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Philippe Delaplace est ingénieur à l'IFP (innovation, energie, environnement - ancien sigle : Institut français du pétrole). LÂ’IFP est un organisme public de recherche et de formation,...

Piéger le CO2 sous terre : y a-t-il des risques de fuite ?


lundi 23 février 2009

Comment réduire les émissions de CO2 ? L'une des solutions consiste à le confiner sous terre. Explications techniques de Philippe Delaplace, ingénieur à l'IFP.


Où envisage-t-on de stocker le CO2 ?


Ph.D. : Le CO2 pourra être stocké dans d'anciens gisements de pétrole ou de gaz naturel ayant déjà fait la preuve de leur étanchéité et dont la mise en production a suffisamment fait baisser la pression interne.
Il sera donc possible de les "regonfler" avec du CO2 jusqu'à une pression un peu inférieure à leur pression d’origine. Il est également envisagé de stocker le CO2 dans des aquifères salins, formations géologiques remplies d'eau salée impropre à la consommation, situées entre 800 et 3000 mètres de profondeur.
Dans ces deux cas, le CO2 sera injecté dans une roche de type "réservoir" c'est-à-dire une roche poreuse et perméable (grès ou calcaire) surmontée d'une formation géologique étanche (argileuse ou argilo-calcaire) appelée roche "couverture". 

Comment choisir les meilleurs sites ?

Ph.D. : Cela suppose de bien connaître la géologie des sites envisagés mais aussi la composition minérale et les propriétés des roches « réservoir » et « couverture ».
Le choix ultime des sites reposera sur des simulations numériques comparatives permettant de tester différents scénarios d’injection. (...)
L’étude des gisements naturels de CO2 nous aide également à mieux comprendre le comportement à long terme du CO2 et à identifier les cas les plus favorables à son confinement du point de vue de la géochimie. 
 
Mais que devient le CO2 une fois injecté dans le sous-sol ?

Ph.D. : Le CO2 est comprimé et injecté sous forme dite « supercritique » (température supérieure à 31 ° et pression supérieure à 73 bar) c’est-à-dire avec des propriétés idéales pour être transporté (viscosité d’un gaz) et stocké (densité d’un liquide). Ceci dit, avec une densité d’environ 0,5, il reste sensiblement plus léger que l'eau salée présente dans l'aquifère; il va donc remonter, à la verticale d’abord puis le long du toit de l’aquifère, pour venir s'accumuler sous la roche « couverture ». On parle alors de piégeage structurel. Mais en remontant, une partie du CO2 reste piégée dans la roche réservoir sous forme de petites bulles coincées dans les pores : c'est le piégeage capillaire. Plus le CO2 initial parcourra de distance avant d’être stoppé par un obstacle naturel et plus la part du piégeage capillaire sera importante.

Au cours du temps, ce CO2 piégé dans la roche réservoir va se dissoudre peu à peu dans l'eau. C'est le piégeage par dissolution. L'eau chargée en CO2 dissous (jusqu'à 44 g par litre), plus lourde que l'eau environnante, va donc migrer au fond du réservoir. Des réactions chimiques avec la roche transformeront alors ce CO2 dissous en minéraux carbonatés. On parle de piégeage minéral mais ceci concerne une échelle de temps de plusieurs milliers d’années. 

 Malgré toutes les précautions prises, y a-t-il des risques de fuite ?

Ph.D. : Rappelons d'abord que le CO2 fait partie des grands acteurs de la biochimie terrestre et, qu'aux teneurs habituellement rencontrées, il n'est absolument pas dangereux. Il contribue à l'effet de serre, phénomène naturel sans lequel la température moyenne sur terre serait non pas de 15° mais de -18°C ! Le problème actuellement est qu'il est produit en beaucoup trop grande quantité par les activités humaines (combustion du pétrole, du gaz et du charbon). Rappelons aussi que la plupart des gaziers - dont GDF SUEZ en France - stockent en toute sécurité du gaz naturel dans le sous-sol, en général durant l’été, pour le re-extraire une fois l’hiver venu.
Seule une fuite massive pourrait avoir un impact sur la sécurité des personnes. Mais un tel risque paraît improbable : le CO2 stocké en profondeur ne devrait pas se libérer soudainement par le milieu naturel et franchir les couches géologiques imperméables qui le séparent de l'atmosphère. De plus, des dispositifs de surveillance rigoureux seront mis en place ; nous aurons le temps de réagir et de prendre les mesures correctives nécessaires au moindre mouvement anormal.
Enfin, nous avons vu que la sûreté du stockage augmente naturellement avec le temps. En maximisant le piégeage capillaire au détriment du piégeage structurel, on minimise le risque de remontée accidentelle dans les premiers temps du stockage. On privilégiera donc les sites ou/et les scénarios qui favoriseront une dissolution rapide du CO2 dans l’eau salée des aquifères. 

Voir aussi sur la "chaîne énergie" :

Le captage du CO2 : est-ce viable économiquement ?
Quel coût pour le captage du CO2

Le site de l'IFP

1 commentaire(s)
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Commentaire par Jurançon
mardi 24 février 2009 07:48
Ils ne sont pas aussi optimistes les riverains du projet de stockage de co2 dans la région de Lacq. Une association s'est formée (COTEAUX DE JURANCON ENVIRONNEMENT) suite au projet pilote d'enfouissement de CO2 dans le puits de ROUSSE 1 situé sur les coteaux de Jurançon.
Dans une assemblée générale en juillet dernier, elle s'inquiète du risque de fuite avéré aussi bien à court terme qu'à long terme et dénoncé par de multiples experts internationaux (article des Echos du 11/10/07). Il n'existe aucune méthode fiable pour évaluer la probabilité ou la gravité de tels risques. Il est impossible de garantir un stockage techniquement sûr et permanent du CO2.
Elle dénonce la nébuleuse autant technique que juridique qui entoure le projet, laissant dubitatifs de nombreux élus contactés. Total s'accroche à un cadre juridique qui l'exonère de toute responsabilité à long terme. Le transfert envisagé de propriété au gouvernement fait en sorte que les contribuables devront assumer et payer pour les dommages qui pourraient en découler.
Enfin dernier point qui n'est pas le moins important, la prise de conscience que cette nouvelle technologie, loin d'être une solution miracle pour lutter contre le réchauffement climatique comme veut le présenter Total montre, selon les études les plus récentes, toutes ses limites en terme de fiabilité économique et de perspective réelle pour contribuer à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre. Les inconvénients globaux sont supérieurs aux bénéfices.
Greenpeace, qui considérait, jusqu'à présent, l'enfouissement souterrain du CO2 comme un moyen d'éviter l'effet de serre, est maintenant contre : "La capture et la séquestration du CO2 ne sauveront pas le climat" "C'est un faux-espoir". Il est souligné aussi devant l'assemblée que l'association CJE a l'appui de France Nature Environnement et de la Sépanso.
Il est dénoncé l'erreur commise par Total qui a négligé le test initial d'acceptabilité sociale auprès des populations directement concernées, en voulant plutôt passer en force selon les vieilles méthodes "robustes" des industries pétrolières pour arriver à leurs fins.
L’intégralité de l’assemblée générale est à consulter sur le site :

http://blog.ifrance.com/coteauxdejuranconenvironnement

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Philippe Delaplace est ingénieur à l'IFP (innovation, energie, environnement - ancien sigle : Institut français du pétrole). LÂ’IFP est un organisme public de recherche et de formation,...

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