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Thomas Porcher est docteur en économie, Professeur à l'ESG Management School et fondateur de GBP-conseil. Il est l'auteur du livre "Un baril de pétrole contre 100 mensonges" - Ed...

Françafrique, pétrole et pauvreté


mardi 16 juin 2009

Le président Bongo était considéré comme le symbole de la Françafrique. Les relations entre les pays d'Afrique et les compagnies pétrolières sont aussi une des clés de l'avenir du continent.


Thomas Porcher, Docteur en économie, consultant en stratégies pétrolières, est l'auteur du livre «un baril de pétrole contre 100 mensonges» ed. Respublica

La plainte déposée par deux ONG contre trois chefs d’Etat Africains Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso et Théodoro Obiang a rouvert les débats concernant l’utilisation et la gestion de la production pétrolière.

En effet, beaucoup d’observateurs s’étonnent de la différence de richesse entre ce dont semblent disposer ces pays producteurs de pétrole - respectivement le Gabon, la République du Congo et la Guinée équatoriale- et les estimations de la pauvreté monétaire faite par la Banque Mondiale dans ces pays. Cependant, les erreurs sont fréquentes dans l’utilisation des indicateurs pour évaluer les possibilités dans le financement de la lutte contre la pauvreté.

Prenons le cas de la République du Congo qui pour une population de 3 millions de personnes a un PIB de 3 milliards de dollars (1), soit un PIB/habitant de 1 000 dollars par an. Ce chiffre est bien au delà du seuil mondial de pauvreté monétaire d’un dollar par jour. C’est d’ailleurs sur la base de la confrontation de ce chiffre aux statistiques de la Banque mondiale — qui évaluent un revenu inférieur à 700 dollars par habitant au Congo — que beaucoup croient démontrer le haut niveau de corruption dans la gestion du pétrole au Congo. Selon certains observateurs, 300 dollars par habitant disparaîtraient donc chaque année à cause de la corruption.

Conclusion trop rapide, car en l’absence de prise en compte des modalités du partage de la rente (c'est-à-dire des contrats pétroliers), ces chiffres ne veulent rien dire. En effet, une analyse plus fine du PIB congolais permet de justifier ces manques. La moitié du PIB (soit 1,5 milliards de dollars/an) provient du pétrole qui représente également 93% des exportations. Ces ressources sont d’abord reversées largement aux compagnies au travers du mécanisme du Cost-Oil (750 millions de dollars). Le simple reversement du Cost-Oil ampute donc le PIB du quart de sa valeur.

Mais à cela, il faut ajouter l’ensemble des modalités des contrats de partage de production, au final, la part congolaise du PIB pétrolier n’est que d’un tiers (2). Ainsi, sur 1,5 milliards de dollars de PIB pétrolier, la part congolaise n’est que de 500 millions de dollars. Le revenu intérieur brut n’est donc que de 2 milliards de dollars loin en dessous du PIB de 3 milliards de dollars, et le revenu annuel par habitant de 656 dollars, soit très proche des estimations de la Banque mondiale (700 sollars) et loin des 1000 dollars par habitant. La perte de 300 dollars/hab ne s’explique donc pas par la corruption mais bien par les modalités du partage de la rente.

Mais de la part congolaise de rente pétrolière, il faut encore soustraire le service de la dette gagée sur le pétrole (258 millions de dollars/an), dette d’ailleurs parfois liée à l’activité pétrolière (tirages, Nkossa, PGA…). Le revenu pétrolier restant provisoirement au Congo n’est plus que de 242 millions de dollars. Le revenu pétrolier ne représente donc plus que 15% du revenu intérieur qui est égal à 1,7 milliards de dollars (1,5 milliards + 242 millions), soit 566 dollars par habitant. Un chiffre largement inférieur à 1000 dollars/hab et en dessous du chiffre de la Banque Mondiale de 700 dollars/hab.

40% du PIB congolais soit 1,3 milliards de dollars se sont donc évaporés juste avec les modalités du partage de la rente pétrolière et la dette gagée sur le pétrole. Bien sûr, on ne peut pas ignorer la corruption ; mais elle n’explique pas tout, et l’utilisation d’indicateurs erronées ne facilite guère ni le dialogue ni le débat.

(1) En 2002
(2) En fonction du prix du baril, 60% à un prix à 100 dollars

Photo : Juanjo Tugores -  Fotolia
3 commentaire(s)
[1]
Commentaire par DD
mardi 16 juin 2009 16:45
Justement, la "corruption" se situe au niveau des contrats pétroliers, qui est trop largement à l'avantage des majors.
[2]
Commentaire par zabock
mardi 30 juin 2009 09:42
c'est pourquoi il est normal de refouler les congolais, les gabonnais, et les autres ...après les avoir spoliés et détroussés ! après avoir vécu grassement sur le dos de ces pays africains, il est normal de les remettre dans un charter à coups de matraque. Ben oui, comme dit hortefeux " on ne peut tout de même pas accueillir toute la misère du monde,non ?" ah quelle grande âme ce Nicolas ...
[3]
Commentaire par Yves Egal
samedi 04 juillet 2009 21:37
Comme toujours, l'emploi inconsidéréc de termes anglais aboutit à de la confusion : le cost oil (coûts de production payés en pétrole) fait partie du contrat de partage de production. On ne peut donc déduire deux fois du PIB ce partage de la production. Il n'est même pas à déduire complètement une fois, puisque ce pétrole acquis par Total, par exemple, sert à payer le personnel, dont une bonne partie de Congolais, et un grand nombre de biens et services consommés sur place. Il me semble donc que votre raisonnement ne tient pas compte de tout correctement.

[Réponse de l'auteur]
Le cost oil est effectivement un coût de production fixé à 50% de la production pétrolière par les contrats de partage de production. Ce coût est à retirer de la production pétrolière une seule fois (comme énoncé dans mon article d'ailleurs) soit sur 85 millions de barils, le cost-oil prélève 50% soit 42,5 millions de barils et le reste est partagé + PID et redevance soit au total le Congo ne récupère qu'1/3 de son pétrole. Concernant la partie qui sert à payer du personnel qui selon vous est en grande partie congolais, vous devez faire erreur car les compagnies employaient tellement peu de congolais que le FMI via le DSRP a obligé l'emploi d'un nombre minimum de Congolais. Enfin concernant le grand nombre de biens et services consommés grace au COst-oil (qui à la base a pour but de rembourser les frais d'exploration et de fonctionnement du gisement et pas de consommer), je serai curieux d'avoir un exemple? Jusqu'à preuve du contraire mon raisonnement tient donc la route.
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