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Auteur
Adrien Fourmon est avocat à la Cour. Il est associé au cabinet Huglo-Lepage.

Le renouveau des barrages français


jeudi 10 juin 2010

L'hydroélectricité est une source d'énergie renouvelable mal connue du grand public. Or, elle est en pleine mutation : le renouvellement des concessions, leur ouverture à la concurrence et la réorganisation du marché de l'électricité devraient lui apporter un second souffle et mettre en valeur ses atouts financiers et environnementaux.


L’énergie hydraulique constitue la seconde source de production d’électricité en France. Elle représente 12% de la production totale d’électricité, avec une capacité de production de 70 TWh en année moyenne (2ème parc installé en Europe après la Norvège).

On notera, à titre liminaire, que l'hydroélectricité présente plusieurs atouts : il s'agit d'une source d'énergie renouvelable et locale.

Elle permet un stockage de l'énergie et la modulation de la production électrique, apportant ainsi une contribution appréciable à la stabilité du système électrique. L'hydroélectricité, lorsqu'elle est associée à un réservoir (lac, barrage, etc.), est la seule énergie renouvelable modulable, et joue de ce fait un rôle crucial dans la sécurité et l'équilibre du système électrique français.

Enfin, elle n'est pas productrice de gaz à effet de serre.

L’Etat a ainsi exprimé son souhait du «maintien du potentiel de production hydroélectrique» à l'article 4 de la loi POPE (loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique (POPE) n°2005-781 du 13 juillet 2005 (Art. 29)

La remise en concurrence des concessions hydroélectriques

La modification apportée par le décret du 26 septembre 2008, reprenant sur ce sujet les recommandations du Rapport Leteurtrois de novembre 2006 , impose l'organisation systématique de la concurrence pour l'attribution des concessions de force hydraulique.

Par suite, le Rapport Champsaur d’avril 2008 a notamment confirmé le caractère de délégation de service public des concessions hydroélectriques et a proposé une procédure de mise en concurrence.

Les concessions hydroélectriques accordées sur le fondement de la loi du 16 octobre 1919, l'ont été, en général, pour la durée maximale de soixante-quinze ans prévue par ce texte, or elles arrivent à échéance dans la période actuelle. Puisqu'il est admis qu'elles sont des concessions, non seulement de travaux publics, mais aussi de service public, leur renouvellement est soumis aux procédures de la loi Sapin.

Ainsi, c’est environ 5 000 MW d’ici à 2020, soit près d’un quart de la puissance hydroélectrique qui sera remise en concurrence. Entre 2020 et 2030, ce seront 6.500 MW supplémentaires.

Le candidat à la concession, puis le concessionnaire, sont chargés de nouvelles obligations ayant pour finalité une meilleure protection de l'environnement. Elles sont imposées lors de la procédure d'attribution de la concession, à l'occasion de la réalisation de l'ouvrage, de travaux ultérieurs sur celui-ci, puis en fin de concession.

A ce titre, la Loi Grenelle 1 du 3 août 2009 (art. 19-V) précise que l’étude des conditions dans lesquelles les unités de production d'hydroélectricité de puissance installée ≤ 12 MW pourront bénéficier de l'obligation d'achat de l'électricité produite ou de son renouvellement, si elles remplissent des critères environnementaux (1).

A noter également que la loi Grenelle 1 (Art. 20) prévoit qu’«afin de limiter les dommages environnementaux causés par l'activité hydroélectrique sur les bassins versants sur lesquels les ouvrages sont installés, et afin de faciliter la mise en place de politiques locales de développement durable, la taxe sur le chiffre d'affaires des concessions hydroélectriques pourra être déplafonnée au-delà de 25 %.»

Vers des barrages hydroélectriques de haute qualité énergétique et environnementale

Le secteur de l’énergie hydraulique vient s’inscrire dans un contexte réglementaire chargé en Europe, et plus particulièrement deux directives dans les domaines de l’eau et des énergies renouvelables :

• La directive 2009/28/CE sur les sources d'énergies renouvelables (SER), suivant laquelle la France doit produire 23 % de sa consommation d'énergie à partir d'énergies renouvelables en 2020 ;

• La directive cadre sur l’eau n°2000/60/CE du 23 octobre 2000  (DCE) qui a pour objectif la non dégradation et l’atteinte du bon état des masses d’eau en France à l’horizon 2015, sauf reports dûment justifiés en 2021 ou 2027.

La France, à travers la première des lois «Grenelle», s’est d’ailleurs engagée à atteindre ce bon état en 2015 pour 66% des eaux douces de surface. L’Etat s’est également engagé à la mise en place à l’échéance 2012, d’une trame verte et bleue, visant à restaurer des continuités écologiques pour les milieux terrestres et les milieux aquatiques et préserver la biodiversité.

La conciliation de ces deux enjeux que sont la lutte pour la reconquête de la biodiversité aquatique face à l’érosion (continuité écologique des cours d’eau) et celui du changement climatique au travers de ces deux directives, doit conduire à une gestion équilibrée de la ressource, en trouvant des compromis et en fixant des priorités.

L’autorité concédante choisira ainsi dans le cadre des prochains appels d’offres le meilleur projet au triple plan énergétique, environnemental et financier :

1. Sur le plan énergétique et de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre : la mise en concurrence incitera les candidats à proposer des investissements importants de modernisation des installations existantes, et de nouveaux équipements pour augmenter la performance de cette énergie renouvelable.

2. Sur le plan environnemental : les candidats devront proposer une meilleure protection des éco-systèmes tout en respectant les usages de l’eau autres qu’énergétiques (protection des milieux aquatiques, soutien d’étiage, irrigation,…).

3. Sur le plan économique : une redevance proportionnelle au chiffre d’affaires de la concession sera instaurée pour que le bénéfice revienne à la collectivité (Etat, collectivités locales).

Les candidats à l’exploitation devront impérativement répondre à trois exigences :

1. Une exigence absolue de sécurité des installations ;
2. Une exigence d’efficacité énergétique afin d’exploiter au maximum le potentiel de production des barrages français ;
3. Une exigence d’exemplarité en termes de qualité des eaux, de respect de l’environnement et des écosystèmes.

Dans certaines vallées, l’Etat étudie l’opportunité de regrouper les concessions hydroélectriques pour optimiser leur exploitation. La liste des concessions en renouvellement (cf. Annexe) pourra le cas échéant être modifiée et complétée en procédant à des regroupements des concessions hydroélectriques situées dans une même vallée pour optimiser tant sur le plan énergétique qu’environnemental l’exploitation de ces installations interdépendantes.

L’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques va induire une reconfiguration de la production d’hydroélectricité en France. Outre l’aspect financier, elle pose un certain nombre d’enjeux en termes d’aménagement du territoire, d’environnement et d’efficacité énergétique ainsi qu’en termes d’appréhension du milieu local ainsi que des parties prenantes…

De plus, les conséquences de la Loi NOME vont amener à une reconfiguration du marché français de l’électricité vers la constitution de plusieurs producteurs et fournisseurs dans une logique d’investissements à haute valeur environnementale.

Ce projet de Loi NOME devait être présenté à l’Assemblée Nationale à la mi-juin , puis au Sénat, après adoption en Conseil des Ministres le 14 avril 2010 avec une application prévue en janvier 2011. Reste qu’après dix ans d’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence et de recours aux mécanismes de marché, le bilan est assez mitigé. Des efforts restent à fournir pour encourager le développement de la concurrence et permettre une véritable ouverture du marché.

Annexe

Le tableau ci-après  indique la liste des concessions qui seront mises en concurrence dans les prochaines années. Cette liste pourra être complétée en cas d'anticipation de la fin de certaines concessions, notamment dans le cadre d'éventuels regroupements de concessions hydroélectriques interdépendantes dans une vallée.
Nom usuel du titre
Cour d'eau principal
Département
Puissance mw
Décision de principe
art 13 loi 16/09/19
Fin de concession
Sautet Corderac
Le Drac
38/05
110
29/12/2006
31/12/2011
Lac Mort
Morte Grand Rif et affluents
38
20
21/02/200721/02/2012
Lassoula Tramezaygue

65
56
31/12/2007
13/04/2012
Brommat
La Truyère
12/15
497
13/04/2007
31/12/2012
Sarran
La Truyère
12/15
203
31/12/2007
31/12/2012
Haute Dordogne
La Dordogne
15/19/63
470
31/12/2007
31/12/2012
Vallée d'Ossau
Affluents du Gave d'Ossau
64/65
274
13/12/2007
31/12/2012
Geteu
Le Gave d'Ossau
64/65
13
27/12/2007
31/12/2012
Castet
Le Gave D'Ossau
64/65
2
27/12/2007
31/12/2012
Rhofemel
La Rance
22
6
28/12/2007
31/12/2012
Thues
La têt
66
8
27/12/2007
31/12/2012
Olette
La Têt
66
11
27/12/2007
31/12/2012
Cassagne et Font-Pedrouse
La Têt
66
19
27/12/2007
31/12/2012
Bissorte                   
L'arc
73
883

31/12/2014
Doron de Beaufort

73/74
128
&&&-
31/12/2015
Brillane Largues
La Durance
04
45

31/12/2015
Teich
L'Oriège
09
8

31/12/2017
Motte
Ugine
74
5

31/12/2018
Portillon
La Neste d'Oo/ La lys
31
84

31/12/2018
Baigt
La Gave de Pau
64
9

31/12/2019
Monceau la Virolle
La Vézère
19
19

31/12/2019
Fumel
Le Lot
19
19

31/12/2020
Aigle
La Dordogne
15/19
350

31/12/2020
Onde
Ondes
12
5

31/12/2020
Pointis de rivière
La Garonne
31
8

31/12/2020

Source : «Les concessions hydroélectriques et la mise en concurrence de leur renouvellement»

Notes :


(1) On relèvera sur le plan des tarifs d’achat applicables aux installations de puissance inférieurs à 12MW, deux textes essentiels :

- L'arrêté du 7 septembre 2005 relatif à la rénovation des installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs, cours d'eau et mers ;

- L'arrêté du 1er mars 2007 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs, cours d'eau et mers, telles que visées au 1° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000.

L’arrêté du 1er mars 2007 fixant le tarif d’achat pour l’hydraulique (Art. 1er) « fixe les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs, cours d'eau et mers, telles que visées au 1° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé. Ces installations sont de deux types :

1. Les installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs et cours d'eau ;
2. Les installations utilisant l'énergie houlomotrice, marémotrice ou hydrocinétique.

L'électricité produite à partir de systèmes de stockage nécessitant de l'énergie pour leur remplissage ne bénéficie pas de l'obligation d'achat. »

Le tarif applicable d’après l’arrêté du 1er mars 2007 est de 6,07 c€/kWh + prime comprise entre 0,5 et 2,5 pour les petites installations + prime comprise entre 0 et 1,68 c€/kWh en hiver selon la régularité de la production.



2 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Mir
dimanche 13 juin 2010 13:29
En fait, l'hydroéléctricité est productrice de gaz a effets de serre en quantités astronomiques. Les vallées qui sont innondées par les barrages sont soumises a des pressions énormes et ce tres rapidement. La fermentation des végétaux en profondeur est trop rapide et donc la vase produite est sans valeur mais elle dégage énormément de méthane et de dioxyde de carbone, qui va dans l'atmosphère, car l'eau ne peut pas dissoudre tout le gaz. Et enfin beaucoup de barrages détruisent des écosystèmes fragiles et uniques, je pense tout particulièrement au barrage du rizzanese en corse qui est en cours de construction. Donc non l'hydroéléctricité c'est pas propre du tout.
[2]
Commentaire par g.jacquin
mardi 15 juin 2010 15:02
Oui... Bof ! on ne comprend pas trop bien ou veut en venir l'auteur !!! A part peut-etre, nous laisser entrevoir une augmentation du tarif de l'énergie hydraulique!!!

Il eut été préférable de nous parler de la pérennité de cette Energie ! ou mieux, faire référence, et en détail, du rapport DAMBRINE.

http://www.cawa.fr/rapport-sur-les-perspectives-de-developpement-de-la-production-hydroelectrique-en-france-breve0071.html

Pour raffariachir les idées de certains, je rappelle que ce rapport met en évidence de nouvelles sources de productions hydroélectriques pour une puissance installée de 22.3 GW et un productible de 23.4 TWh.

Ce productible bénéficie du même rapport de fiabilité que les grosses centrales existantes (>96%) et ce, contrairement aux éoliennes qui, il faut le rappeler, se voient infliger une taxe d'incertude sur le prix de vente, si cette Energie est vendue à l'étranger! Il est vrai que la production chaotique de l'éolien pose de vrais problemes de sécurité du réseau electrique!!!
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Adrien Fourmon est avocat à la Cour. Il est associé au cabinet Huglo-Lepage.

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