendu.
L'Union (CDU/CSU) et le FDP y voient une technologie de transition vers les énergies renouvelables (EnR), respectueuse du climat car non émettrice de CO2, nécessaire dans le mix énergétique à moyen terme, en attendant que les EnR alternatives soient disponibles en quantités suffisantes et économiquement viables.

Ils souhaitent ainsi renoncer à la loi de sortie du nucléaire (1) et rallonger la durée de vie des centrales nucléaires allemandes, sans pour autant proposer pour le moment de lancer la construction de nouvelles centrales. Selon eux, au moins la moitié des bénéfices liés à l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires doivent être investis par les groupes énergétiques dans la recherche (efficacité énergétique et EnR) ainsi que dans la réduction des prix de l'électricité. Ils envisagent de poursuivre la recherche nucléaire, pour que les compétences allemandes en terme de sécurité nucléaire soient reconnues mondialement.
En ce qui concerne le stockage définitif des déchets radioactifs, l'Union et le FDP veulent abroger le moratoire de Gorleben (2) , afin de déterminer dès que possible l'aptitude du site pour un stockage définitif des déchets nucléaires à haute radioactivité.
Ces positions tranchent clairement avec celles du SPD (socio-démocrates) qui voulait se conformer à la fermeture de tous les réacteurs nucléaires d'ici 2021, stipulée dans la loi du nucléaire. Les Verts et Die Linke souhaitaient en particulier sortir immédiatement du réseau électrique toutes les vieilles centrales nucléaires particulièrement risquées (3). Les trois partis s'accordaient pour exiger de nouvelles recherches de site de stockage des déchets nucléaires, ainsi que la participation financière des grands groupes énergétiques aux coûts de stockage définitif (4).

ELECTRICITE - EMISSIONS DE GES

Les partis politiques s'accordaient globalement sur la directive de l'Union Européenne imposant la réduction des émissions de GES de 20% d'ici 2020 par rapport au niveau de 1990, avec des objectifs plus ou moins ambitieux. Le FDP compte suivre la directive européenne pour 2020 (- 20%), et atteindre une réduction globale d'au moins 30% d'ici 2050 ; la CDU/CSU souhaite aller plus loin et réduire les émissions de GES d'au moins 40% d'ici 2020, chiffre que retenaient aussi le SPD et les Verts.

L’accord est général pour un approvisionnement en énergie moins dépendant des importations, rentable économiquement et respectueux de l'environnement. L'Union et la FDP souhaitent développer la concurrence sur les marchés énergétiques, y compris au niveau européen, pour enrayer la domination des réseaux d'électricité et de gaz par les quatre grands groupes électriciens allemands (5) en favorisant l'apparition de nouveaux acteurs. L'Union compte aussi instaurer un approvisionnement énergétique décentralisé et flexible, et notamment atteindre au moins 25% de la production d'électricité par l'intermédiaire de la cogénération d'ici 2020, objectif poursuivi aussi par le SPD et les Verts.

L'Union CDU-CSU et le FDP prônent un mix énergétique plus large, incluant des sources énergétiques fossiles utilisées de façon plus efficace et respectueuse de l'environnement, et notamment le charbon. Pour garantir la sûreté d'approvisionnement, ils revendiquent la modernisation rapide du parc de centrales conventionnelles par la construction de centrales thermiques au charbon et au gaz à plus haute efficacité énergétique – produisant néanmoins des quantités de CO2 non négligeables. Ils reportent donc leurs espoirs sur les nouvelles technologies comme la technique CCS (6), qui soulève cependant des protestations massives des citoyens, alors qu'un cadre juridique peine à être instauré (7). Le développement des technologies hybrides fait aussi partie de leurs priorités. Les Verts et Die Linke ont exprimé au contraire leur méfiance vis-à-vis de la technique CCS, craignant notamment que la monopolisation des sites de stockage sous-terrains ne bloque le développement des EnR.

ENERGIES RENOUVELABLES

Le solaire, la géothermie, l'énergie éolienne, la biomasse constituent des sources d'énergie alternatives que tous les partis politiques souhaitent développer à plus ou moins long terme : le FDP et l'Union prévoient d'augmenter leur part à 20% de la consommation d'énergie primaire d'ici 2020, l'Union ajoutant un objectif de 30% dans la production d'électricité. Si le FDP souhaite rehausser la concurrence entre les EnR dans le domaine électrique, et ainsi réduire les subventions pour l'électricité verte, l'Union et les Verts veulent maintenir un bonus pour l'écoélectricité. Ceci s'accompagnerait pour l'Union et le FDP d'une recherche accrue dans les technologies de stockage d'énergie. L'Union veut en outre construire des réseaux de transport d'électricité intelligents à haute tension pour intégrer davantage les EnR dans le réseau électrique.

TRANSPORTS ET BATIMENT

La question du transport et de l'électromobilité divise les partis : l'Union et le SPD souhaitent faire rouler d'ici 2020 un million de véhicules électriques à partir d'électricité verte, et comptent pour cela investir 500 millions d'euros (8) ; le FDP et les Verts exigent, de plus, des mesures d'incitation à l'achat de véhicules électriques.

Enfin, dans le domaine du bâtiment, les partis s'accordent sur le développement des programmes de soutien de la banque KfW pour la rénovation énergétique du parc immobilier (isolation thermique) et la neutralité climatique des nouveaux bâtiments.

Ainsi, les préoccupations environnementales figuraient en bonne place dans les professions de foi de tous les partis politiques, présentant les technologies vertes comme des solutions innovantes anti-crise. La reprise du débat sur le nucléaire montre l'importance pour la politique allemande de la question non encore résolue des sites de stockage des déchets radioactifs.
Tous les partis politiques ne semblent s'accorder que sur un point : éviter un réchauffement climatique mondial supérieur à 2 °C (9) par rapport au niveau atteint en 1850.
Notes

[1] Atomgesetz : cette loi, entrée en vigueur en Allemagne en 2002, limite les durées d'opération des réacteurs nucléaires allemands à 32 ans, et s'est donné pour objectif l'arrêt graduel de l'utilisation de l'énergie nucléaire pour la production d'électricité d'ici 2021.

[2] Gorleben (dôme salin) : initialement choisi comme centre de stockage géologique en Allemagne pour les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue. Le projet est cependant contesté et bloqué par un moratoire de 10 ans depuis 2000.

[3] Biblis A et B, Brunsbüttel et Neckarwestheim

[4] En particulier dans l'assainissement des sites d'Asse et de Morsleben.

[5] RWE, Vattenfall, E.on et EnBW.

[6] CCS : Carbon Capture and Storage. Les procédés CCS doivent permettre de séparer le CO2 des gaz résiduels des centrales thermiques et de le stocker durablement dans des couches souterraines de roche poreuse.

[7] Le 24 juin 2009, au Bundestag, le chef du groupe CSU Peter Ramsauer a annoncé son refus d'adoption de la loi CCS, reportée à l'automne 2009 ; cette loi constitue cependant une condition préalable à l'expérimentation de la nouvelle technique CCS et à sa commercialisation ultérieure.

[8] Dans le cadre du plan national de développement de l'électromobilité, adopté par le gouvernement fédéral le 19/08/2009.

[9] Pour réduire le changement climatique, parmi les 192 pays signataires de la convention cadre pour le climat des Nations Unies, 109 ont affirmé désirer limiter le réchauffement mondial à 2°C ou moins par rapport au niveau préindustriel. L'"objectif-2°C" est convoité de sorte qu'entre 2000 et 2050, seulement mille milliards de tonnes de CO2 soient émis.

1 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Marie Durand
jeudi 01 octobre 2009 16:49
La victoire d'une coalition de conservateurs-libéraux en Allemagne m'a fort attristé, tant par rapport au plan énergétique qu'ils propose pour l'Allemagne, mais aussi pour ce que cela reflète au niveau économique. La crise que nous traversons est due, en tout état de cause, à un emballement des finances mondiales. Elle est profondément due aux limites du système libéral (j'entends capitaliste). L'Allemagne paye déjà un lourd tribu de cette crise.. mais semble en redemander, et vouloir, alors qu'elle était un pionnière en matière d'énergie propre (oui le nucléaire est propre... sauf ses déchets!) reprendre son programme nucléaire... mauvaise nouvelle. Vraiment.
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