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Gaz et électricité : des prix très politiques!


lundi 22 mars 2010

Selon un décret publié fin 2009, la Commission de Régulation de l'Energie devrait se voir confier plus de pouvoir dans la fixation des tarifs de vente d'électricité et de gaz. Une bonne chose, selon notre contributeur, haut cadre du secteur de l'énergie, car elle devrait permettre de mettre fin à une histoire plutôt "rocambolesque"...


"La hausse des tarifs du gaz en France initialement prévue pour le 1er avril pourrait finalement être un peu décalée", pouvait-on lire dans Les Echos à la veille du premier tour des élections régionales. Et d'ajouter que "compte tenu de la proximité des élections régionales", GDF SUEZ pourrait "attendre un peu" avant d'engager le processus qui aboutira à une hausse des tarifs du gaz.


Quelques semaines plus tôt, ce mauvais vaudeville gazier avait eu son pendant électrique, avec la demande de 24% de hausse des tarifs réglementés de vente d'électricité, pour la période 2010-2015, qu'aurait émise EDF en janvier. Comment ne pas sourire (jaune) à la lecture de ces lignes?

Si l'existence de tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz n'est pas une particularité française – du moins pour les résidentiels (cf. le dernier rapport de la Commission européenne sur le marché intérieur de l'énergie) – les modalités de leur fixation en France sont pour le moins rocambolesques, pour rester poli. En la matière, l'économiste François Lévêque a parfaitement résumé l'état des lieux en dénonçant des tarifs qui sont devenus un "champ de bataille politique, se détachant des coûts et déformant la demande." Jugez donc. Si on veut filer la métaphore théâtrale, la fixation des tarifs en électricité se joue traditionnellement en trois actes :

1) EDF fait une demande jugée exorbitante en invoquant un mur d'investissements infranchissables et les générations futures;

2) L'actionnaire majoritaire pousse des cris d'orfraie, les yeux rivés sur le calendrier électoral, et le régulateur doit se contenter d'un simple avis;

3) On se retrouve en août pour une hausse qu'on souhaite en catimini alors que les Français bronzent peinards.

Feydeau apprécierait. En gaz, la pièce ne vaut guère mieux, et GDF SUEZ traine d'année en année un manque un gagner dû à l'absence de prise en compte de tous les coûts de l'opérateur dans les tarifs (qui a certes fondu cette année pour tomber de 679 millions d'euros en 2008 à 177 millions d'euros en 2009). Tout cela selon une formule longtemps restée secrète mais rendue (enfin!) publique l'an dernier par le régulateur (la Commission de régulation de l'énergie – CRE), lequel n'avait, jusqu'il y a peu, qu'un simple rôle consultatif en la matière. Bref, à l'instar du prix du pain jusqu'à la fin des années 70, l'Etat décide, le plus souvent au doigt mouillé, du niveau des tarifs et du moment opportun pour les réévaluer (si possible pas avant, ni pendant une période électorale, pas pendant les périodes d'activité, pas lorsqu'il fait froid... on aurait envie d'ajouter "jamais entre les repas"). Par la magie de l'administration des prix, l'efficience économique est mise sous la coupe de considérations électorales.

Certes, les choses changent. En matière de gaz, sous la pression de divers arrêts du Conseil d'Etat dénonçant des tarifs maintenus à un niveau "manifestement" trop bas, un décret publié fin 2009 entérine une nouvelle formule de fixation des tarifs (quels coûts à couvrir et quelles indexations). Il prévoit surtout que la CRE – par principe indépendante du pouvoir politique et des aléas électoraux, qui n'avait jusqu'à présent qu'un avis consultatif, émet désormais une décision contraignante. Les ministres de l'économie et de l'énergie, qui avaient autrefois la haute main sur la fixation des tarifs, ne donneront plus que des éléments de cadrage annuel. Quant à l'électricité, la dernière réévaluation tarifaire du mois d'août dernier a permis de prendre (enfin) en compte la majorité des coûts de l'opérateur EDF et a notamment d'intégrer les vrais coûts du transport de cette électricité.

Cette sagesse, quasi historique en matière d'intégration des vrais coûts dans les prix de l'électricité (à l'exception du prix du carbone qui lui n'est pris en compte que dans les prix de marché), pourrait être suivie prochainement d'une plus grande implication du régulateur – théoriquement indépendant du pouvoir politique- dans la fixation des tarifs d'électricité. En effet, le projet de nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME), outre le fait qu'il permettrait de transférer l'avantage prix du nucléaire à tous les consommateurs, quel que soit leur fournisseur, prévoit de donner à la CRE un rôle accru en matière de fixation des tarifs réglementés d'électricité. La CRE aurait dans ce cadre un vrai pouvoir de proposition, permettant ainsi de dépolitiser en partie la mécanique tarifaire.

Mais, attendons de voir la loi votée avant de considérer que la dépolitisation des tarifs est définitivement en marche. Et puis il y a les textes, et il y a leur application : la farce sur les prix du gaz à laquelle on a une nouvelle fois assisté à l'occasion des élections régionales démontre que les mauvaises habitudes ont la vie dure.
1 commentaire(s)
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Commentaire par alainba75
mercredi 24 mars 2010 15:07
Gerard ta petite entreprise ne connait pas la crise.
d'apres l'expansion de janvier les dirigeants de suez sont parmis ceux qui ont le plus touche en stock options en 2008/2009 et cela malgre la crise...
G Mestrallet a alors gagne plus de 6 millions d'euros ! mais aussi G lamarche et les autres....
d'ou vient l'argent ? du bon public qui n'a pas le choix et subit les caprices des amis du president !
vive les monopoles de ces grands seigneurs qui apprauvissent notre pays.
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