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Taxe carbone : le chèque vert est une erreur


lundi 05 octobre 2009

Un consensus a minima s'est dégagé sur la taxe carbone. Voici une contribution qui le brise : non, ne remboursons rien sur la taxe carbone, les finances publiques ne le permettent pas et nous allons contruire une usine à gaz fiscale


François Ecalle est un des contributeurs réguliers de Débat&Co.fr. Economiste, il a enseigné dans plusieurs grandes écoles et est actuellement chargé d’un cours de politique économique à l’université Paris I. Il a écrit plusieurs ouvrages, notamment Maîtriser les finances publiques ! Pourquoi, comment ?, Economica, 2005


Voir aussi sur Débat&Co l'article de Matthieu Courtecuisse : "protéger l'avantage carbone de l'électricite française".
 
Le débat sur la compensation du coût de la taxe carbone, sous forme de crédit d’impôt ou par tout autre moyen, apparaît totalement surréaliste lorsqu’on prend en considération les contraintes qui pèsent sur les finances publiques françaises.

Le déficit public structurel, c’est-à-dire corrigé des effets de la conjoncture macroéconomique, est supérieur à 70 Md€ en France et c’est un effort de cette ampleur qu’il faudra faire, sous forme de baisse des dépenses publiques ou de hausse des prélèvements obligatoires, pour assainir nos finances publiques dès que la reprise de la croissance sera clairement établie.

A 17 € par tonne de CO2, la taxe carbone aurait un rendement limité à seulement 5 Md€, avant toute mesure de compensation, ce qui est donc très loin de l’effort qui sera demandé aux ménages et entreprises dans les années qui viennent.

Elle pèsera certes sur la compétitivité de certaines branches d’activité, mais les entreprises vont bénéficier de la suppression de la taxe professionnelle, mesure par ailleurs tout à fait inopportune au regard de la situation des finances publiques.

Malgré cette suppression de la taxe professionnelle, la fiscalité pesant sur certaines branches augmentera globalement, mais l’impact de ces mesures sera très différent au sein de chaque branche, d’une entreprise à l’autre, en fonction notamment du poids de leur taxe professionnelle, de leur consommation d’énergies fossiles et de leur capacité de répercussion de ces taxes sur leurs clients. Vouloir compenser le coût de la taxe carbone pour les secteurs "les plus touchés" conduit à s’engager dans un processus sans fin – il y aura toujours des mécontents – qui favorisera surtout les professions ayant la plus grande capacité de lobbying ou de nuisance.

La compensation en faveur des ménages répond à un besoin de justice sociale, la taxe carbone étant clairement régressive : elle pèse relativement plus lourdement sur les ménages dont les revenus sont les plus faibles. Mais aucun mécanisme de compensation ne la rendra "juste", car même l’usine à gaz administrative la plus sophistiquée ne permettra pas de tenir compte de toutes les situations particulières. Une compensation euro pour euro pour tous les ménages et entreprises annulerait en outre l’impact environnemental de la mesure.

Le montant moyen de la compensation prévue (46 ou 61 € par adulte selon le lieu de résidence) sera, par exemple, excessif pour ceux qui n’ont pas besoin de se déplacer et se chauffent à l’électricité, d’un côté, et dérisoire pour ceux qui sont obligés de faire des dizaines de kilomètres par jour en voiture en zone urbaine pour travailler, de l’autre côté. 

Ce besoin permanent de compenser l’impact de toute mesure nouvelle pour les perdants est une des principales causes, si ce n’est la principale, de la complexité du système fiscal et social français. Cette complexité est telle que personne n’a jamais pu mesurer la redistribution totale opérée en France en tenant compte de l’ensemble de ses canaux (prélèvements obligatoires, prestations sociales, tarifs sociaux des collectivités locales et des entreprises publiques, services publics…). Il faudra bien un jour admettre que tous les cas particuliers ne peuvent pas être traités et que, si on s’en tient à une approche globale de la redistribution, il faut se contenter d’utiliser les deux principaux instruments à la disposition des gouvernements, l’impôt sur le revenu et les prestations sociales sous conditions de ressources (RSA, allocations de logement…).

Le remboursement de la taxe carbone aux ménages est enfin considéré comme nécessaire pour faire accepter par l’opinion cette "révolution" fiscale et écologique. D’abord, la taxe carbone n’a rien de révolutionnaire si on la compare à la TIPP à laquelle elle ressemble beaucoup. Ensuite, elle a été fixée à 17 € par tonne de CO2 sans perspectives précises d’augmentation alors que le rapport Rocard préconisait un taux de 32 € par tonne augmentant progressivement pour atteindre 100 € en 2030. Le taux retenu constitue déjà un recul significatif qui devrait permettre de rendre la mesure acceptable. La référence au prix du carbone sur le marché des quotas de CO2 n’est pas pertinente car les quotas alloués sont bien trop élevés au regard des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il faut diminuer les quotas pour pousser le prix de marché vers 32 € et non pas aligner le taux de la taxe sur un prix non significatif.


1 commentaire(s)
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Commentaire par AB380
samedi 10 octobre 2009 09:10
Tt a fait d'accord. Une spécialité française l'usine à gaz fiscale pour entretenir un système administratif plus répressif qu'inventif à l'image de notre Gouvernement
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