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Stéphane Meunier, 37 ans, est Directeur Associé en charge du Pôle Energie & Utilities de Sia Conseil. Il travaille depuis 10 ans pour des énergéticiens français et européens sur leurs projets de transformation...

Charles Beigbeder : l’isolation de la maison peut permettre de consommer sept fois moins !


lundi 27 octobre 2008

Après une carrière dans la banque et le courtage, Charles Beigbeder crée en 2002 Poweo, opérateur indépendant d’électricité et de gaz dont il est aujourd’hui PDG. Il répond ici aux questions du blog énergie de SIA-Conseil, dont le directeur associé est Stéphane Meunier.


La politique énergétique européenne
SIA-Conseil : Pensez-vous qu’il est nécessaire d’harmoniser le mix énergétique des pays à l’échelle européenne ? Dans l’affirmative, vers quel modèle se tourner idéalement ? Le tout nucléaire ?

Charles Beigbeder : Il est vrai que le mix énergétique à l’échelle européenne est très hétérogène et que pour plus d’efficience, il faudrait tendre vers une harmonisation. Cela passerait notamment par un renforcement du nucléaire en Allemagne. Hors nucléaire, il convient de tendre, pour les périodes de pointe, vers une énergie moins polluante. Ainsi, si on utilise des centrales thermiques, il est mieux d’utiliser des centrales à gaz naturel, que des centrales à charbon.

Sia Conseil : La commission pense que le prix du marché de l’électricité (tiré par l’Allemagne actuellement) est un bon indicateur pour déclencher les décisions d’investissement. Que pensez-vous de cette logique de prix de marché et de sa répercussion en France sur le prix de vente pour le consommateur final ?

Charles Beigbeder : Aujourd’hui en France nous n’allons pas dans la direction qu’il conviendrait et qui permettrait de susciter de bons comportements. L’augmentation du prix de l’énergie nous aiderait à lutter contre le gaspillage et apprendre à économiser ce bien partagé. La logique de subvention de l’état ne donne pas le bon signal aux français. L’exemple du tabac est édifiant. Pour susciter les bons comportements, on a mis en place des taxes qui ont progressivement fait chuter la consommation. En revanche, pour ce qui est de l’énergie, l’état applique la logique inverse. L’argent que l’état utilise pour subventionner les prix devrait être investi dans la recherche de solutions durables, comme le développement des techniques de captage du CO2.

Innovation et évolutions technologiques

Sia conseil : Quelle importance tient l’innovation dans votre métier ? Quels axes d’innovation privilégiez-vous (marketing, technologie…) et comment est organisée la fonction de R&D chez Poweo ?

Charles Beigbeder : Au démarrage de Poweo, nous avons axé l’innovation sur le marketing. Nous axons désormais nos efforts sur les technologies de moyens de production, notamment dans l’hydraulique et le photovoltaïque. Dans ce sens, par exemple, le 17 octobre, nous avons inauguré notre premier barrage aux Pradeaux, dans le Puy-de-Dôme.
Nous axons aussi notre innovation sur les services d’efficacité énergétique. La Poweo Box en est une illustration. Si aujourd’hui elle ne connaît pas une essor fulgurant, elle représente un observatoire formidable des comportements et nous travaillons actuellement sur la V2, en y intégrant une logique de partenariats.
Nous travaillons également sur les solutions de captage de CO2, avec nos partenaires : EDF, Total, Arcelor-Mittal.
Nous n’avons pas encore de département dédié à la recherche et au développement. En revanche, une dizaine de collaborateurs travaillent en interne sur ces sujets et un directeur de l’innovation coordonne l’ensemble des actions.

Développement durable

Sia Conseil : Un des principaux leviers en matière de développement durable réside dans la Maîtrise de la Demande d’Energie. Comment, concrètement, la participation de Poweo à cette dynamique MDE s’illustre-elle ?

Charles Beigbeder : Nous développons aujourd’hui des services en conseil énergétique afin d’aider les consommateurs à mieux maîtriser leur consommation. Pour cela, nous construisons un réseau d’agences en France. Un premier maillage à été mis en place dans le sud de la France.
Notre but est notamment d’expliquer aux consommateurs comment faire pour que leur facture n’augmente pas avec les prix de l’énergie. Il y a encore un grand potentiel d’amélioration. Par exemple, changer l’isolation de sa maison peut permettre de consommer jusqu’à sept fois moins !
Mais il faut que l’état donne l’exemple, en mettant en place de nouvelles normes pour les bâtiments, en subventionnant, par exemple, les travaux de rénovation. Ceci peut se faire dans une logique gagnant – gagnant.
Je développe justement l’ensemble de ces sujets dans un livre à paraître en novembre, « La crise de l’énergie est-elle une chance pour l’avenir ?» (éditions JCLattes).

Panorama du marché à long terme

Sia Conseil : Certains spécialistes du secteur pensent qu’à terme le marché de l’énergie à l’échelle européenne sera régi par des oligopoles. Etes-vous d’accord avec cette analyse et comment voyez-vous l’avenir de Poweo dans cette perspective ?

Charles Beigbeder : La logique des marchés tendrait bien sûr à nous le faire penser. Mais l’exemple des telecoms nous permet de prendre un peu de recul. Il y a 10 ans, on pensait qu’il ne resterait sur le marché européen que 5 géants. Or, aujourd’hui des acteurs tels que Free résistent parfaitement. Mais contrairement aux télécoms, la liberté n’est pas la même et dans le secteur de l’énergie, nous rencontrons un réel obstacle, celui des tarifs réglementés.

Le blog énergie de SIA-Conseil

photo Groupe Poweo
1 commentaire(s)
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Commentaire par Vincent GALLO
jeudi 30 octobre 2008 16:02
Je suis habitant d’un petit village, Saint Jouin-Bruneval, à 5 kms d’Etretat, où Monsieur Beigbeder désire implanter un port méthanier afin d’alimenter ses centrales au gaz.
Je suis élu dans ce village et nous nous opposons de toutes nos forces à ce projet ainsi que celui (toujours porté par POWEO !) de construction d’une centrale au charbon au Havre.
Il m’est complètement insupportable d’entendre Monsieur Beigbeder parler d’énergie verte et de développement durable. Depuis quand le gaz et le charbon sont-ils propres ?

Certes les centrales au gaz sont moins émettrices de CO2 que d’autres centrales thermiques, mais c’est occulter tout le processus d’extraction du gaz, de liquéfaction (transformation en GNL) et de son transport, qui sont fortement consommateurs d’énergie (donc émetteurs de CO2) et qui en outre provoquent une déperdition dans l’atmosphère de méthane, qui est un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le CO2 (cf article dans La Recherche, en mars dernier).
La stratégie qui consiste à dire que POWEO c’est du vert est purement et simplement malhonnête. Si POWEO s’engage à faire à l’horizon 2012 25% d’énergies renouvelables, cela veut dire qu’il fera 75% d’énergie d’origine polluante et émettrice de CO2!

Quand Monsieur Beigbeder parle de nécessité de diversifier l’approvisionnement énergétique de la France, qui est-il pour nous dire cela ? Qu’elle compétence a-t-il ?
N’est ce pas à l’Etat d’en juger ? Or l’Etat ne soutient pas ces projets, car ils sont à l’opposé du texte de loi établi par le gouvernement (Grenelle de l’environnement) et voté à la quasi unanimité par les députés. Ce texte préconise de « réduire les besoins en énergie » et donc de diminuer la consommation énergétique, d’économiser les énergies fossiles, de développer les énergies renouvelables. Ce texte prévoit en outre « la taxation des consommations d’énergies fossiles ». On est donc très loin du discours de Monsieur Beigbeder qui aimerait voir fleurir ces centrales au gaz.
Sa stratégie qui consiste à dire que c’est une nécessité pour la France tient de l’esbroufe. Un exemple frappant de ce mensonge est que son projet de port méthanier dans notre village n’a pas obtenu la dénomination de « Projet d’Intérêt Général » par l’Etat, et ce malgré les amitiés connues et le lobbying fait par Monsieur Beigbeder.

Ce Monsieur n’est pas du tout philanthrope, sa carrière parle pour lui. C’est un financier, certes plutôt doué, qui cherche à profiter de l’ouverture des marchés de l’énergie, comme il a profité de la bulle internet (avant que celle-ci n’explose !).
S’il était honnête et réellement respectueux des générations futures, il ferait 100% d’énergies renouvelables, mais cela est beaucoup moins lucratif que le gaz…


[Réponse de l'auteur]
Cher Monsieur, Je connais un peu votre région et j'imagine que vous combattez un projet industriel qui vient en perturber la quiétude. A titre individuel nous comprenons tous votre appréhension, mais pour défendre votre opinion vous occultez de nombreux aspects de la problématique énergétique, utilisant ainsi les mêmes armes que vous reprochez à M. Beigbeder... Au final, vous troublez le débat et la recherche d'une solution à la fois acceptable et faisable. Sans aller dans le détail du fonctionnement du système électrique vous omettez de mentionner que les énergies renouvelables sont des énergies dites fatales. C'est à dire qu'elles ne produisent rien s’il n'y a pas suffisamment de vent, de soleil ou d'eau selon l'énergie concernée. Vous voulez 100% d'énergie renouvelable ? Dans ce cas, êtes-vous prêt à renoncer régulièrement et aléatoirement à votre confort ? Et si toutefois vous êtes prêt à accepter cette contrainte, êtes vous d'accord pour installer autant d'éoliennes ou de fermes solaires que nécessaires pour produire l'équivalent d'une centrale à charbon ou à gaz ? Par ailleurs, vous décréter que le gaz est plus rentable que les énergies renouvelables sans mentionner que l'état a mis en place depuis plusieurs années une obligation d'achat à un tarif préférentiel qui garantit une rentabilité des investissements alors même que le gaz, indexé sur le prix du pétrole, reste une source bien plus risquée pour un énergéticien. Mais la souplesse d'utilisation d'une centrale à gaz en fait un moyen de production pour le moment incontournable en attendant de nouvelles technologies plus propres. Enfin, puisque vous mentionnez le Grenelle de l'Environnement vous auriez pu préciser que la plupart des articles du projet de loi visent à la réduction de la consommation d'énergie qui finalement reste le meilleur moyen d'éviter la construction de nouveaux moyens de production ! Et là, nous avons tous - citoyens, entreprises et pouvoirs publics - un rôle à jouer qui peut permettre d'arriver à une solution acceptable par toutes les parties prenantes. PS : Je précise que nous ne travaillons pas pour Poweo. Nous cherchons juste à contribuer à la réflexion en publiant nos points de vue et en interviewant les acteurs du marché, publics ou privé, en prêtant une attention particulière à l'objectivité des analyses que nous publions. A votre disposition pour continuer ce débat, Stéphane Meunier Directeur Associé en charge du Secteur Energie au sein du cabinet Sia Conseil
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Stéphane Meunier, 37 ans, est Directeur Associé en charge du Pôle Energie & Utilities de Sia Conseil. Il travaille depuis 10 ans pour des énergéticiens français et européens sur leurs projets de transformation...

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