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Auteur
Béatrice Mathieu est rédactrice en chef adjointe de l'Expansion, responsable éditoriale de la Chaine Energie.

"Le Conseil Constitutionnel a peut-être sauvé un projet de taxe carbone qui s'enlisait"


mercredi 30 décembre 2009

Pour Christian de Perthuis, professeur d'économie à l'Université Paris Dauphine, spécialiste du climat, la censure de la taxe carbone par le Conseil Constitutionnel devrait permettre au gouvernement de revoir sa copie, pour la rendre plus lisible.


Christian De Perthuis est Professeur à l’Université Paris Dauphine et auteur de «Idées reçues sur le changement climatique», aux éditions du Cavalier Bleu.

Vous avez défendu l’idée d’une fiscalité écologique. La censure par le conseil constitutionnel de la taxe carbone est-elle une mauvaise nouvelle ?

Paradoxalement, cette décision va peut-être sauver un projet qui était en train de s’enliser. Pour bien le comprendre, il faut revenir aux fondamentaux : compte tenu de la nécessité de faire refluer rapidement les rejets de gaz à effet de serre (GES), pour éviter les risques de dérèglements climatiques majeurs, il convient d’appliquer un prix à nos émissions de carbone, pour que les émetteurs règlent les dommages qu’ils occasionnent, et que les agents qui réduisent leurs émissions, en bénéficient au plan économique. Pour garantir l’efficacité économique, il convient de surcroît que ce prix soit unique et qu’il soit payé par l’ensemble des émetteurs. Mais, le passage d’une économie de gratuité de carbone dans laquelle chacun est libre de rejeter des quantités illimitées de GES, à un régime où chacun devra payer ses émissions n’est pas une transition facile à engager.
Le projet d’instituer une taxe carbone en France pour tarifer les émissions de CO2 s’inscrivait dans ce sens. Il était donc initialement très pertinent. Mais d’exemptions en compromis de toutes sortes, le texte auquel le gouvernement a abouti est devenu totalement illisible. Si la décision du conseil constitutionnel permet de retrouver la logique initiale du projet qui consiste à faire payer l’ensemble des émetteurs, quitte à trouver des modalités de compensation qui ne passent pas par des exemptions pour les activités ou professions à risque comme  les agriculteurs, les marins pêcheurs, ou les transporteurs routiers…., elle aura été salutaire. Le même raisonnement s’applique pour la compensation des personnes souffrant de handicaps qui ne doivent pas être exonérées, mais compensées au titre de la solidarité nationale.  

Ce problème d’équité sociale a beaucoup nuit à  l’acceptation de la taxe carbone par la population. Comment y remédier ?

Le choix de compenser forfaitairement l’ensemble des ménages, quelles que soient les conditions de revenus, à travers le fameux chèque vert est discutable. Il aurait été préférable de cibler la compensation sur les 20% ou 30 % des ménages qui en ont le plus besoin. Mais force est de reconnaître que l’opération est difficile à conduire en pratique. Pour être efficace, une politique écologique doit être claire, et acceptée par le plus grand nombre, sinon les risques de rejet, notamment par les classes populaires, sont très grands. Par ailleurs, on sait bien que ce sont majoritairement les ménages les plus modestes qui risquent d’être les plus durement frappés par les conséquences du dérèglement climatique.

Propos recueillis par Béatrice Mathieu

1 commentaire(s)
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Commentaire par Marco
mercredi 30 décembre 2009 17:39
Le problème vient surtout du fait que le président Sarkozy a voulu faire une réforme à somme nulle, c'est-à-dire qui ne ponctionne pas le pouvoir d'achat des agents économiques. Il s'est enfermé dans sa logique de non-augmentation des prélèvements obligatoires.
Pour être efficace, une taxe carbone ou anticarbone, c'est selon, doit faire mal aux portefeuilles pour être certain de pouvoir changer les comportements. De plus, exclure les industries les plus polluantes n'a que peu de logique économique, c'est juste le résultat du poids des lobbys.
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