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Laurent Daniellou est élève en 2e année à l’ESTP dans la filière mécanique-électricité. Il travaille actuellement sur les problématiques d’implantation des portes palières sur le métro automatique dans...

De la nécessité d’un réseau électrique européen interconnecté : éviter les coupures et intégrer les énergies renouvelables


lundi 26 avril 2010

Saturation, coupures, impossibilité de stocker le surplus énergétique... les réseaux électriques européens souffrent de bien des maux. Pour Laurent Daniellou, si l'Europe veut régler ses problèmes, elle devra entrer dans une ère confiance inter-étatique, placée sous le signe de la coordination et de la gestion des flux.


  Le slogan « Mégawattheures à vendre, cherche désespérément preneur ! » aurait pu résonner au Danemark l’automne dernier. Alimenté par 18,3% d’éolien, le réseau a été saturé lors de vents forts, alors que la France manquait d’électricité. Les échanges possibles d’énergie n’ont pas été à la hauteur. Comment coordonner les productions en Europe et gérer au mieux les flux d’énergie ?

Les interconnexions en voie d’asphyxie, malgré leur rôle prépondérant

Durant l’automne et l’hiver, des fluctuations importantes du prix du MWh ont été constatées. Le Danemark a vu le prix s’écrouler vers zéro du fait d’une offre trop abondante. L’exploitant Nordpool a ainsi introduit un prix négatif de l’électricité, afin d’éviter que celui-ci ne sombre.

La France a connu le cas opposé : avoisinant les 50€ en temps normal, le prix du MWh a atteint un record de 3000€. En effet, le pays a traversé une période risquée car des coupures ont menacé les régions Bretagne et PACA. En novembre 2009, 18 des 58 tranches nucléaires étaient à l’arrêt – essentiellement pour de la maintenance – ce qui a handicapé la production nationale au moment des grands froids. Habituellement exportatrice, la France a dû importer de l’électricité auprès de ses voisins frontaliers. L’électricité a la particularité de ne pas pouvoir être stockée à grande échelle. Des échanges sont donc utiles pour égaliser en permanence la demande et la production.

Selon Dominique Maillard, président du Directoire de RTE, l’Europe produit suffisamment d’électricité pour pouvoir répondre à ses besoins. Le problème réside donc en sa bonne répartition, comme semblent l’indiquer les cas danois et français. Il existe 45 interconnexions (cf. infra) aux frontières françaises, mais certaines liaisons sont régulièrement congéstionnées. Les interconnexions ont de forts avantages en termes de souplesse, de réductions des coûts d’investissements et de sûreté d’approvisionnement. L’inconvénient majeur est le risque d’effondrement partiel ou total du réseau interconnecté. Chaque partenaire doit donc être fiable et respecter des règles communes.

Vers un renforcement du réseau et une intégration concertée de l’éolien

Le renforcement du réseau interconnecté, devenu inévitable, peut se faire grâce à des lignes haute tension à courant continu HVDC . Elles sont particulièrement adaptées
pour les longues distances et l’enfouissement. Le continu a l’avantage de pouvoir servir d’interface entre des réseaux différents. Ainsi, les futures interconnexions entre la France et l’Italie et l’Espagne se feront par des lignes HVDC. Au point de vue politique, fin 2010 verra la naissance du « Super Grid », une alliance européenne permettant d’avoir une vue d’ensemble sur le développement des interconnexions. Le réseau national a aussi
besoin d’être renforcé pour éviter les péninsules électriques et constituer un réseau maillé. En PACA, une seule ligne de 400 kV est insuffisante. De plus, l’adaptation du réseau doit tenir compte de l’intégration des productions renouvelables décentralisées.

Adopter une vision européenne, nationale et régionale des zones futures de développement éolien s’impose pour anticiper les investissements sur le réseau, qui sont plus lents. Le gestionnaire du réseau devrait être associé en amont du déploiement des parcs éoliens.

















Faire des énergies renouvelables un réel atout : nouveau défi


L’énergie éolienne est la plus problématique car la nature intermittente du vent rend sa production irrégulière. Pourtant, l’expérimentation d’un modèle de prévision a montré que l’écart-type prévision-réalisation en France n’est que de 3% à une heure d’échéance, et de 7% à 72 heures, ce qui est satisfaisant pour la maîtrise de l’équilibre offre-demande. En revanche, les disparités sont plus importantes pour un seul parc éolien (15%), prouvant l’intérêt d’un réseau maillé et d’interconnexions. Par conséquent, l’éolien est une opportunité à saisir à condition de réaliser les infrastructures de transport et de distribution suffisantes. L’observabilité du parc, la prévision du vent et la commandabilité des installations sont les maîtres-mots pour intégrer au mieux les projets éoliens, sans pour autant négliger le risque d’absence de vent. L’Europe s’étant fixé l’objectif de 20% d’électricité renouvelable en 2020, l’amélioration des interconnexions et du maillage est urgente. Une sécurisation accrue et une meilleure répartition de la production en découleront. Des projets ambitieux comme «Desertec » au Sahara seront alors d’autant plus naturels à mettre en oeuvre que ces étapes auront été franchies.

Vous pourrez également retrouver les articles des neuf lauréats du Concours sur le Blog Energies & Environnement de Sia Conseil, ainsi que le témoignage de deux lauréats du concours sur le blog de RTE : www.audeladeslignes.com

SOURCES :

· LE FIGARO
« LE NUCLEAIRE, PRIORITE D’HENRI PROGLIO CHEZ EDF » (06/11/2009)
« UNE GRANDE PANNE N’EST PAS EXCLUE EN CAS D’HIVER RIGOUREUX » (12/11/2009)
· LE MONDE
« L’EXPLOITATION DU VENT DE LA MER DU NORD DEPEND DU RENFORCEMENT DU RESEAU ELECTRIQUE » (08/03/2010)
· LA TRIBUNE
« LE MARCHE DE L’ELECTRICITE MANQUE DE GARDE-FOUS » (06/11/2009)
· LES EOLIENNES : THEORIE, CONCEPTION ET CALCUL PRATIQUE, DESIRE LE GOUZIERES, ED. DU MOULIN CADIOU (2008), PAGES 221-238
· DOSSIER DE PRESSE DE RTE
« RTE MET EN SERVICE UN NOUVEAU DISPOSITIF DE PREVISION DE L’ENERGIE EOLIENNE ET PHOTOVOLTAÏQUE » (30/11/2009)
· HTTP://WWW.TECHNIQUES-INGENIEUR.FR
« ENERGIE EOLIENNE POUR LA FOURNITURE D’ELECTRICITE », JEAN-MARC NOËL
« GESTION DES INTERCONNEXIONS ELECTRIQUES EN EUROPE », HERVE LAFFAYE, JEAN-MICHEL TESSERON, JEAN-YVES DELABRE, JEANMARIE
COULONDRE
· HTTP://ENERGIE.SIA-CONSEIL.COM
« LE RETOUR DU CONTINU DANS LE TRANSPORT D’ELECTRICITE » (09/03/2010)
· http://www.rte-france.com
· HTTP://WWW.OUEST-ECOWATT.COM
· HTTP://WWW.IEA.ORG

6 commentaire(s)
[1]
Commentaire par pro eole
mercredi 28 avril 2010 10:05
A court d'arguments, les anti éoliens essayent de récupérer votre travail pour leur cause.
Je me permets donc d'en faire une rapide analyse pour leur démontrer que cet article sert les pro éoliens.

Qui est l'auteur de l'article ?
C'est un élève ingénieur qui vient de gagner un prix dans un concours co organisé par RTE, on peut donc dire que son expression est validée par RTE.

Le sujet de l'article :
Ce n'est pas le manque ou le trop d'éolien mais le manque d'interconnection, c'est cela qui pose problème.

D'ailleurs, le point de départ de l'article, c'est le faible coût de l'éolien danois (grâce aux vents forts) ... au moment même où la France était obligée d'acheter du courant à 3000 euros le MWH au lieu de 50.

Pourquoi la France a-t-elle été obligée d'acheter du courant aussi cher ?
a) Absence d'interconnexion avec l'éolien danois, c'est le sujet de l'article.
b) Manque de développement de l'éolien français qui, tout le monde est d'accord là-dessus, a une situation de vent beaucoup plus favorable que le Danemark ... mais pas assez d'éoliennes, çà c'est à cause des anti éoliens.
c) Manque de disponibilité de notre nucléaire national, rappelé dans l'article, quelles qu'en soient les raisons (ailleurs, j'ai souligné que les belges faisaient mieux que nous en la matière).
d) Surtout forte demande (Hiver), c'est la fameuse pointe de nos chauffages électriques imposés en dépit du bon sens par le nucléaire ...
[2]
Commentaire par PRO EOLE
mercredi 28 avril 2010 10:19
SUITE
... le même nucléaire qui n'arrive pas à alimenter les "grilles pains" électriques lorsqu'il fait trop froid. Contre la logique du Grenelle, le non sens du chauffage électrique a d'ailleurs été réaffirmé ... par un certain Député Ollier, tiens, tiens, toujours le même.

Il faut bien comprendre qu'en absence de stockage, un réseau électrique doit toujours être à l'équilibre, entre offre et demande ou, comme le dit l'article, entre différents pays interconnectés.

Les déséquilibres sont soit causés par l'offre (intermittence et donc défaut de l'éolien, j'y reviendrai ... mais aussi manque de capacité du nucléaire soulignée dans l'article), soit causés par la demande : la pointe est toujours un déséquilibre, c'est pour cela aussi qu'il faut réduire nos consommations, isoler (les 3 X 20) pour au moins réduire la pointe. Le chauffage électrique, par son manque d'efficacité énergétique, augmente la pointe.

Merci Ollier.

Dans le cas qui nous occupe, il y avait un fort déséquilibre avec une forte demande en France (à cause des chauffages électriques d'Ollier) qui n'a pu être satisfaite, faute d'interconnexion avec le Danemark et sa forte offre d'éolien, que très cher ... et par du thermique.

Comme toujours, c'est l'absence d'éolien qui amène le thermique.

Dans la situation actuelle, sans interconnexion (et sans éolien) nous consommons trop de thermique, l'auteur propose donc de développer les interconnexions.
[3]
Commentaire par pro eole
mercredi 28 avril 2010 10:35
PARTIE 3
Dans la situation actuelle, sans interconnexion (et sans éolien) nous consommons trop de thermique, l'auteur propose donc de développer les interconnexions : "Les interconnexions ont de forts avantages en termes de souplesse, de réductions des coûts d’investissements et de sûreté d’approvisionnement."

Réduction des coûts d'investissement ? En effet, l'auteur considère qu'avec des partenaires fiables (ex le RTE danois), on peut s'appuyer sur leur ressources plutôt que de dépenser sans compter pour des moyens de pointe (et thermiques).

En cohérence avec les interconnexions proposées par l'auteur vers les meilleures ressources : le Danemark pour l'éolien, la France pour le nucléaire (quand il marche), l'Espagne pour le solaire, il FAUT absolument développer l'éolien en France comme prévu.

Reprenons : bonne ressource électrique au Danemark grâce à l'éolien : parce qu'ils ont beaucoup de vent ?, non, parce qu'ils ont beaucoup d'éoliennes ; bonne ressource électrique en France grâce au nucléaire, parce que nous avons beaucoup d'Uranium ?, non, parce que nous avons beaucoup de Centrales nucléaires; bonne ressource électrique en Espagne grâce au solaire, parce qu'ils ont beaucoup de soleil ? Oui, et aussi, beaucoup de Centrales solaires de toute taille et de toute forme.

Au-delà des interconnexions, la double question qui se pose c'est "Où mettre les nouveaux moyens de production ?" et "Quels moyens de production?"
[4]
Commentaire par Laurent Daniellou
jeudi 29 avril 2010 21:53
Merci pour le commentaire. Je regrette néanmoins la récupération de mon article par les camps pro et anti éolien, car ils déforment un peu mon propos.

Même si j'ai une bienveillance naturelle pour les énergies renouvelables, et donc l'éolien, je ne considère pas que la solution est d'installer 10 éoliennes à 250 mètres des clochers de tous les villages, en caricaturant. Il faudrait plutôt définir en concertation des zones précises qui ont un fort potentiel de vent et qui s'y prêtent. (loin des habitations, offshore, etc.)

Quelques remarques sur l’analyse de "pro eole" :

- Ce n'est pas l'éolien mais les interconnexions qui permettent de réduire la part du thermique dans le mix. Si le Danemark avec ses 18,3% d'éolien était sans interconnexion, il devrait doubler ses éoliennes par du thermique pour pallier le cas d'absence de vent, i.e. l'effet contraire de ce que vous indiquez !

- Vent et soleil d'une part et uranium d’autre part sont différents. Ce dernier est importé ; on peut moduler la ressource. Il est difficile de comparer l'installation d'éoliennes et la construction de centrales nucléaires. Toutefois, un des enjeux des interconnexions est de permettre le développement massif d’une énergie renouvelable donnée dans un lieu donné et adapté : éolien en mer du Nord, solaire en Méditerranée.

- Les éoliennes seront davantage pertinentes lorsque le réseau sera plus interconnecté. Les interconnexions répondent plus à une logique pro que anti éolien.
[5]
Commentaire par Tilleul
jeudi 29 avril 2010 23:51
Faire un travail sur l'éolien sans même savoir que le réseau du Danemark est coupé en deux parce qu'il est moins onéreux pour eux de relier une partie de leur pays à l'Allemagne et une autre à la Scandinavie est-ce que c'est crédible ?

Sans compter l'influence des cogénérations, c'est pas 20% d'énergie décentralisée qu'à le Danemark c'est 40%, leur contrôle est d'ailleurs un des axes de travail obligatoire mis en place pour pouvoir passer à 50% d'EnR dans les prochaines années (cf le projet Cell d'Energinet.dk)

Si le Danemark n'avait pas d'interconexions avec ses voisins il aurait un réseau électrique "normal" où les deux parties du pays seraient raccordés entre elles et où on aurait moins d'échanges avec l'extérieur et plus d'échange à l'intérieur...

La preuve c'est que l'Espagne a maintenant une part d'éolien sur le réseau comparable au Danemark tout en étant une péninsule électrique... et pourtant elle n'a pas eu à "doubler ses éoliennes par du thermique" (au passage "thermique" ça ne veut rien dire... puisque c'est une catégorie qui englobe aussi bien le générateur diesel, la cogénération gaz, la centrale vapeur charbon... et même le nucléaire!)

Comme quoi wikipedia et les blogs ça n'est pas suffisant pour maitriser son sujet...
[6]
Commentaire par Laurent Daniellou
vendredi 30 avril 2010 18:19
Je vous rappelle juste une des règles du concours "Génération Energies" : l'article est limité à 4500 caractères. Dans ces conditions, compte tenu de mon sujet, je ne pouvais pas développer plus le cas danois, qui n'est ici QU'un exemple. Ceci dit, vos compléments d'information mériteraient peut-être que vous rédigiez un article entièrement consacré à l'éolien danois (?)

Concernant le fait de "doubler l'éolien", c'est une schématisation 'grossière' pour mettre en valeur le problème. Par ailleurs, il est évident que le terme "thermique" dans le contexte signifie énergie électrique d'origine fossile (inutile d'être puriste à l'extrême).

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Laurent Daniellou est élève en 2e année à l’ESTP dans la filière mécanique-électricité. Il travaille actuellement sur les problématiques d’implantation des portes palières sur le métro automatique dans...

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