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 - Président fondateur de Sauvons Le Climat

Auteur
Ingénieur et docteur ès sciences, Hervé Nifenecker est Président fondateur du collectif  Sauvons le Climat, qu'il a créé en 2004. Il s'exprime sur "la chaîne Energie" à titre personnel...

Nucléaire: que doivent faire les évacués?


lundi 09 mai 2011

Faut-il interdire indéfiniment les zones contaminées après un accident nucléaire? Ne vaut-il pas mieux engager résolument la réhabilitation et donner la parole aux «évacués nucléaires».



L'évacuation de zones à la suite d'un accident nucléaire semble devenir  une mesure automatique, éventuellement  définitive, sans concertation avec les populations locales et sans garantie de bien régler les douloureux problèmes de réinstallation.

En fait, ce sont bien souvent des décisions prises pour complaire à l'opinion publique, nationale et internationale, sans tenir compte des réalités de terrain. C'est aussi un alibi pour ne pas s'attaquer résolument à la question de la décontamination et de la réhabilitation des terrains.
Des règles moins médiatiques mais  beaucoup plus conformes à la réalité de la radioactivité pourraient être prises.

Par exemple, une évacuation pourrait être décidée tant que la situation de la radioactivité n'est pas stabilisée. Une fois cette stabilisation  atteinte et  les niveaux de contamination  précisément mesurés, les habitants devraient pouvoir revenir chez eux, s'ils le désirent, après qu'ils aient été dûment informés des risques encourus.  Ceux qui n'accepteraient pas devraient   se voir offrir une solution par les autorités, allant jusqu'au rachat de leur logement au prix du marché d'avant l'accident.

Est-ce une position choquante et irresponsable ? Regardons les faits.

A Fukushima, le refroidissement des cœurs dégradés étant assuré, les rejets de radioactivité sont pratiquement terminés. On peut donc considérer que la contamination des sols a atteint un palier. Une cartographie détaillée des niveaux de radioactivité a été déterminée par les Américains grâce à un survol par hélicoptère des zones contaminées.

A partir de ces cartes, l'IRSN a calculé les doses annuelles que recevraient les populations qui viendraient se réinstaller. Ces doses varieraient entre 5 et 30 mSv/an.  Que représentent de tels niveaux ?

Rappelons que, selon les normes appliquées en France, le niveau au-delà duquel  le public au sens général ne doit pas être exposé est de 1 millisievert  par an (1 mSv)/an), et  qu'il y a une tolérance de 20 mSv/an  pour les professionnels exposés à des rayonnements. Il est à noter qu'il s'agit là d'exposition à des irradiations provoquées par des activités humaines, donc en addition à  la radioactivité naturelle. Celle-ci est estimée, en moyenne mondiale, à 2,4 mSv/an, mais avec des zones où elle peut grimper jusqu'à 30 ou 40 mSv/an. Le Brésil, l'Iran, l'Inde comportent de telles zones à radioactivité forte, et la Bretagne  est connue pour ses massifs granitiques qui font aussi monter les taux. Comme il s'agit d'une radioactivité naturelle, nous baignons dedans en permanence,  avec un effet cumulatif au fil des années. C'est ainsi que la dose totale accumulée pendant  une vie durant 80 ans est de l'ordre de 200 mSv en France et peut  atteindre 10 fois plus dans quelques régions du monde

Depuis Tchernobyl, on sait que les retombées radioactives ne se répandent pas de façon concentriques, mais en taches, et qu'il est donc arbitraire  de fixer des zones d'exclusion du type 30 ou 50 km à partir de l'usine. Une zone loin de l'usine peut être plus contaminée qu'une zone proche, parce que les vents ont été défavorables au moment des émissions.

L'essentiel des retombées de Fukushima s'est concentré dans un parallélépipède d'environ 400 km2 où l'irradiation annuelle dépasserait 18 mSv. Une activité comparable avait été observée sur une surface de l'ordre de 10000 km2 autour de Tchernobyl. Dans la zone interdite de Tchernobyl, la dose d'irradiation se situait entre 50 et 100 mSv/an.

Contrôler de près la décontamination

Voici pour la comparaison des niveaux. On objectera qu'il s'agit de doses annuelles et que le danger viendra de l'accumulation au fil des années. Mais cela ne sera pas le cas si les zones sont décontaminées de façon énergique. Il y a, pour ce faire,  des techniques efficaces. La mise en place d'une zone d'exclusion totale pour des années est une incitation à ne rien faire, sans compter qu'elle contribue à agiter les peurs les plus irrationnelles sur le danger nucléaire.

Une fois réinstallés (s'ils le souhaitent), les habitants devront pouvoir s'assurer que les travaux de réhabilitation des  lieux sont effectivement réalisés. Après une formation, ils pourraient être dotés de compteurs pour qu'ils signalent les niveaux  de radiation anormaux et l'évolution des taux moyens.

A tout moment, ils devraient pouvoir revenir sur leur décision et demander aux autorités de trouver une solution pour leur relogement. Les frais engagés par les autorités devraient être intégralement remboursés par le propriétaire de l'installation initiatrice de l'accident. 

Ces habitants ne seraient pas des kamikazes !

Ils ne seraient pas « envoyés à une mort certaine » !  Car, au risque de choquer, il faut, là aussi, être précis.

D'une façon générale, un moyen standard pour évaluer la dangerosité d'une exposition, d'une pratique ou de l'ingestion d'un toxique est l'évaluation de l'influence sur « l'espérance de vie ».  Ainsi la pollution atmosphérique urbaine  conduirait à une réduction de  4 à 9 mois  de l'espérance de vie d'un adulte de 30 ans. Le même type de calcul existe  pour le tabac, par exemple.

Le calcul de l'espérance de vie n'est qu'exceptionnellement utilisé quand il s'agit du risque lié à l'irradiation. On préfère parler de dépassement de doses autorisées sans préciser à quoi correspondent ces doses.   

La perte d'espérance de vie liée à un risque se calcule à partir de formules faisant intervenir la probabilité de l'événement mortifère et le raccourcissement de la durée de vie si l'événement se produit. Ce calcul est effectué selon une méthode classique exposée sur ce lien.  Sans entrer dans le détail, dans le cas d'une irradiation, on dégage deux chiffres,  un niveau bas et un niveau haut. 

Voici quelques exemples de pertes d'espérance de vie dues à une irradiation limitée dans le temps. On a supposé une espérance de vie de 80 ans.



On peut aussi faire  le calcul de la perte d'espérance de vie entraînée par une irradiation de 250 mSv  correspondant à la norme de catastrophe autorisée pour les intervenants sur le site de Fukushima. Pour un homme de 40 ans, la perte d'espérance de vie serait comprise entre 1,8 et 3,6 mois. En réalité il semble que seulement quelques uns d'entre eux aient atteint une dose de 170 mSv.

Soulignons que cela ne signifie absolument pas que tous les membres d'une population irradiée verront leur espérance de vie diminuer, mais plutôt que certains des membres ayant contracté un cancer auront une durée de vie fortement diminuée alors que la plupart des autres resteront indemnes. On voit clairement sur le tableau que la perte d'espérance de vie est beaucoup plus importante pour un bébé que pour un retraité.

Sur le tableau, il s'agit d'irradiation limitée dans le temps. En ce qui concerne l'exposition à la radioactivité naturelle, qui est permanente, on calcule qu'avec une irradiation de 3 mSv/an, la perte d'espérance de vie est comprise, en moyenne,  entre  0 et 1,8 mois.

Les normes qui ont été fixées pour le public ont pour objectif de limiter l'augmentation de l'irradiation due aux activités humaines au tiers de la radioactivité naturelle moyenne mondiale. Elles font l'hypothèse que l'irradiation est continue pendant la vie entière. Appliquer de telles normes aux irradiations liées à Fukushima ou Tchernobyl, qui ont vocation à être diminuées par des actions locales de décontamination,  n'a donc pas de sens.


 


 
8 commentaire(s)
[1]
Commentaire par brstd
mardi 10 mai 2011 15:53
Bonjour, (1/2)

Cette approche tres pragmatique et hors de la mise en scene anxiogene a la mode en ce moment est presque juste.

Je me permettrais de lui adjoindre quelques commentaires.

Les effets presumes des doses telles que notees sont fondes sur une application lineaire (regression lineaire) des effets non stochastiques observes a haute dose. Or si un individu qui boit d'un coup 10 litres d'eau meurt, si dix individus boivent chacun un litre d'eau aucun ne meurt alors que la prediction lineaire garde cette valeur "un mort". On sent donc que ces "reductions" de l'esperance de vie sont de fait exagerees.

En contre-partie, la reduction de l'esperance de vie chez les populations attachees a leur terre est souvent liee a leur relocalisation. Ceci est difficile a mesurer.

De meme, une partie de la reduction de l'esperance de vie est liee a l'apparition d'un cancer lequel serait en relation avec la radioactivite ajoutee. Or, par definition, le delai d'apparition est de l'ordre de plusieurs annees pour la thyroide (ce qui ne concerne pas les japonais dont la thyroide etait deja saturee en iode contrairement a des personnes residants loin de la mer) a quelques dizaines d'annees. On sent donc tout de suite que les personnes agees n'auraient pas du etre relocalisees sauf de maniere tres temporaire et devraient deja revenir chez elles.

[Réponse de l'auteur]
En ce qui concerne la régression linéaire elle a bien été définie par des effets stochastiques (probabilistes), au contraire de ce que vous dites. Mais sa validité n'a été vérifiée que pour des doses instantanées (Hiroshima-Nagasaki) supérieures à 100 mSv. Pour le reste je crois que nous sommes d'accord.
[2]
Commentaire par brstd
mardi 10 mai 2011 15:53
Bonjour (2/2)

Toutefois, de nombreuses maisons sont detruites ou inhabitables du fait du tremblement de terre ce qui nuit evidemment a cette approche.

La decontamination est possible et doit etre realisee des que possible (au plus tot -- de fait elle a deja commence) car alors les matieres sont plus concentrees (plus facile a recuperer) et peu infiltrees (les volumes a traiter sont tres inferieurs).

Au dela de ces aspects, on peut legitimement se poser la question de l'importance accordee a l'impact "fukushima" qui sera de zero morts et le peu d'importance, comparativement, accordee aux morts directs (pres de 30000) mais surtout a ceux a venir du fait de la pollution chimique majeure engendree par la destruction d'usines et de produits domestiques toxiques (tremblement de terre et tsunami). Ces matieres ayant rejoint les nappes, les terres cultivables et l'ocean sur une surface infiniment superieure a 400 km2.

Pour cette derniere partie, j'avoue avoir du mal a imaginer qu'un montage politico-anxiogene a vocation pseudo-verte puisse justifier un tel acharnement sur l'aspect nucleaire et une ignorance coupable sur les autres aspects. La decontamination chimique est urgente. A la difference des matieres nucleaires, les toxiques chimiques ne decroissent pas!

Bonne journee

Brstd

[Réponse de l'auteur]
Je partage votre point de vue sur l'hypertrophie donnée au danger nucléaire. Elle a, bien sûr, des raisons politiques. Mais elle est aussi due au mystère qui entoure le nucléaire, domaine réservé aux professionnels. Or, comme presque tous ceux qui aiment faire la cueillette des champignons sont bien avertis de leurs dangers éventuels, il est temps que ceux qui ont affaire à un accident nucléaire se saisissent eux mêmes de la question. C'est bien ce qu'ont fait les professionnels du nucléaire qui ont appris à gérer les doses et à en comprendre la signification. Autrement dit il s'agit de démystifier le nucléaire. Pour ce qui concerne la reconstruction, là encore, il faut donner la parole aux habitants pour qu'ils décident ou non de la reconstruction. il y aura, bien sûr, bien d'autres paramètres à prendre en compte que le risque radioactif, comme celui de l'exposition à un autre tsunami.
[3]
Commentaire par Karatchentzeff
mercredi 11 mai 2011 09:55
Cet article me paraît tout à fait clair.
Toutes mes félicitations.

Une simple suggestion annexe : si l'on suit le lien pour faire le calcul,
dans la dernière page, il pourrait être utile de disposer d'un ou deux
exemples réalistes. Il serait aussi pratique d'avoir un lien vers la page
précédente.



[Réponse de l'auteur]
Merci de votre commentaire. La page calcul est réservée au calcul. Pour revenir à la première page il suffit de remonter sur votre navigateur deux fois. Des examples sont donnés dans le texte du Blog
[4]
Commentaire par Patrig K
mercredi 11 mai 2011 10:35
Pensez vous réellement que le groupe Tepco, serait en mesure de payer le rachat de l'immobilier des populations qui ne souhaiteraient plus revenir dans de tels endroits ? Alors qu'ils viennent de faire appel au gouvernants pour obtenir de l'aide !

Pensez vous que les groupes privés qui utilisent ainsi cette technologie, qui par ailleurs cette catastrophe officialise leur incompétence à gérer la crise, sont en état de payer tous les dégats sans l'aide de la collectivité !

Tant de mal à ce donner pour défendre l'indéfendable ... pas assez de lignes pour en exposer tous les défauts d'une caste de mégalo, prétentieux qui tatonne l'énergie nucléaire, celle qui devrait etre utilisée, quand la démocratie sera enfin une réalité ....

Votre lecture d'un fan nucléocrate, n'est plus recevable .. La théologie nucléaire est à l'égal de la théologie religieuse du temps des purges de l'inquisition, votre savoir hautement prestigieux , n'est plus audible, car vous vous etes trop glorifier de maitriser cela. Les plus de 40 ans de prétention mensongère, vous a condamner à jamais par les populations évacuées ainsi que celle qui constate de vos incuries !

[Réponse de l'auteur]
Je me demande qui manque d'argument, qui excommunie et qui connaît l'orthographe.


[Réponse de l'auteur]
Cet obscur galimatias prétend démystifier ce que son auteur considère être la religion nucléaire en pratiquant lui même l'excommunication et en célébrant l'ignorance ! N'en déplaise à ce virtuose de la syntaxe, le 11 mars 2011, l'électronucléaire à sauvé plusieurs centaines de milliers de Japonnais. En effet, sans un tel outil énergétique, le pays du soleil levant n'aurait jamais eu les moyens économiques et industriels de se hisser à la seconde place des puissances économiques de la planète et, surtout, de développer massivement l'urbanisation anti sismique que le monde entier lui envie. Pour apprécier correctement les ravages qu'un séisme de magnitude 9 aurait produits chez un japon dépourvu de cette urbanisation, c'est du côté d'Haïti qu'il faut regarder... et c'est par centaines de milliers qu'il aurait fallu redouter le nombre de victimes dans un pays aussi densément peuplé ; et ce qui vaut pour le séisme vaut également pour le tsunami. J'ajoute que c'est également l'électronucléaire qui va permettre un rétablissement du Japon dont personne ne doute qu'il sera spectaculaire, comme l'ont été son rétablissement d'après guerre et l'effacement des stigmates du précédent gros séisme que ce pays a subi. Déplorez, cher millénariste, qu'il ne se défasse jamais du nucléaire, car, soyez en persuadé, il ne s'en défera pas ! André Pellen
[5]
Commentaire par Patrig K
mercredi 11 mai 2011 11:17
Pour l' aurtau graffe , j'en convient , ce nait p as Ma spécialitée ! Ne dit on pas d'ailleurs, qu'elle ait la cience des annes ? Les scribes farceurs sont là pour ça , monsieur de l'ortographe .....

Démocratie et argumentaire , à vous de nous en démontrer de la réalité ... sapiens sapiens est trop jeune pour toucher à la brique du bon dieu ....il est trop prétentieux, sauf Einsten qui lui en avait fait son méa-culpa , j'en attends autant de vous l'ortographe atomique !

ou le scribe d'AREVA ?
[6]
Commentaire par Patrig K
mercredi 11 mai 2011 14:46
là encore, il faut donner la parole aux habitants pour qu'ils décident ou non de la reconstruction///

tout en argumentant, qu'il faut désormais donner la parole aux habitants, tout comme il leur avait été demandé leurs accords pour l'installation de ces machines atomiques dans leurs jardins !

n'importe quoi ! tepco, 9 milliards d'euros de perte, et c'est les habitants de ce pays qui vont casquer les folies de vos frères atomistes du Japon, !

Certes, si ils sont 100% bon en AURE TAUX A GRAFFES , en nucléogaffes , ils sont 100% au point également , des prestigieux gaffeurs atomiques, à mettre en péril toute l'économie de cette ile Empire !
[7]
Commentaire par Hervé Nifenecker
jeudi 12 mai 2011 11:05
Tepco a fait appel au gouvernement pour acheter du fuel / charbon et gaz pour faire tourner ses centrales electriques. C'est donc directement deductible du tarif de l'electricite vendue. Ca revient a faire passer la production fossile sous le controle du gouvernement. C'est simplement une ecriture comptable qui rend compte de cela.

La plupart des maisons situees dans le panache ou dans la zone des 20 km ne sont de toutes facons plus habitables suite au tremblement de terre. A quelle valeur estimer une maison qui doit etre de toutes facons rasee? Chose bien difficile a vrai dire.

Par contre, techniquement, en quoi incriminer une centrale nucleaire qui a tenu (a contrario de tous les batiments environnants et de la plupart des installations dangereuses du secteur -- chimie, etc) un seisme de force 9 pendant cinq minutes (3 fois plus qu'en Chine) et un tsunami estime localement a 14 m et qui en tout et pour tout a emis de l'iode (qui a deja quasiment disparu) et des produits de fissions intermediaires (il n'y a pratiquement pas d'actinides detectables ce qui d'ailleurs corrobore la tenue de bunkers telle que rapportee par les autorites japonaises) pour lesquels il existe des methodes de recuperation eprouvees. Pour rappel, Fukushima, c'est et ce seront zero morts d'origine nucleaire. Aucune structure energetique n'arrive a ce niveau a ce jour. Monbiot, le chroniqueur ecologiste du Guardian, avait parfaitement raison de le noter, lorsqu'il a ecrit s'etre conver
[8]
Commentaire par Hervé Nifenecker
jeudi 12 mai 2011 11:13
Attention
J'ignore pourquoi ma reponse (Tepco) est passee avec le nom de l'auteur. Je n'ai plus le champ "commentaire par" qui aurait permis de signer "brtsd".
Je presente mes excuses a l'auteur de l'article et aux lecteurs abuses.
Brstd (et non H. Nifenecker)
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