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Boris Martor est associé du cabinet Eversheds LLP à Paris et conseille de nombreux opérateurs dans le secteur de l'énergie et des ressources naturelles.  

Le gaz de schiste en sursis


mercredi 12 octobre 2011

L'Assemblée Nationale n'a pas voulu durcir la loi contre l'exploitation de gaz de schiste par fracturation hydraulique. Mais il y a encore une proposition socialiste en piste au Sénat -lequel vient de changer de majorité...


Une interview de Boris Martor et Raphaël Chetrit, du  cabinet Eversheds LLP à Paris.

L'Assemblée Nationale a rejeté hier la proposition de loi socialiste visant à interdire toute exploration ou exploitation des gaz et huile de schiste. Cette décision vous semble-t-elle justifiée ?

Les explications de vote produites hier en séance par les députés Philippe Folliot et Michel Havard nous semblent convaincantes. La définition donnée des hydrocarbures non conventionnels n'est pas aboutie et l'on ne comprend pas qu'une définition aussi technique puisse être proposée sans débat et audition publique des experts et des opérateurs sur le sujet. Quel serait d'ailleurs le sens de figer légalement une notion qui évolue constamment avec les progrès technologiques ? En outre, des éléments de réforme du Code minier proposés auraient été introduits sans réflexion préalable. Le rejet de cette proposition de loi nous semble justifié tant d'un point de vue juridique que technique.

 Le gouvernement a abrogé trois permis d'exploration de gisements de gaz de schiste : Nant et Villeneuve-de-Berg, détenus par la société américaine Schuepbach, et Montélimar, détenu par le groupe Total. Le Président de la République l'a lui-même annoncé lors d'une visite dans les Cévennes, en précisant qu'il demandait à son gouvernement de "veiller à ce que les permis soient strictement limités aux activités conventionnelles". Est-ce bien l'application de la loi du 13 juillet 2011 ?

Avant d'en venir à l'analyse juridique, interrogeons nous sur le fond. Si on posait aujourd'hui la question « faut-il exploiter le gaz de Lacq ? », la réponse serait sans doute négative. On y a répondu de façon positive il y a tout juste 60 ans, en décembre 1951, et cela a contribué à l'essor industriel de la France.  Lacq, cela représente encore aujourd'hui 3% de la consommation annuelle de gaz des Français. Les importations de gaz sont aujourd'hui de 10 milliards d'euros par an, en 2030, elles seront multipliées par deux.

Dans notre situation budgétaire et financière, peut-on regarder les choses de façon aussi restrictive ? Nos voisins européens n'ont d'ailleurs pas la même attitude et observe le dossier des schistes de manière posée.
 Nous sommes face à un vrai choix de société : souhaite t-on réindustrialiser la France , et au passage développer une filière et des emplois ? Ou ne veut on plus donner aucune chance à aucun projet industriel et donc rester dans une économie de services ? Veut-on un vrai débat sur la protection de l'environnement, examiner comment se font des explorations de pétrole ou de gaz en 2011 ?

 Mais la loi est bel et bien votée...

 La loi du 13 juillet prévoyait en effet que les 64 opérateurs « titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux » remettent un rapport sur leur activité et précisent s'ils envisagent ou non de recourir à la technique dite de fracturation hydraulique, laquelle n'est d'ailleurs pas définie par la loi.

Un seul, l'Americain Schuepbach, a indiqué qu'il entendait l'utiliser et c'est dans ce cadre que le gouvernement a annulé ses deux permis. Total - dont le rapport n'est pas public pour l'instant - n'a pas exprimé apparemment, dans ses déclarations à la presse, la même intention d'utiliser cette technique, mais a fait état de projets de recherches d'hydrocarbures. Pourquoi Total fait-il l'objet d'une annulation ? La ministre de l'environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet, a fait valoir que ce rapport n'était pas « crédible ». Pour nous, un tel jugement semble à première vue subjectif et ne pourrait fonder une argumentation juridique valable. Il faudra analyser le contenu du rapport de Total et la décision une fois celle-ci publiée officiellement.

Les déclarations du Président de la République parlant d'« activités conventionnelles » semblent également curieuses, car la loi ne fait pas de distinction entre « conventionnel » et « non conventionnel ». Il n'y a pas actuellement de définition juridique du « conventionnel » dans le droit français.
 
Tout ceci montre que l'application de la loi est très fluctuante et assez approximative. Il est d'ailleurs opérationnellement difficile de définir les activités de recherche d'hydrocarbures conventionnels ou non conventionnels tant cette notion est liée aux progrès constants des technologies employées.

Il y a une autre proposition de loi amenée par les sénateurs socialistes. Où en est-elle ?


Il y a en effet eu deux propositions de loi, l'une initiée à l'Assemblée nationale - c'est celle qui a été rejetée - et l'autre au Sénat (voir article précédent).

Les gaz de schiste demeurent en sursis car la proposition de loi portée devant le Sénat est inscrite au calendrier et les discussions autour des amendements ou articles liés à celle-ci peuvent durer assez longtemps, sans compter que le Sénat vient de changer de majorité.

En tout état de cause, ce vote sera assez politique. On a l'impression qu'en période électorale, les groupes politiques s'affrontent sur la scène du Parlement, pour des raisons idéologiques en perdant de vue l'objectif premier du débat : l'avenir énergétique du pays et son industrialisation avec les conséquences en termes d'emploi et de développement d'expertise par nos entreprises dans cette filière.

(Propos recueillis par Yves de Saint Jacob)
1 commentaire(s)
[1]
Commentaire par comerick
jeudi 13 octobre 2011 04:08
Ce consultant nous parle du site de Lacq et sa contribution à l'essor industriel de la France, mais jusqu'à aujourd'hui les riverains n'ont pas vu ou vécu ce type de phénomène :

du méthane dans l'eau du robinet qui s'enflamme en approchant un flamme comme sur cette vidéo http://www.youtube.com/watch?v=L_rlL0JsoXA

Ni de leur EAU du robinet devenue impropre à la consommation car pollué de produits hautement toxiques et nocifs pour la santé utilisé par le procédé d'extraction de ce fameux gaz de schiste...

Sans parlé de la dégradation sans commune mesure de l'environnement, du paysage, de la consommation d'eau Gigantesque...

Ou encore du nombre de camions nécessaire pour transporter cette eau...

Mais non, mais non nous dira ce consultant rien de tout ça,tout est faux... c'est l'avenir, la solution à tous non pb énergétique à venir...


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